
Louis Alexandre Berthier
“ J’ai été trahi par Berthier, véritable oison dont j’avais fait une espèce d’aigle ”
Napoléon à Sainte-Hélène.
Le plus bel éloge que reçut Berthier de Napoléon, éloge posthume, hélas ! ce fut au lendemain de Waterloo : “ Si j’avais eu Berthier, je n’aurai pas eu ce malheur ! ”.
Louis-Alexandre, prince souverain de Neuchâtel et Valangin, prince de Wagram Grand Veneur, Grand connétable 1753-1815
Origine
Louis-Alexandre Berthier naquit à Versailles, le 20/11/1753. Son père, Jean-Baptiste Berthier (1721-1804), ingénieur-géographe, avait été anobli par Louis XV. Il dirigeait le dépôt des cartes et plans où, avec le grade de lieutenant-colonel, il commandait en chef les ingénieurs-géographes de l’armée royale. La mère du futur maréchal, Marie-Françoise Lhuillier de la Serre (1731-1783), avait été femme de chambre du comte de Provence, le futur Louis XVIII. Conseillé par son père, Alexandre entreprit des études de cartographie. Ses progrès furent rapides : entré en 1764 à l’Ecole royale du génie de Mézières, il en sort, deux ans plus tard, ingénieur-géographe à treize ans. A dix-sept ans, le voici lieutenant d’infanterie, affecté aux dragons de Lorraine. Il part ensuite pour l’Amérique dans l’armée de l’Indépendance, commandée par Rochambeau, qui va se mettre au service de La Fayette.
La Révolution française
A son retour en France, Berthier est nommé colonel ; le Roi le fait chevalier de l’Ordre de Saint-Louis et major- général de la garde nationale de Versailles. Peu après, il est nommé aide-major-général des logis de la garde nationale de Paris. Dans cette nouvelle et délicate fonction, Berthier se montrera modéré, veillant à maintenir l’ordre, à éviter ou réprimer les excès. Il interviendra à plusieurs reprises pour préserver la famille royale, particulièrement lors des journées des 5 et 6 octobre 1789 où les émeutiers parisiens marchèrent sur Versailles. Cette loyale conduite envers son souverain lui attirera des ennuis ; il sera sérieusement suspecté. Heureusement pour lui, l’armée avait grand besoin de bons officiers pour faire face à l’invasion du territoire. Ce sont ses capacités militaires qui sauveront Berthier de la guillotine. Le 1/04/1791, il est promu adjudant général colonel, de nouveau sous les ordres de Rochambeau. Il passe ensuite chef d’état-major de La Fayette, puis de Luckner. Mais toujours suspect, il est destitué, le 21/08/1792. On l’autorise pourtant à servir, comme volontaire, à l’armée des côtes de l’Ouest.
Le 1/07/1793, il est envoyé en mission à Paris mais il reste toujours destitué. Tout rentre dans l’ordre après le 9 Thermidor. Berthier est réintégré général de brigade, le 5/03/1795, et nommé chef d’état-major de l’armée des Alpes et d’Italie. Trois mois plus tard, il devient général de division. Le 8 octobre, Bonaparte lui confie le commandement de son état-major. Choix heureux car Berthier se révèlera inégalable à ce poste qu’il occupera jusqu’à la fin de l’Empire. Pendant la campagne d’Italie, Berthier se signalera par sa bravoure et son intrépidité, notamment à Mondovi où il est cité à l’ordre de l’armée ; à Lodi où on le voit charger, sabre au clair, sous le feu des Autrichiens ; à Rivoli dont Bonaparte annoncera la victoire au Directoire en rendant hommage, en ces termes, de la conduite de Berthier : “ Le général Berthier, chef d’état-major déploya dans cette occasion la bravoure dont il a fait si souvent la preuve dans cette campagne ”. Pour le récompenser, Bonaparte lui confie la mission honorifique de porter, avec le célèbre physicien Monge, le traité de Campo-Formio au Directoire.
Le 9/12/1797, Berthier est nommé général en chef de l’armée d’Italie en remplacement de Bonaparte qui doit prendre le commandement de l’armée d’Angleterre. Quelques mois plus tard, il est envoyé à Rome qu’il occupe et où il y proclame la république romaine, le 15/02/1798. Berthier accomplira cette tâche avec sa modération habituelle, veillant à la sécurité du Pape déchu, et à ce qu’il soit respecté ; agissant ainsi suivant les directives de Bonaparte qui lui écrit : “ Réprimez toute espèce d’excès ”. Le 19 février, Berthier laisse le commandement de la place de Rome à Masséna. Nommé chef d’état-major de l’armée d’Angleterre, il quitte l’Italie, le 4 avril. Rentré en France, il se présente aux électeurs du Rhône qui l’envoient pour trois ans au conseil des Cinq-Cents. L’élection sera annulée, ses électeurs représentant une partie dissidente de l’assemblée. Cet essai dans la politique n’aura pas de lendemain. Entre temps, Bonaparte a mis au point son projet de conquête de l’Orient, l’armée d’Angleterre n’ayant été qu’un paravent pour cacher l’expédition d’Egypte. Berthier est encore choisi comme chef d’état-major et reçoit l’ordre de se rendre à Toulon, port de départ de l’expédition.
18 Brumaire
Le 22/08/1799, Bonaparte qui a décidé de retourner en France, s’embarque à Alexandrie emmenant avec lui Berthier, Murat, Lannes et Marmont, ainsi que les illustres savants Monge et Berthollet. Peu après le retour à Paris, c’est le coup d’Etat du 18 brumaire. Toujours fidèle à son général, Berthier ne le quittera pas pendant toute la durée de l’événement. Il n’aura pas à regretter son dévouement : en novembre, il est nommé ministre de la Guerre. Pendant les cinq mois que Berthier va occuper ce poste, il donnera la preuve de ses hautes qualités d’administrateur en remettant sur pied ce ministère où tous les services se trouvaient dans un état de lamentable désordre, où tout était à refaire. Au mois d’avril suivant, Berthier laisse sa place à Carnot pour aller prendre le commandement en chef de l’armée de réserve qui va franchir les Alpespour la deuxième campagne d’Italie qui se terminera par la victoire de Marengo où Berthier sera blessé d’une balle au bras. Après avoir accompli une mission diplomatique auprès des souverains espagnols, Berthier reprend, le 08/10/1800, le ministère de la Guerre ; il le conservera jusqu’au 09/08/1807.
L’Empire
Berthier fait partie de la promotion de maréchaux de 1804 et est nommé grand veneur la même année. Comblé de faveurs, il obtient la principauté de Neuchâtel en 1806, est nommé vice-connétable de l’Empire en 1807 et enfin prince de Wagram en 1809. Le 9 mars 1808, Napoléon le marie à Marie-Élisabeth en Bavière, fille du prince Guillaume de Bavière (arrière-grand-père d’Élisabeth de Wittelsbach ainsi que beau-frère et cousin du roi de Wurtemberg) qui lui donne trois enfants, dont un fils : Napoléon Alexandre Berthier. Il fait toutes les campagnes de Napoléon comme major général de l’armée. À Marengo, Austerlitz et Iéna, il remplit avec le plus grand zèle les importantes fonctions de chef d’état-major, et contribue puissamment, en 1809, à la victoire de Wagram. Il représente Napoléon, à Vienne, au mariage avec Marie-Louise. Durant la campagne de Russie,Quand, en pleine retraite, Napoléon décida de rentrer en France, il le placa sous les ordres de Murat à qui il avait confié le commandemant de la Grande Armée. Berthier demandera alors à l’Empereur de le ramener avec lui à Paris. C’était le 03/12/1812. Napoléon refusa, Berthier insista : “ Sire, Votre Majesté sait que je veux quitter le service : je suis vieux, emmenez moi. – Vous resterez avec Eugène et Murat… vous êtes un ingrat… vous êtes un lâche ! ” Et Berthier sanglotait. Cette scène est rapportée par le mamelouck Roustam qui se trouvait dans une pièce à côté. Berthier dut s’incliner.
Il fut atteint d’une violente attaque de rhumatismes, à quoi vint s’ajouter une crise de vésicule biliaire, qui l’obligérent à remettre ses fonctions. L’Empereur averti, s’empressa de faire rentrer le prince de Neuchâtel à Paris qui y arriva, le 9/02/1813, bien mal en point. Aprés deux mois de souffrances, Berthier put enfin reprendre ses activités auprés de Napoléon pour préparer la campagne d’Allemagne. Bien entendu c’est lui qui prend de nouveau la direction de l’état-major ; il occupera ce poste pendant toute l’héroïque campagne de France, au cours de laquelle il se signalera par son courage, combattant l’épée à la main, s’exposant sans cesse et recevant à Brienne, un coup de lance sur la tête. Ici, s’arrête la brillante carrière du prince de Wagram.
En campagne, le camp du major-général était établi à 30 mètres environ du camp impérial. Pendant les longues courses sur les routes à travers l’Europe, Berthier voyageait dans la voiture de Napoléon, prenait ses ordres, notait ses décisions et, à la première halte transmettait, par les estafettes, ses directives aux armées, ses instructions étaient toujours précises, c’était un transmetteur d’ordres inégalable. Un officier qu’il envoyait en mission, il lui demandait s’il avait bien compris, et pour s’en assurer, lui faisait répéter. Une estafette pouvait être tuée en cours de mission, pour parer à ce risque, Berthier envoyait un second cavalier, un troisième au besoin. Irremplaçable comme major-général, il était par contre, incapable de conduire une troupe au combat. La seule fois que Napoléon lui confia un commandement, pendant la campagne d’Autriche en 1809, il ne sut faire face à l’armée du prince Charles à qui il était opposé. Il fallut l’arrivée de Napoléon pour rétablir la situation. Et Berthier s’attira ce compliment de l’Empereur : “ Vous avez fait exactement le contraire de ce qu’il fallait faire ”. Peu de temps après cet événement, le chef d’état-major retourné à ses fonctions, montrait toute sa valeur en se couvrant de gloire à Wagram. Là, l’Empereur ne lui ménagea pas ses félicitations et le récompensera, par la suite, en le faisant duc de Wagram.
La Restauration
Le 11 avril 1814, il adhére au décret du sénat qui exclut Napoléon du trône. À la Première Restauration, Louis XVIII lui fait bon accueil, en souvenir de son attitude passée à Versailles ; Berthier est fait capitaine de l’une des compagnies des gardes du corps et pair de France le 4 juin 1814. Au retour de l’île d’Elbe, Berthier ne sait quel parti prendre. Finalement, il décide d’accompagner Louis XVIII à Gand pour ensuite retourner en France. Il aurait peut-être l’intention de se mettre à la disposition de Napoléon, mais il n’ose pas, il se sent trop fautif. L’Empereur, bien que l’ayant rayé de la liste des maréchaux, l’accueillerait volontiers, car il n’oublie pas ses talents de chef d’état-major, il sait les services que Berthier peut encore lui rendre, il est prêt à pardonner. “ Je lui pardonne tout, mais à condition qu’il mette, pour paraître devant moi, son habit de garde du Corps du Roi ” ; c’est le général Rapp qui rapporte cette boutade que Napoléon lance en souriant ironiquement. Berthier ne revient pas. il se morfond dans une cruelle incertitude. Il ne veut pas combattre avec l’étranger contre la France pour défendre le trône des Bourbons, mais il est conscient de la lâcheté de sa conduite envers Napoléon. Une solution se présente à son esprit : quitter la France pour aller se retirer, avec sa femme et ses enfants, à Bamberg, en Bavière, dans le château de son beau-père. C’est là qu’il résidera pendant les Cent-Jours, poursuivi par un remord qui ne le quitte plus et qui va détériorer sa santé.
Décès
Le 01/06/1815, vers une heure de l’après-midi, Berthier qui se trouve dans la chambre de ses enfants, au troisième étage du château, entend des roulements de tambours. Il s’approche d’une fenêtre pour voir : ce sont des régiments de cavalerie russes qui se dirigent vers la France. Soudain, il tombe dans le vide et s’écrase sur le pavé, tué sur le coup, la tête fracassée, le corps disloqué. Que s’est-il passé ? On ne le saura jamais.
Trois versions ont été données pour expliquer cette fin dramatique : le suicide, l’accident, l’assassinat. Dans le premier cas, on a supposé que le prince de Neuchâtel, impressionné par ce défilé de troupes russes qui vont combattre l’armée française à la tête de laquelle il devrait se trouver pour y diriger l’état-major, a ressenti un trouble qui l’a fortement commotionné au point de le pousser au suicide en se jetant par la fenêtre, mettant ainsi fin aux remords qui ne cessent de le tirailler. Les partisans de la deuxième version supposent que Berthier a été victime d’un malaise : étourdissement ou apoplexie. Dans le troisième cas on prétendit que des hommes masqués s’étaient introduits dans la chambre et l’avaient défénestré. Les trois versions sont possibles, chacune a des arguments pour ou contre. Cependant, la thèse du suicide parait être la plus crédible. Mais on ne peut rien affirmer. Le corps du maréchal Berthier fut déposé dans la cathédrale de Bamberg où furent célébrées, le 05/06/1815, de solennelles obsèques. Les honneurs militaires furent rendus par un important détachement de l’armée russe. Le 20 décembre, le cercueil fut conduit au château de Banz qui appartenait au duc de Bavière, beau père de Berthier. Soixante-dix ans plus tard, en 1884, la dépouille du prince de Neuchâtel et de Wagram fut exhumée et transportée, ainsi que celle de sa femme, au château de Tegemsee, nécropole des rois et des princes de Bavière.Son décès précède de quelques jours la bataille de Waterloo où l’absence de cet excellent chef d’état-major se fait cruellement sentir.
L’organisateur
Comme organisateur, on lui doit : la formation de la garde des consuls (décembre 1799); l’institution des armes d’honneur (1799) ; la création de la Légion d’honneur (20 mai 1802) ; la réunion à Metz des écoles d’application de l’artillerie et du génie (1802); l’école militaire spéciale de Fontainebleau (janvier 1803) ; une loi qui accorde des propriétés territoriales aux vétérans, dans les 20e et 27e divisions militaires (avril 1803) ; la création de dix-huit maréchaux d’Empire (19 mai 1804), etc. En résumé, s’il a les qualités d’un remarquable chef d’état-major, il est incapable de diriger seul une armée, comme l’a démontré le catastrophique début de la campagne de 1809, avant que Napoléon n’arrive. Choyé par l’Empereur, il use de son pouvoir au détriment d’autres maréchaux (André Masséna) ou généraux, comme Jomini, qui finit par préférer passer aux Russes en 1813, . Il a donné des relations de la Campagne d’Égypte, 1800, de la Bataille de Marengo, 1804, et a laissé des Mémoires, publiés en 1826.
Chronologie
TITRES et FONCTIONS HONORIFIQUES.
– Ministre de la guerre du 11/11/1799 au 4/04/1800 à 46 ans, puis du 8/10/1800 au 9/08/1807.
– Maréchal d’Empire, 1° dans l’ordre de promotion, le 19/05/1804. Chef de la 1°cohorte de la Légion d’Honneur.
– Grand Veneur, le 11/07/1804, à 51 ans.
– Prince et duc souverain de Neuchâtel et Valengrin, le 31/10/1806, à 53 ans.
– Vice-conétable, le 09/08/1807.
– Membre du Sénat en 1807.
– Prince de Wagram, le 15/08/1809 à 56 ans.
– Pair de France (4/06/1814 et 17/08/1815) à 62 ans.
ETATS de SERVICE.
– Lieutenant, le 11/03/1770, à 17 ans.
– Aide maréchal des logis, le 2/12/1787 à 34 ans.
– Lieutenant-colonel, le 11/07/1789.
-Colonel, le 1/04/1791.
– Général de brigade, le 5/03/1795.
– Général de division, le 13/06/1795.
– Général en chef de l’armée d’Italie, le 9/12/1797.
– Commandant en chef de l’armée de réserve, le 19/04/1800, à 47 ans.
– Major général de la Grande Armée, le 30/08/1805, à 52 ans.
DECORATIONS.
– Grand Aigle de la Légion d’Honneur.
– Grand dignitaire de la Couronne de fer d’Italie.
– Grand Croix de l’Ordre du Mérite militaire de Maximilien-Joseph de Bavière.
– Chevalier de la Couronne de Saxe.
– Grand Croix de l’Ordre de Saint Henri de Saxe.
– Grand Croix de l’Ordre de la Fidélité de Bade.
– Commandeur Grand Croix de l’ordre de Hesse.
– Grand Croix de l’Ordre de Saint-Joseph de Wurgbourg.
– Grand Croix de l’Ordre de Saint Etienne de Hongrie.
– Chevalier de l’Ordre de l’Aigle Noir de Prusse.
– Grand Commandeur de l’Ordre de la couronne de Westphalie.
– Chevalier de l’Ordre de Saint-André de Russie.
– Commandeur de Saint-Louis.
BLESSURES.
– Blessé d’une balle au bras à Marengo, le 14/06/1800.
– Reçoit un coup de lance sur la tête à Brienne, le 29/01/1814.
CAMPAGNES:
– Campagnes de la Révolution et du Directoire.
– Campagne d’Italie.
– Campagne d’Egypte.
– Campagne d’Italie.
– Campagne d’Autriche.
– Campagne de Russie(1806).
– Campagne de Pologne.
– Campagne de Prusse Orientale.
– Campagne d’Espagne(1808 et 1813).
– Campagne de Russie(1812).
– Campagne d’Allemagne.
– Campagne de France.
Le nom du maréchal Berthier est inscrit au côté Sud de l’Arc de triomphe de l’Etoile.
