André Masséna
Masséna a des talents militaires devant lesquels il faut se prosterner
Napoléon
André Masséna, l’un des meilleurs maréchaux de l’Empire, était maigre, sec, de taille moyenne : 1 mètre 72. Ses cheveux noirs et broussailleux surmontaient un visage énergique au type italien. Laissons parler le général Thiebault : » Masséna n’avait ni éducation, ni instruction première, mais son regard était ceui de l’aigle ; il avait dans la pose de la tête, toujours élevée et un peu renversée vers la gauche, une dignité imposante et une audace provocatrice ; son geste était impératif, son ardeur, son activité indicibles ; sa parole brève à l’extrême prouvait la lucidité de ses pensées ; ses moindres mots étaient saillants et la rapidité comme la justesse de ses réparties achevaient de prouver qu’il pouvait s’élever encore sans cesser d’être à sa place. Par son caractère s’était un homme fait pour l’autorité et le commandement. «
Masséna naquit à Nice, le 6 mai 1758. A cette époque, Nice faisait donc partie du royaume de Sardaigne, Masséna était don sujet Sarde. Ses parents et ses ancêtres, originaires du Piémont, habitaient Levens, village de la Vésubie, à une vingtaine de kilomètres de Nice – on peut y voir encore la maison familiale -. Le premier ancêtre connu, Jean Honoré, y vivait vers 1550. Ses descendants furent de petits propriétaires ruraux, jusqu’à Dominique, le grand père de Masséna qui, vers 1720, décida de quitter Levens, et d’abandonner le travail des champs, pour s’établir commerçant à Nice. Son fils Jules César après avoir servi dans les troupes du roi de Sardaigne, continua à travailler dans le commerce et dans le négoce. En 1754, il épouse la fille d’un armateur toulonnais : Catherine Fabre. Le couple qui vit dans une certaine aisance, peut élever convenablement ses six enfants : Marie Lucrèce, Marie Anne, André, Jean, Dominique et Marguerite Rose ; le futur maréchal est donc le troisième enfant, et l’aîné des garçons. La prospérité du mariage ne durera pas : Jules César meurt en 1764, à trente trois ans, emporté par la tuberculose. André a six ans seulement à la mort de son père, sa mère se remariera rapidement et abandonnera ses enfants, qui seront recueillis par divers membres de la famille. André est confié à sa grand mère maternelle qui habite Levens.
Comme Napoléon, le jeune Masséna fut un enfant turbulent, ne rêvant que plaies et bosses, jouant à la petite guerre avec ses camarades, courant la campagne à longueur de journées. D’école : point ! Il ne sait ni lire, ni écrire. Il faut pourtant travailler. Des parents, boulangers, le prennent comme apprenti, mais ce garçon impétueux supporte mal cette vie monotone, il quitte sa grand mère et retourne à Nice, où il va vivre et travailler chez son oncle, Augustin, qui tient une fabrique de savon – ou de pâtes alimentaires – les deux peut être. Le travail est dur, et l’oncle à la main leste ! André occupe ses heures de liberté à fréquenter des chenapans, il subit l’influence néfaste de son cousin Francois. A treize ans, il s’échappe de Nice, avec Francois, pour se rendre à Toulon où il s’engage, comme mousse, à bord d’un navire marchand en partance pour l’Amérique.
André a maintenant quatorze ans, il est d’une nature chétive, la rude, misérable et dangereuse vie de mousse va endurcir son corps, comme son caractère. Pendant quatre ans, il sillonne l’Atlantique et la Méditerranée. A son retour à Toulon, en 1775, il ne renouvelle pas son engagement. Que va t ‘il faire ? Il ne sait. Le hasard va le favoriser en le faisant rencontrer un oncle, un frère de son père, qu’il connait à peine : l’oncle Marcel. Sergent recruteur au Royal Italien, il conseille à son neveu le métier des armes. André accepte avec joie et, le 18 août 1775, il s’engage dans ce régiment où servit autrefois son père. L’oncle Marcel, contrairement à l’oncle Augustin, s’occupera sérieusement de son neveu, il le guidera, par ses bons conseils, dans sa carrière militaire. Il s’attachera aussi à donner quelque instruction à cet illettré, en lui enseignant la lecture, l’écriture, la grammaire, l’orthographe et le calcul.
André travaille avec application et volonté, il fera de rapides progrès ; toutefois, il ne parviendra jamais à avoir une orthographe correcte. Les quatre années passées en mer ont assagi André, il est devenu sérieux, et courageux au travail. Au bout d’un an, il est nommé caporal et l’année suivante, sergent. Il restera dans ce grade jusqu’en 1783 où il passe sergent fourrier, puis adjudant sous officier, le 4 septembre 1784. André continue à s’instruire, ce qui ne l’empêche pas d’apprécier les joies de la vie de garnison. Avantagé par un physique agréable, et le prestige de l’uniforme aidant, il fait de nombreuse conquêtes, il en fera d’ailleurs pendant toute sa vie. Comme ce fut le cas pour Napoléon avec » Madame sans Gêne « , si l’on en croit Victorien Sardou, Masséna contracta à Toulon quelques dettes avec Clairette, tenancière d’une guinguette où il se rendait fréquemment pour y savourer sa bonne cuisine. Plus tard, le maréchal Masséna, alors duc de Rivoli et prince d’Essling, passant à Toulon, retournera voir Clairette : il lui réglera plus qu’honorablement, la dette de l’adjudant Masséna !
Révolution & campagne d’Italie
A la veille de la Révolution, la franc maçonnerie s’implante de plus en plus en France, particulièrement dans l’armée ; se laissant convaincre par un ami, André s’affilie à la » Loge de la Parfaite Union « . Le Royal Italien, devenu régiment des chasseurs royaux de Provence, quitte la garnison de Toulon pour s’installer à Antibes . Pendant son séjour dans cette ville, Masséna se fera des relations, particulièrement celle d’un chirurgien, Joseph Lamarre, qui a une fille : Rosalie. Celle ci s’éprend rapidement de cet adjudant, beau parleur, si bien sanglé dans son uniforme. Masséna se rend compte des sentiments qui agitent le cœur de la jeune fille, sa conquête sera facile. Les parents ayant donné leur accord, le mariage sera célébré le 10 août 1789.
Quelques jours avant, le 3, Masséna avait quitté l’armée, au terme de son engagement qu’il ne renouvelle pas. Maintenant, sans autre ressource que sa maigre retraite de sous officier, il lui faut pourtant subvenir aux besoins du ménage. Il ne faut pas compter sur son beau père dont la fortune supposée est illusoire, au point de n’avoir pu constituer une dot à sa fille. Le jeune couple décide d’ouvrir une boutique d’huile, sucre et fruits secs. Mais le commerce marche mal, les bénéfices sont réduits, insuffisants : on ne peut continuer. Masséna cherche une solution. Il n’a pas de métier, aucune formation professionnelle, une seule chance s’offre à lui : contracter un nouvel engagement. Nous sommes en 1790, la Révolution est commencée, le fait de ne pas être noble n’empêche plus d’accéder au grade d’officier, il est maintenant possible pour un roturier, de faire carrière dans l’armée. Masséna se fait admettre dans la Garde Nationale que vient de former la municipalité d’Antibes ; il est aussitôt élu capitaine instructeur. Le 21 septembre 1791, il s’engage dans le 2 ème bataillon de volontaires du Var. Le 1 er février 1792, il est élu lieutenant colonel en second et, six mois plus tard, lieutenant colonel en premier. C’est à ce moment que débute la glorieuse carrière du futur maréchal .
Après avoir été chargé de réprimer une émeute à Levens, le pays de son enfance, Masséna retourne à Nice où la population s’est révoltée contre les forces françaises qui viennent de conquérir la ville. Masséna fait maintenant partie de l’armée d’Italie. Il combat les Sardes, et aussi les Barbets, ces paysans qui livrent une guérilla continuelle dans l’arrière pays niçois. Nommé commandant de camp de la Fougasse, c’est son premier commandement de camp important, il remplace le général Dortoman qu’il a reçu l’ordre d’arrêter. Le 22 août 1793, Masséna est promu général de brigade. Le 14 décembre, il est envoyé à Toulon, où il participe activement à la reprise de la ville aux anglais, notamment en s’emparant des fort Lartigue et Sainte Catherine. Ce brillant comportement est récompensé, le 20 décembre, par les épaulette de général de division à titre provisoire ; cette nomination sera confirmée, le 29 août 1793. Commandant de Toulon, le 22 décembre, il est désigné quelques jours plus tard, pour diriger l’aile droite de l’armée d’Italie.
A ce poste, il se distingue en s’emparant d’Ormea et de Garessio. Le 8 mai 1794, il occupe le col de Tende. Placé à la tête de la division d’Albenga, il s’empare de Dego, le 22 septembre. Le 22 décembre, il doit quitter son commandement pour cause de maladie : il retourne à Nice. Masséna ne reprendra son activité qu’en avril 1795,pour commander la première division de l’aile droite de l’armée d’Italie. Il reçoit ensuite le commandement de l’avant-garde de l’armée avec laquelle il combat Montenotte, où il décide de la victoire, à Dego et à Cheraso dont il se rend maître. Nommé commandant de la 3 ème division, il enlève le pont de Lodi, le 10 mai 1796, en chargeant à la tête de ses troupes. La victoire de Lodi ouvre la porte de Milan aux armée de la République. C’est à Masséna qu’est dévolu l’honneur de rentrer le premier dans Milan, le 11 mai. Il occupe ensuite Verone et continue à se battre, avec une intrépidité qui force l’admiration, à Castiglione, à Bassano, Saint Georges, Caldiero, Arcole.
Cependant c’est à Rivoli, le 14 janvier 1797, qu’il acquit la gloire, en prenant la plus grande part à cette mémorable victoire, qui lui vaudra plus tard le titre de duc de Rivoli. Le surlendemain, Masséna renouvelle ses exploits à La Favorite. C’est là que Bonaparte en le félicitant, lui dira : » Vous êtes l’enfant chéri de la victoire « . Cette flatteuse appellation, qui le désignera à la postérité, sera par la suite, transformée ironiquement en : » enfant pourri de la victoire « , en raison de ses trafics avec les fournisseurs, et des scandaleux profits réalisés sur les pays occupés. Après ces succès remportés par les armes françaises, les autrichiens sont contraints à signer, le 18 avril, les préliminaires de Leoben qui mettent fin à la campagne. Le soir même, Masséna reçoit l’ordre de se rendre à Paris pour remettre au Directoire, les documents secrets de ces préliminaires. Le 23, après avoir reçu les instructions directes de Bonaparte, il part en chaise de poste, via l’Allemagne, pour accomplir sa mission. A son arrivée à Paris, où il vient pour la première fois, il est accueilli avec les plus grands honneurs et fêté comme un héros. Les Directeurs le reçoivent solennellement au Luxembourg. Là, après les élogieux discours officiels, il est mis en contact avec la gentry de la capitale. Ce ne sont que des compliments, des propos flatteurs, les sourires provoquants des Merveilleuses, que reçoit, ébloui, l’ancien petit mousse.
Le séjour à Paris de Masséna coïncide avec le renouvellement annuel du pouvoir exécutif. Le tirage au sort a éliminé Letourneur, l’ancien conventionnel, il faut désigner un candidat pour le remplacer. Le conseil des Cinq Cents présente le marquis de Barthélémy, diplomate, connu pour ses opinions royalistes. Les membres restant du Directoire, qui redoutent un retournement monarchiste, cherchent un candidat au républicanisme indiscuté, auréolé d’un certain prestige. Barras, toujours fin manoeuvrier en politique, propose Masséna dont la subite popularité est immense. Après quelques résistances, le héros de Rivoli donne son consentement. Déception : Masséna ne sera pas élu. Il n’arrivera qu’en sixième position avec 187 voix, c’est Barthélémy qui l’emporte avec 309 voix. Barras ne se décourage pas, pour maintenir la République, il faut recourir à un coup d’état ; pour cela, il est nécessaire de s’assurer le concours d’un général bénéficiant d’une popularité incontestée. Après avoir pesé le pour et le contre, il choisit Masséna et s’efforce de le convaincre. Barras devra renoncer à son projet : » l’enfant chéri de la victoire » ne possède aucune des qualités requises pour tenir le rôle qu’on lui demande ; c’est un guerrier de grande valeur, mais uniquement un guerrier.
Sa mission à Paris étant accomplie, ses essais dans la carrière politique ayant échoués, Masséna reprend le chemin de l’Italie, pour se rendre au château de Mombello, où Bonaparte tient une véritable cour, afin de lui remettre la ratification des accords de Leoben. Quelques jours plus tard, il part rejoindre sa division à Padoue et s’installe au somptueux palais Frijimilica. Masséna trouve une ville livrée au pillage : les églises sont dépouillées, des contributions énormes ont été prélevées sur les habitants, sans que l’on sache où est passé l’argent. Masséna bien loin de remettre de l’ordre, continue le pillage à son profit : sous la menace il lève les indemnités pour son propre compte. Le 3 février 1798, il est désigné pour occuper les Etats Pontificaux. Arrivé à Rome, il y trouve la même situation qu’à Padoue. Là encore, il se sert en premier, pillant sans vergogne les trésors des églises. Prenant en otage les grandes familles, il les libère en leur faisant verser de substantielles finances ; le prince Borghèse, le futur mari de de Pauline Bonaparte, est taxé de trois cent mille francs. Tous ces profits devaient être versés à l’armée pour son équipement, sa nourriture, pour la solde, surtout, qui n’était plus payée. Or la troupe ne toucha rien ! Le futur maréchal garda pour lui tout cet or ! Une rébellion éclata, des plaintes furent formulées, on réclama son remplacement. Devant la force, Masséna dut sortir de Rome, laissant le commandement au général Dallemagne. Le Directoire, mis au courant, le relève de ses fonctions, le 15 mars, et le remplace par Gouvion Saint Cyr. Prié de se rendre à Gênes, il y trouve l’ordre de se retirer à Antibes.
Le 16 août, Masséna reprend du service dans l’armée de Mayence. Le 9 il est nommé commandant en chef de l’armée d’Helvétie, mais il est subordonné à Jourdan, qui commande, en même temps, l’armée de Mayence. Après avoir envahi le pays des Grisons et s’être emparé de Coire, il est appelé à remplacer Jourdan au commandement des armées du Danube, ancienne armée de Mayence, et d’Helvétie. Masséna va se couvrir de gloire en remportant sur les russes, la célèbre bataille de Zurich qui dura deux jours, les 25 et 26 septembre 1799, et qui eut pour résultat, la dissolution de la coalition austro – russe. Cette victoire qui va sauver la France de l’invasion, fut obtenue après une campagne remarquablement menée par Masséna qui s’impose, avec Bonaparte, comme le meilleur général de la République. L’ennemi a laissé 6 000 morts et 100 canons sur le champ de bataille des milliers de soldats sont fait prisonniers. Hélas ! la gloire du vainqueur sera ternie, comme à Rome, par le pillage en règle de ces malheureux suisses qui ont subi, bien malgré eux, les misères de cette guerre. Bonaparte, de retour d’Egypte, s’achemine vers Paris. Le 9 novembre, c’est le coup d’Etat du 18 brumaire Masséna, sans prendre position, y est personnellement hostile. Le 11, le Consulat est proclamé. Douze jours plus tard, Masséna est nommé commandant de l’armée d’Italie, en remplacement de Championnet victime d’une épidémie de typhus. Il se rend aussitôt à Paris pour y prendre les ordres du Premier Consul, mais aussi pour y réclamer des renforts et des subsides, son armée se trouvant dans le plus grand dénuement. Masséna quitte la capitale, le 27 décembre, pour se rendre à Nice où il établit son quartier général. Il part ensuite pour Gênes, afin de mettre la ville en état de soutenir un siège.
Le 5 avril 1800, les autrichiens passent à l’attaque et coupent l’armée d’Italie, en séparant Soult et Suchet de Masséna. Celui -ci est contraint de s’enfermer dans Gênes. Il y tiendra un siège héroïque pendant deux mois : du 5 avril au 4 juin. La ville est entouré par 30 000 autrichiens, commandés par le général Mélas ; l’escadre anglaise bloque le port, le ravitaillement est pratiquement impossible, par terre, comme par mer. Au fur et à mesure que passent les semaines, la disette, puis la famine, rendent le siège insoutenable. On mange les chevaux, les chiens, les chats, les rats ; les crapauds même. On s’arrache l’herbe des remparts pour en faire des bouillons Les soldats, affaiblis par de si cruelles privations, ne sont plus en état de combattre : c’est une armée de spectres ! Le 30 mai, le général Mélas écrit une lettre à Masséna pour l’engager à la reddition. Rendant hommage à son courage et à sa ténacité, il lui propose une capitulation des plus honorables. Le 3 juin, Masséna envoie un officier pour entamer les négociations. Le rusé niçois le prend de haut : il ne demande pas, il exige. Il conditionne la reddition : la sortie de la garnison se fera avec ses armes et ses bagages. Il précise qu’il se réserve de reprendre le droit des hostilités. Ces conditions sont acceptées par Mélas et, le 6 juin, la petite armée de Masséna évacue Gênes.
Plus que Rivoli, plus que Zurich et qu’Essling, ce siège mémorable, unique dans l’histoire, consacrera à tout jamais, la gloire de Masséna Après quelques jours passés à Nice, Masséna se rend à Milan, où il est chaleureusement reçu par Bonaparte qui le félicite, et lui témoigne son estime en lui confiant, le 24 juin, le commandement en chef de l’armée d’Italie, augmentée de l’armée de réserve qui est sous les ordres de Brune, ce qui porte les effectifs à 80 000 hommes. Masséna ne conservera cet important commandement que pendant deux mois. Le 13 août, le Premier Consul lui fait savoir qu’il est remplacé par Brune, et l’engage à venir à Paris, ou à s’y retirer pour se reposer : » L’intention du Premier Consul est d’employer votre zèle et vos talents d’une manière différente et également utile à la République « . Elégante façon d’annoncer ce qui est bel et bien une destitution. Bonaparte a pris cette sévère mesure pour sévir contre l’insatiable cupidité de Masséna qui a renouvelé, à Milan, ses malhonnêtetés de Padoue et de Rome.
Masséna se rend d’abord à Antibes, auprès de sa femme et de ses enfants. Il se reposera, dans la quiétude familliale, jusqu’à la fin de l’année 1800. Après quoi, il part pour Paris, où il va mener une vie de plaisirs, faisant bonne chère, ce dont il est très friand ; par contre, il est très sobre sur la boisson. Fréquentant les grands restaurants, courant les spectacles, et aussi les belles actrices peu farouches, Masséna passe une bien agréable disgrâce. C’est vers cette époque, en 1801 exactement, que Masséna achète le château de Rueil avec le fruit de ses rapines, mais aussi, il faut bien le dire, avec ses importants émoluments de général d’armée, augmentés d’une pension annuelle de 30 000 francs que lui a accordé le gouvernement Consulaire, le 23 septembre 1800. Ce château, splendide demeure historique appartint autrefois au cardinal de Richelieu, Masséna dont l’avarice est proverbiale, n’hésitera pas à dépenser d’énormes sommes pour l’embellir, ainsi que son parc somptueux. C’est là qu’il va se délasser après les festivités de sa vie parisienne. La propriété est voisine de la Malmaison, sise également dans la commune de Rueil ; Masséna s’y rendra souvent pour faire sa cour au Premier Consul. Les travaux d’aménagements terminés, il fera venir d’Antibes sa famille, car bien qu’il soit un impénitent coureur de jupons, il n’en reste pas moins bon époux et père attentif.
Le 18 avril 1802, Bonaparte, pour fêter le vote du concordat par le Corps Législatif, fait célébrer un Te Deum à Notre Dame : ce concordat si violemment critiqué par les généraux jacobins, farouches anticléricaux. Voici, maintenant, que le Premier Consul les oblige à assister à cette cérémonie religieuse, certains la qualifieront de » belle capucinade « . Il se rendront, bien contre leur gré, à Notre Dame où ils manifesteront leur dépit par un comportement scandaleux et des propos de corps de garde. Estimant que les places qui leur ont été réservées ne conviennent pas au rang qu’ils occupent, ils expulsent, sans ménagement, les chanoines de leurs sièges. Masséna, chez qui l’éducation fera toujours défaut, chassera, sans ménagement l’un d’eux, un respectable vieillard, en répondant à ses protestations : » Va te faire foutre ! » Le Premier Consul va calmer ces forts en gueule, en leur donnant de hauts commandements, voire des ambassades ; leurs convictions s’effaceront vite devant leur orgueil.
Toutefois, Masséna toujours en disgrâce, n’obtient rien, si ce n’est un magnifique sabre d’honneur sur lequel sont inscrites ses victoires ; aussi va – t – il essayer de se rapprocher du maître. On le voit plus souvent à la Malmaison, où Joséphine le traite avec son affabilité coutumière. De son côté, Bonaparte, qui a toujours de la considération pour le talent, se montre aimable, il parait avoir oublié ses griefs. L’ordre de la Légion d’Honneur venant d’être instituée, Masséna sera fait Grand Officier : le plus haut grade, celui de Grand Aigle ne sera créé que sous l’Empire. En 1803, doivent avoir lieu les élections au Corps Légilatif. Le Premier Consul, par l’intermédiaire de Réal, engage Masséna à poser sa candidature. Il sera élu député de la Seine, le 28 juillet 1803 ; il conservera son mandat jusqu’au 31 décembre 1808.
