Aigle impérial
Napoléon

La bataille d’Iéna s’est déroulée le 14 octobre 1806, à Iéna, (Allemagne, actuel land de Thuringe) parallèlement à la bataille d’Auerstaedt, et s’est terminée par une victoire totale des Français commandés par Napoléon contre les Prussiens commandés par le général de Hohenlohe, pendant la Campagne de Prusse et de Pologne.La supériorité numérique des Français transformait la défaite prussienne en déroute totale.

 

 

Un brouillard épais obscurcissait le jour. L’empereur passa devant nos lignes. « Soldats, dit-il, l’armée prussienne est coupée comme celle de Mack l’était à Ulm, il y a un an ; cette armée ne combat plus que pour se faire jour et regagner ses communications.Celui qui se laisserait percer se déshonorerait. Ne redoutez pas cette célèbre cavalerie ; opposez-lui des carrés fermes et la baïonnette. »
A cette harangue, il n’y avait qu’un mot à répondre, et nous le répétâmes tous avec enthousiasme : Marchons !.

 

Trois cent mille hommes, huit cents pièces de canon. Nous chargions à ce cri : Vive l’empereur et nous chargions rude, allez! La garde impériale à pied voyait avec un dépit qu’elle ne pouvait dissimuler tout le monde aux mains et elle dans l’inaction. Plusieurs voix firent entendre ces mots : « En avant!— Qu’est-ce? dit l’empereur. Ce n’est qu’un jeune homme qui n’a pas de barbe qui peut vouloir préjuger ce que je dois faire ; qu’il attende qu’il ait commandé dans trente batailles rangées, avant de prétendre me donner des avis. » C’étaient effectivement des vélites dont le jeune courage était impatient de se signaler.La bataille d’Iéna fut suivie de la prise d’Erlurlh.Le même jour, Frédéric-Guillaume fit demander un armistice. Napoléon refusa, « Après une victoire, dit-il, il est impossible de donner à l’ennemi le temps de se rallier. Je ne traiterai qu’à Berlin. »

 

Récit officiel du 5e bulletin

Le brouillard couvrit les deux armées pendant deux heures,mais enfin il fut dissipé par un beau soleil d’automne.Les deux armées s’aperçurent à une portée de canon.La gauche de l’armée Française,appuyée sur un village et des bois,était commandée par le maréchal Augereau.La garde impériale la séparait du centre qu’occupait le corps du maréchal Lannes.La droite était formée par le corps du maréchal Soult.L’armée ennemie était nombreuse et montrait une belle cavalerie:ses manoeuvres étaient éxécutées avec précision et rapidité.L’Empereur eut désiré de retarder de deux heures d’en venir aux mains,afin d’attendre,dans la position qu’il venait de prendre,après l’attaque du matin,les troupes qui devaient le joindre et surtout sa cavalerie,mais l’ardeur Française l’emporta.

 

Plusieurs bataillons s’étant engagés au village d’Holhstaedt,il vit l’ennemi s’ébranler pour les en déposter;le maréchal Lannes reçut l’ordre sur-le-champ de marcher en échelons pour soutenir le village.Le maréchal Soult attaqua un bois sur la droite.L’ennemi ayant fait un mouvement de sa droite sur notre gauche,le maréchal Augereau fut chargé de le repousser.En moins d’une heure l’action devint général:deux cent cinquante mille ou trois cent mille hommes,avec sept ou huit cents pièces de canons,semaient partout la mort et offraient un de ces spectacles rares dans l’histoire.De part et d’autre on manoeuvra constamment comme à la parade;parmi nos troupes,il n’y eut jamais le moindre désordre,la victoire ne fut pas un moment incertaine.

 

Le maréchal Soult ayant enlevé le bois qu’il attaquait depuis deux heures,fit un mouvement en avant:dans cet instant on prévint l’Empereur que les divisions de cavalerie française de réserve commençaient à se placer et que deux nouvelles divisions du corps du maréchal Ney se placaient en arrière,sur le champ de bataille.On fit alors avancer toutes les troupes qui étaient en réserve,sur la première ligne qui,se trouvant ainsi appuyée,culbuta l’ennemi en un clin d’oeil et le mit en pleine retraite.Il la fit en ordre pendant le première heure,mais elle devint un affreux désordre,du moment que nos divisions de dragons et nos cuirassiers,ayant le grand -duc de Berg à leurs tête,purent prendre part à l’affaire.

 

Parallèlement à trois lieues au nord,à Auerstedt,le corps principal de l’armée Prussienne(50 000 hommes)affronte l’avant garde de Napoléon,commandée par le maréchal Davout(25 000 hommes),les Français soutiennent le choc et culbute le Duc de Brunswick qui commande une charge de cavalerie,bléssé à mort dans l’action,ce qui accentue la défaillance des troupes prussiennes.Les fuyards des deux arméés prussiennes s’entremêlerent,provoquant une panique générale.Les Prussiens perdent vingt-sept milles tués et bléssés,vingt mille prisonniers,la totalité de leur artillerie.Le 27 octobre ,Napoléon rentre dans Berlin,tandis que Frédéric-Guillaume se réfugie auprès du Tsar Alexandre.

A Iéna,Napoléon a gagné une bataille qu’il ne pouvait pas perdre;à Auerstedt,Davout a remporté une bataille qu’il ne pouvait pas gagner.

Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick
Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick-Wolfenbüttel

Le lundi 27 octobre 1806,Naploléon va emprunter pour son entrée solennelle,de la porte de Brandebourg au palais royal de Charlottenbourg,la plus belle avenue de Berlin,1300 mètres de long,60 mètres de large,Unter den Linden (‘ sous les tilleuls ‘),le soleil brille dans un ciel bleu.

D’abord les mamelucks au galop,puis un espace de cent pas,les grenadiers de la Garde,précédé par un tonnerre de tambours,encore un espace,s’avance un groupe de cavaliers rutilant d’or,d’argent et de plumes,l’état-major,à dix pas devant eux,un cavalier seul,et c’est lui seul qu’on voit.

L’Empereur,chapeau légendaire »orné de la cocarde d’un sou »,habit vert de petite tenue de colonel des chasseurs de la Garde,cordon de la légion d’honneur,Napoléon monte un cheval gris à crinière tressée dont la selle et la housse sont de pourpre et d’or.

Récit d’un Berlinois

« Je vis de tout près ce successeur du Grand Frédéric.Il m’a paru avoir pris quelque embonpoint depuis ses derniers portraits.Le teint est olivâtre,l’ensemble des traits harmonieux,saisissant.Il faut être doué d’une rare énergie pour ne pas courber la tête sous ce regard!Sa physionomie sérieuse jusqu’à l’austérité s’illumine parfois d’un étrange sourire.La sensation qu’il produit est analogue à celle de l’éclair.Il se trouva des gens pour applaudir l’entrée du vainqueur ».Napoléon,arrivé devant la statue de Frédéric le Grand,décrira un cercle autour d’elle en levant son chapeau.

« Dieu,outre l’eau,l’air ,la terre et le feu,a créé un cinquième élément,la boue. »

La bataille d’Eylau a eu lieu le 8 février 1807 entre l’Empire russe et l’Empire français. Napoléon Ier reste maître du terrain mais au prix de très lourdes pertes, et n’a pas la victoire décisive qu’il attendait.

Récit

Les Russes avaient l’avantage du nombre et des positions. Ils étaient logés dans l’église et le cimetière de la ville. »
L’action commença dès le point du jour.Quelle canonnade!. Jamais le bon Dieu n’avait tonné aussi haut que tonna l’empereur dans ce terrible jour.


« L’action s’engagea bientôt sur toute la ligne. L’artillerie française fit d’abord beaucoup de mal à l’ennemi, que Davout venait attaquer sur ses derrières, pendant qu’Augereau allait fondre sur son centre, lorsqu’une neige épaisse, plongeant les deux armées dans l’obscurité, sauva les Russes d’une destruction complète. Augereau s’égara entre la droite et le centre de l’ennemi. Pour le tirer de cette position périlleuse, il fallait la promptitude de conception de l’empereur et la vigueur d’exécution de Murât:La cavalerie, soutenue par la garde, tourna la division Saint-Hilaire, et tomba à l’improviste sur l’ennemi. Tout ce qui voulut s’opposer à elle fut culbuté ; elle traversa plusieurs fois l’armée russe, semant partout l’effroi et la mort. Dans ce temps-là, les maréchaux Davout et Ney s’approchèrent, débouchant, l’un sur les derrières, l’autre Sur la gauche des Russes. Beningsen, voyant son arrière-garde compromise, voulut, à huit heures du soir, reprendre le village de Schnaditten, pour s’en faire un point d’appui dans sa retraite ; mais les grenadiers russes qu’il chargea de cette périlleuse tentative échouèrent complétement et furent mis en pleine déroute. »


Le lendemain, l’armée russe se retira au delà de la Prégel laissant le pays couvert de morts et de blessés.

Jamais bataille n’avait été plus sanglante.Il y en avait des Russes, bon Dieu! sur le champ d’Eylau.Et le cimetière! Plus de morts en dessus qu’en dessous. Quant aux blessés, c’était à faire trembler! Des plaintes, des cris, des gémissements formant comme une voix formidable qui s’élevait de la terre au ciel. On l’entendait, je gage, à vingt lieues a la ronde.

Grenadier de la Garde

L’affrontement des deux forces eut lieu au milieu d’une aveuglante tempête de neige.Napoléon,pensait surprendre les Russes,c’est lui qui fut surpris en état d’infériorité,cinquante quatre mille Français affrontent quatre vingt mille Russes,dont huit mille prussiens.

 

Ce qui était très pénible,écrira le capitaine Parquin,c’était une neige épaisse,poussée avec violence par un vent du nord sur nos visages,de manière à nous aveugler.Les forêts de sapins qui abondent dans ce pays et qui bordaient le champ de bataille le rendaient encore plus triste.Ajoutez à cela un ciel brumeux,dont les nuages paraissaient ne pas s’élever au-dessus des arbres:ils jetaient sur toute cette scène une teinte lugubre et nous rappelaient involotairement que nous étions à trois cents lieues du beau ciel de France.

 

Augereau perdit sa direction dans la tourmente de neige,son corps fut anéanti.L’offensive Russe faillit enfoncer le centre du dispositif Français,l’Empereur redressa la situation en lancant une colossale charge de cavalerie,quatre-vingts escadrons sous le commandement de Murat.Pendant plus de cinq heures,l’issue du combat demeure incertaine.Corps à corps et combat à la baïonnette font couler sur la neige le sang Russe et Français.Les victimes frappées ou bléssées à mort s’écroulent,seul l’arrivée de Ney sur la droite Russe les contraignit à se retirer de la bataille après treize heures de combat,ou il n’y a ni vainqueur ni vaincu.Sur la neige,gisaient vinq-cinq mille Russes et dix huit mille Français.Les récits de carnage arrive à Paris avant la version officielle du bulletin de la Grande Armée,le peuple Français découvre avec horreur le véritable prix de la guerre.Ce ne sont plus les manoeuvres tactiques et les effets de surprise qui décident de la bataille,mais l’engagement massif de corps d’armée ainsi que la puissance de feu.Napoléon restera huit jours sur le champ de bataille d’Eylau,pour diriger les secours au blésses et ensevelir les morts,chose tout à fait inhabituel.

 

Le lendemain,dès le jour,Napoléon parcourut le champ de bataille.Aucun abattoir n’aurait pu être aussi répugnant.Les cadavres d’hommes et de chevaux mélés gisaient partout dans la neige épaisse.La neige n’était plus blanche,mais jaunie et noircie et rougie,oui,par instants c’était une bouillie rougeâtre où se voyaient des entrailles grises et roses,des membres arrachés.Des bléssés poussaient des cris déchirants et on entendait aussi les plaintes et les râles des chevaux aux jambes brisées et qui mouraient de soif.

 

 

Aigle impérial

Le 8 février, les Russes nous souhaitèrent le bonjour de grand matin, et nous saluèrent d’une affreuse canonnade. En un instant, tout le monde fut sur pied ; l’Empereur monta à cheval et nous porta en avant sur un lac gelé, à un quart de lieue environ de la montagne où nous avions bivouaqué ; il réunit là toute sa Garde : infanterie, artillerie et cavalerie. Ce lac se trouvait à droite d’Eylau (par rapport à nous et au mouvement que nous venions de faire); il n’en est séparé que par une chaussée ; mais le village s’étend plus loin que le lac. Le terrain monte, et les maisons, suivant la pente du terrain, s’élèvent peu à peu jusqu’à l’église, qui se trouve à l’extrémité et comme isolée sur la hauteur.

 

De l’autre côté du lac et d’Eylau apparaissent de petits monticules, et, au-dessus, un immense plateau sur lequel se livrait la grande bataille. Nous étions à la droite de l’armée française, et l’engagement le plus sérieux avait lieu sur notre gauche. De même, l’artillerie russe n’était pas en face de nous ; elle était placée sur je ne sais quel point du plateau beaucoup plus à gauche que l’église. Nous ne profitions guère de cette
disposition, car les Russes avaient une formidable artillerie ; on disait même qu’ils avaient amené de Kœnigsberg vingt-deux pièces de siège. Quoi qu’il en soit, leurs batteries faisant feu de notre côté, les obus incendiaient les maisons du village, les boulets passaient au-dessus ou au travers, et tout venait tomber comme grêle sur le lac où nous nous trouvions.C’était, dans nos rangs, un épouvantable ravage.

Bien que nous eussions les pieds sur la glace ou dans la neige, nous ne songions guère au froid ; il semble même que cette température si rigoureuse excitait notre courage. Mais quelle position affreuse ! rester, pendant deux heures, immobiles, attendant la mort sans pouvoir se défendre, sans pouvoir se distraire.De tous côtés les hommes tombaient, et des files entières disparaissaient.

 

Au milieu de ce désastre, je pourrais citer de nombreux traits d’héroïsme ; en voici deux qui sont encore présents à ma mémoire : M. Sénot, notre tambour-major, était derrière nous à la tête de ses tambours. On vint lui dire que son fils était tué. C’était un jeune homme de seize ans. Il n’appartenait encore à aucun régiment, mais, par faveur et par égard pour la position de son père, on lui avait permis de servir comme volontaire parmi les grenadiers de la Garde.

 

« Tant pis pour lui! s’écria M. Sénot; je lui avais dit qu’il était encore trop jeune pour me suivre. »

 

Et il continua à donner l’exemple d’une fermeté inébranlable. Heureusement, la nouvelle était fausse : le jeune homme avait disparu dans une file de soldats renversés par un boulet, et il n’avait aucun mal. Je l’ai revu, depuis, capitaine adjudant-major dans la Garde.

 

Au même instant, notre fourrier eut la jambe emportée ; il coupa tranquillement un lambeau de chair qui restait pendant et nous dit, sans sourciller : « J’ai laissé trois paires de bottes à Courbevoie, j’en ai pour longtemps maintenant ! »Puis il ramassa, sur le champ de bataille, deux fusils en guise de béquilles, et s’en alla tout seul à l’ambulance. Les boulets et les obus finirent par défoncer la glace, notamment dans la portion du lac qui est la plus rapprochée d’Eylau. Un grand nombre des chasseurs à cheval disparut dans ce gouffre. L’Empereur se décida à nous faire faire un mouvement. Il nous porta en avant sur la hauteur, notre gauche appuyée à l’église. Lui-même s’installa près de nous, avec son état-major, observant l’ennemi et donnant ses ordres.

 

Il eut la témérité de se porter encore plus à gauche, vers le cimetière, où se livrait un combat épouvantable. Là tombèrent une multitude énorme de Français et de Russes ; ces derniers surtout furent horriblement maltraités. Les baïonnettes de nos soldats étaient teintes de leur sang, et nous restâmes maîtres de la position. Les boulets continuaient de ravager nos rangs, bien que nous fussions un peu protégés par l’église. Un, entre autres, coupa le bâton de notre aigle, et passant entre les jambes du sergent-major qui le tenait, fit deux trous à sa capote, par devant et par derrière, sans le blesser aucunement.

 

Mais tout cela n’était rien au prix des désastres que l’armée éprouvait sur d’autres points. A la droite, presque en face de nous, le 14e de ligne fut taillé en pièces. Les Russes pénétrèrent dans le carré formé par ce régiment, et ne firent pas un prisonnier; ils sabrèrent jusqu’au dernier homme. Le 43° perdit aussi la moitié de son monde. On conçoit quel déficit ces pertes affreuses laissèrent dans notre ligne. Les Russes
s’avancèrent jusque vers nous : l’Empereur lui-même était en péril. Nous poussâmes des cris frénétiques : « En avant ! vive l’Empereur ! en avant ! en avant! »Napoléon se décida à engager le deuxième régiment des grenadiers à pied et un régiment de chasseurs de sa Garde, sous la conduite du général Dorsenne. Ils se précipitèrent sur la Garde impériale russe, à la baïonnette, sans tirer un seul coup de fusil. Ils en firent
une horrible litière.

 

En même temps, l’Empereur lança deux escadrons de grenadiers et deux escadrons de chasseurs à cheval (de la Garde). La charge fut tellement impétueuse que les grenadiers traversèrent complètement les lignes de l’armée russe, et allèrent se reformer derrière elle pour percer une seconde fois et revenir à nous. Ils perdirent quelques hommes qui furent démontés, faits prisonniers et conduits à Kœnigsberg; mais le gros des escadrons arriva près de nous, en bon ordre, couvert de sang et de gloire.Ces efforts prodigieux arrêtèrent les progrès des Russes et calmèrent leur fureur. Il était temps. Le courage de nos troupes était à bout. Sans la Garde, elles eussent peut-être succombé ; nos rangs à nous-mêmes se dégarnissaient à vue d’œil. Nous ne perdîmes pas le champ de bataille, mais nous ne le gagnâmes pas, et le soir l’Empereur nous ramena à la même position que nous occupions la veille, sur notre montagne en pain de sucre.

 

« Tu n’as pas plaisanté avec mes vieux soldats, dit-il à Dorsenne, je suis content de toi. Les Russes sont battus ; malheureusement, nous avons trop souffert ! ;> Vers la nuit, il nous vint un corps de troupes fraîches.Le maréchal qui le commandait (je ne sais plus lequel) accourut à l’Empereur, et lui demanda où il devait se placer.

 

« Si tu veux de la place, répondit l’Empereur, il faut t’en faire. Va sur le champ de bataille. Mets-toi en première ligne, et, dès que tu seras en bataille, fais feu de tous tes bataillons et de toute ton artillerie ; je vais t’envoyer mes chasseurs à cheval pour te soutenir. »

 

Le maréchal exécuta ponctuellement les ordres de l’Empereur. Un feu épouvantable éclata tout à coup dans l’obscurité. Les Russes, épouvantés de cet incident imprévu, se retirèrent vers Kœnigsberg, abandonnant leur grosse artillerie, et de nouveaux cadavres s’accumulèrent dans la plaine. Quel champ de bataille que ce champ d’Eylau! ce n’était partout qu’un cri de douleur; on ne peut s’en faire une idée. Le lendemain de ce jour funeste fut consacré à ensevelir les morts et à porter les blessés à l’ambulance ; nous nous acheminâmes vers le village. De tous côtés la neige était massée sous les pas des hommes et des chevaux. De tous côtés des hommes gisaient étendus. On creusait d’énormes fosses, de véritables tranchées, qu’on remplissait de cadavres, et que l’on couvrait ensuite de terre ; si bien que la plaine était toute semée de buttes funèbres, que nous retrouvâmes l’année suivante encore visibles et fort apparentes. Nous enterrâmes ainsi le 14e de ligne tout entier et le colonel sur son régiment.

Aigle impérial

Récit du chirurgien de la Grande Armée Pierre François Percy

Jamais tant de cadavres n’avaient couvert un si petit espace.La neige était partout teintée de sang;celle qui était tombée et qui tombait encore commençait à dérober les corps aux regards affligés des passants.Les cadavres étaient amoncelés partout ou il y avait quelques bouquet de sapins,derriere lesquels les Russes avaient combattu.Des milliers de fusils,de bonnets,de cuirasses étaient répandus sur la route ou dans les champs.Au déclin d’une montagne dont l’ennemis avait sans doute choisi le revers pour mieux se défendre,il y avait des groupes de cents corps ensanglantés;des chevaux estropiés mais vivant,attendaient que la faim vînt les faire tomber à leur tour sur ces monceaux de morts.Nous avions à peine traversé un champ de bataille que nous en rencontrions un autre,et tous étaient jonchés de cadavres.

La tuerie d’Eylau fit trois mille morts et sept mille bléssés côtés Français,les Russes perdaient davantage,au moins sept mille morts et dix mille bléssés.

À la fin de la « visite » du champ de bataille,l’Empereur passa au milieu de ces troupes, »Vive l’Empereur! »,acclamation habituelle,mais aussi, »vive la paix! », « Vive la paix et la France! », »Du pain et la paix! ».Napoléon décida de distribuer de l’eau de vie,style inhabituelle,tandis que le bulletin annonça:  » L’armée va reprendre ses cantonnements et rentrer dans ses quartier d’hiver ».

Napoléon

« Friedland vaudra Austerlitz, Iéna ou Marengo, dont je fête aujourd’hui l’anniversaire », lance Napoléon Ier au soir de la grande bataille qu’il vient de livrer, le soir de ce 14 juin 1807. Modèle de manoeuvre et de jugement, comparable à Austerlitz dans sa conception, la bataille de Friedland marque, quelques mois après la boucherie d’Eylau, une défaite sans appel pour l’armée russe.

Les forces françaises progressant à marche forcée présentent un dispositif assez étiré : ils n’ont que 25 000 hommes à opposer aux 56 000 Russes aux premières heures du jour.Le dos à la rivière d’Alle,les Russes sont dans une situation désavantageuse,le maréchal Lannes accroche l’ennemis à trois heures du matin,mais fait durer les opérations,pour donner le temps à Napoléon de venir d’Eylau avec le gros des troupes.La véritable bataille s’engagea à dix-sept heures;elle dura six heures.

 

 

Mortier et Lannes à gauche et au centre devaient contenir Gortchakof.A droite Ney devait,sans souçi des pertes,enfoncer la gauche ennemis sous Bagrations,enlever Friedland qui dominait le terrain en arrière du dispositif russe,et couper les ponts de l’Alle par ou les Russes avaient franchi la rivière.Lannes et Mortier prendraient alors l’offensive.Ney part aussitôt au galop pour organiser son attaque. Ses forces avancent en direction de Friedland sous le feu de l’infanterie et des 100 canons ennemis, vomissant des milliers de boulets et de boîtes à mitraille.

 

Le maréchal ordonne la marche en avant, l’arme au bras. La fumée, provoquée par des milliers de fusils et de centaines de canons, couvre et masque les masses de l’adversaire. Si bien que la 3e division oblique trop à droite. Ney ordonne à un colonel de l’appuyer à gauche. Mais pendant qu’il lui parle ce dernier se fait enlever par un boulet. Un commandant met aussitôt son chapeau au bout de son épée en criant : « Vive l’Empereur ! En avant ! » Un second coup arrive et le commandant tombe sur les genoux, les deux jambes coupées. Un capitaine succède et fait exécuter le même mouvement. Soudain, le maréchal Ney arrive en personne et encourage ses hommes à grands coups de « Foutres noms de Dieu ». La marche vers la ville reprend, l’ennemi est refoulé malgré l’intervention de la Garde Impériale russe. « Cet homme, c’est un lion » s’écrie avec admiration Napoléon à Mortier.

 

Le résultat semble incertain, mais la vaillance des dragons du général Latour-Maubourg permet à Ney de se dégager. De plus pour appuyer l’action du maréchal, Napoléon met à la disposition du général Sénarmont 36 pièces d’artillerie. Celui-ci réalise un exploit : tirant 2 800 boulets à 120 mètres des troupes en progression, ignorant leur feu, l’artillerie française décime à bout portant les carrés russes et fait rebrousser chemin à une charge de cavalerie. Il donne la victoire, une victoire éclatante et totale aux Français. En effet, Ney repart à l’assaut puis s’empare de Friedland et détruit les ponts. Le flanc droit russe est culbuté dans la rivière par une dernière charge à la baïonnette des troupes de Lannes et Mortier. La victoire est totale vers 22 heures 30.La journée coûtait au tsar vinq-cinq mille hommes,70 drapeaux et quatre-vingt canons,les pertes françaises s’élèvent à 1 645 tués et 8 000 blessés.

Le 22, Napoléon adressa à son armée la proclamation suivante

 

Soldats
« Le 5 juin, nous avons été attaqués dans nos cantonnements par l’armée russe. L’ennemi s’est mépris sur les causes de notre inaction ; il s’est aperçu trop tard que notre repos était celui du lion, il se repent de l’avoir oublié.
« Des bords de la Vistule, nous sommes arrivés sur les eaux du Niémen avec la rapidité de l’aigle. Vous célébrâtes à Austerlitz l’anniversaire du couronnement ; vous avez,cette année, célébré celui de la bataille de Marengo, qui mit fin à la guerre de la seconde coalition.
Français, vous avez été dignes de vous et de moi ! Vous rentrerez en France couverts de tous vos lauriers, après avoir obtenu une paix glorieuse qui porte avec elle la garantie de sa durée.

 

Le 19 juin,Napoléon fait savoir à Joséphine: »La bataille de Friedland a décidé de tout.L’ennemi est confondu,battu,extrêmement affaibli. »La campagne de Pologne prend fin sur un succès Français,contraignant le tsar Alexandre de traiter avec l’Empereur,la rencontre se fait sur un radeau,au milieu du Niémen,le 25 juin.Les deux empereurs deviennent officiellement alliés à la suite d’un traité signer le 7 juillet suivant à Tilsit.La prusse battue,paiera lourdement les conséquences de sa défaite,l’obligeant à rendre ses provinces Polonaise,qui forment alors le grand-duché de Varsovie,elles perd toutes ses posséssions situées à l’ouest de l’Elbe.Jamais,l’Empereur n’a atteint un tel degré de puissance.