Emblème Impériale

“ est une des gloires les plus pures de la France ”
Napoléon à Sainte-Hélène.

L'homme

Voici le plus capable de tous les maréchaux d’Empire, le seul à avoir du génie. Il était au dessus des autres par ses connaissances militaires. Stratège aussi bien que tacticien, il possédait toutes les qualités qui font un grand capitaine. Comment peut-on imaginer ce foudre de guerre ? Se présentait- il comme un personnage distingué, imposant ? Etait-il d’une impressionnante stature dégageant une puissance physique propre à inspirer la crainte à l’ennemi ou le courage à ses soldats ? Rien de tout cela ! de taille moyenne, chauve, le teint blanc, des sourcils épais sur des yeux de myope ; il corrigeait cette myopie par le port de bésicles qui appuyaient sur un nez trop court. Complétons ce portrait peu flatteur en ajoutant qu’il était mal tenu de sa personne, peu soigneux de sa toilette, portant du linge douteux, les ongles en demi-deuil, enfin dépourvu de toute élégance ou de coquetterie, ce qui étonne chez un officier d’ancienne noblesse.

Origine

Le nom de d’Avout, à l’origine d’Avot, a été tiré du château d’Avot, situé dans la seigneurie de Saulx-le-Duc, près de Dijon. Les origines de la famille, de souche bourguignonne, remontent au XIII° siècle. De. noblesse d’épée, cette famille fournit de nombreux soldats à la royauté. “ Quand né un d’Avot, une épée sort du fourreau ”, disait-on en Bourgogne. La branche cadette de la famille vint s’établir à Annoux, dans l’Yonne, au XVII° siècle. C’est là que naquit Louis Nicolas Davout, le 10/05/1770. Son père, Jean-François d’Avout, né également à Annoux en mai 1739, était lieutenant au régiment de La Rochefoucauld, devenu par la suite, Royal-Champagne cavalerie. Il décéda en 1779 des suites de blessures provoquées par un sanglier qui le chargea, au cours d’une chasse. Jean-François d’Avout avait épousé Adélaïde Minard de Velars (1741-1810) issue d’une vieille famille d’Avallon. Quatre enfants naîtront de cette union : Louis-Nicolas, le futur maréchal étant l’aîné. Les trois autres naîtront à Estivey où s’est retirée la famille : Julie (née le 16/09/1771), Alexandre (né le 15/09/1773) et Charles (né le 30/09/1776). Julie épousera, en 1801, le général comte Beaumont ; Alexandre sera nommé baron d’Empire, et deviendra maréchal de camp sous la restauration ; Charles sera chef d’escadron, son fils, le général Léopold Davout, sera autorisé par Napoléon III à porter le titre de duc d’Auerstaedt, pour lui et ses descendants, par le décret impérial du 17/09/1864, le titre porté par le maréchal s’étant éteint en 1853 à la mort de Louis, troisième fils du maréchal, les deux premiers étant morts en bas âge.

Le militaire

Louis Davout avait neuf ans quand mourut son père. On le fit entrer au pensionnat de l’école Royale militaire d’Auxerre, dirigée par les Bénédictins de Saint-Maur, qui sont les plus connus parmi les congrégations bénédictines. Il fait des études convenables, mais montre déjà un caractère entier, et ne craint pas la bagarre. En septembre 1785, il entre comme cadet-gentilhomme à l’Ecole Royale militaire de Paris. Il en sort, le 02/02/1788, avec le grade de sous-lieutenant qu’il va exercer au régiment de Royal-Champagne Cavalerie ; ce même régiment où ont servi son père et son grand-père. Farouche partisan des idées nouvelles, il supprime la particule, Davout est mal vu de ses camarades, tous nobles et, bien entendu, royalistes. Des incidents se produisent dont le plus important, que nous citons ci-après, sera puni des arrêts. Cela se passa au cours d’un banquet d’officiers, l’un d’eux porte un toast à la santé du Roi en disant : ” Et je me flatte qu’il n’y a pas parmi nous de jean-foutre qui en propose un autre Davout se lève, imperturbable : ” C’est moi, messieurs, qui suis le jean-foutre dont monsieur a voulu parler. A la santé de la nation Plus tard, à la suite d’une mutinerie où il prend fait et cause pour les soldats, les officiers royalistes qui l’exècrent, s’unissent contre lui et parviennent à le faire emprisonner à la citadelle d’Arras ; il y restera incarcéré pendant six semaines ; Après sa libération, il s’empresse de donner sa démission, le 15/09/1791.

 

Quelques jours après, est formé le 3° bataillon de volontaires de l’Yonne. Davout s’y engage et en est élu lieutenant-colonel en premier. Affecté à l’armée du nord en 1792, puis à l’armée de Belgique, il manque de capturer Dumouriez qui fuit, recherché pour trahison. Il l’aperçoit, le 04/04/1793, et fait tirer son bataillon, mais Dumouriez n’est pas atteint et réussit à s’échapper. Envoyé en Vendée, Davout est nommé adjudant-général à l’armée des Côtes de la Rochelle, puis général de brigade, le 25/07/1793 ; cinq jours après, il reçoit les épaulettes de général de division à l’armée du Nord. Il refuse par lettre ces deux promotions, se référant au décret exclant de l’armée les ci-devant nobles ; il envoie en même temps sa démission. Cette formalité accomplie, Davout se retire à Ravières dans un château appartenant à sa mère. Reintégré le 10/10/1794, il est versé à l’armée de la Moselle et nommé général de brigade de cavalerie, le 21 septembre. Employé à l’armée de Rhin et Moselle, commandée par Moreau, il s’empare de Manheim. Cette place est assiégée et capitule au bout d’un mois par la faute, intentionnelle ou non, de Pichegru. Davout est fait prisonnier sur parole, le 18/09/1795 ; il peut donc rentrer en france et retourner dans sa famille. Il y restera pendant neuf mois, jusqu’à ce qu’intervienne un échange de prisonniers. Cela va lui permettre de réintégrer l’armée de Rhin et Moselle et de participer, sous les ordres de Desaix, à l’attaque,puis à la défense de Khel. Davout admire le grand soldat qu’est Desaix, celui-ci l’estime et apprécie ses capacités. Une grande amitié va naître entre ces deux valeureux généraux. Le 17/10/1797, le traité de Campo-Formio met fin à la guerre. Desaix est envoyé en Italie pour représenter l’armée d’Allemagne.

Rencontre avec Bonaparte

C’est la rencontre avec Bonaparte. les deux hommes s’apprécient, la confiance est réciproque. Bonaparte confie à Desaix ses projets sur l’Egypte dont il prépare l’expédition en secret, il lui propose d’en faire partie. Desaix accepte, mais il tient à emmener son ami Davout, sachant combien il peut compter sur cet officier de valeur. Il en parle à Bonaparte et le lui présente, le 22/03/1798. L’entrevue à lieu chez le général en chef, dans son hôtel de la rue de la Victoire. Davout ressentit aussitôt une profonde admiration pour le futur Empereur, il fut littéralement subjugué. Quant à Bonaparte, avec son coup d’oeil qui ne le trompait pas, il jugea l’homme. Cependant, il ne lui accorda pas tout de suite sa confiance, il ne le connaissait pas suffisamment, il voulut d’abord le voir à l’œuvre avant de lui confier un commandement important. La campagne d’Egypte va permettre à Davout de montrer ses talents à Bonaparte.


Embarqué à Toulon le 19/05/1798, il prend le commandement d’une brigade de cavalerie (14° dragon). Peu de jours après le débarquement, le général Mireur est tué ; Davout est désigné, le 11 juillet, pour le remplacer à la tête de la cavalerie de la division Desaix. Il se distingue à la bataille des Pyramides qui permet aux français d’investir Le Caire où il tombe malade. Après son rétablissement, il rejoint la division Desaix et remonte le Nil pour participer à la campagne de Haute-Egypte. Vainqueur de Mourad Bey, vainqueur à Louqsor, il prend part à la bataille d’Aboukir et à la prise du fort. Le 03/03/1800, Davout s’embarque à Alexandrie, avec Desaix, pour rentrer en France. Faits prisonniers par les anglais, alors qu’ils sont en vue des côtes de France, on les débarque à Livourne. Bientôt libérés, ils arrivent à Toulon, le 6 mai. De nouveau malade, Davout restera dans cette ville et, de ce fait, ne se trouvera pas à la bataille de Marengo où son maître et ami Desaix va trouver une mort glorieuse. Nommé général de division, le 03/07/1800, Davout prend le commandement, à l’armée d’Italie, des dragons, chasseurs et hussards. Puis, un mois plus tard, la cavalerie de cette armée. De retour en France, il est désigné comme inspecteur général de cavalerie. Son étoile continue à monter : le 28/11/1801, le premier Consul lui confie le commandement des grenadiers à pied de la garde Consulaire. Le 29/08/1803, il est nommé commandant en chef du camp de Bruges.

Maréchal d'Empire

Le 19/05/1804, voit Davout élevé à la dignité de maréchal d’Empire, 13° dans l’ordre. Il est, à trente-quatre ans, le plus jeune de la promotion. Sa nomination a étonné, il est encore peu connu, il n’a jamais commandé en chef une armée, il ne s’est pas rendu célèbre par une grande victoire comme Masséna à Zurich, Augereau à Castiglione ou Lannes à Montebello ; Napoléon lui a remis le bâton de maréchal parce qu’il a compris ce dont est capable Davout. Il a “ jaugé son tiran d’eau ”. Il a été frappé par ses qualités d’ordre, par la clarté et la précision de ses rapports, par la discipline et la belle tenue de ses troupes, son sens de l’administration, mais aussi par sa scrupuleuse intégrité et son dévouement absolu. Ce même 19 mai, dans la promotion des maréchaux, l’Empereur en choisit quatre qu’il nomma colonels-généraux de la garde Impériale. Davout est l’un de ces quatre, il reçoit le commandement des grenadiers, fusiliers et tirailleurs. Le 23/09/1805, le maréchal Davout est nommé commandant en chef du 3° corps de la Grande Armée. C’est ce corps qui sera le mieux tenu, le plus discipliné des armées impériales, et dans lequel vont s’illustrer trois célèbres divisionnaires : Friant, Gudin et Morand. Ils conserveront toujours l’estime et la confiance de Davout, pourtant réputé dur, méprisant même, avec ses officiers. Ce corps d’élite va commencer à Austerlitz sa glorieuse réputation. A cette bataille, la plus belle de l’épopée, Davout va donner la mesure de ses talents militaires. Il commande la droite de l’armée, cette droite qui ne fléchira jamais devant les assauts violents et répétés des autrichiens et des russes. Certes, Soult a percé l’ennemi en enlevant le plateau de Pratzen, mais que serait-il advenu si Davout n’avait pu contenir l’aile gauche russe ? Davout vient de démontrer sa valeur.

 

Deux ans plus tard, c’est la glorieuse victoire d’Auerstaedt où il s’impose comme le plus grand capitaine des armées impériales. Auerstaedt où Davout commande seul, éloigné de Napoléon et du gros de la Grande Armée. Avec 25 000 hommes, il met hors de combat les 60 000 soldats de l’armée prussienne dirigés par le roi de Prusse et le duc de Brunswick. La victoire se solde par 1500 tués ou blessés dans les rangs ennemis, 3000 prisonniers et la prise de 115 pièces d’artillerie, alors que les français ne disposaient que de 55 canons. Cette victoire aurait été plus décisive, plus rapide et surtout moins meurtrière pour le 3ème corps si Bernadotte avait obeï aux ordres de l’Empereur qui lui prescrivait de marcher sur Auerstaedt, et s’il n’était pas resté sourd aux appels réitérés de Davout qui poussa l’abnégation, tellement il avait l’esprit du devoir, jusqu’à lui offrir le commandement. Bernadotte n’apporta son aide, ni à l’Empereur,ni à Davout ; ce maréchal ne voulait la gloire que pour lui, il se refusait la partager. Davout se dépensa sans compter à Auerstaedt, payant généreusement de sa personne, à tel point que son uniforme était lacéré par les balles. Il dirigea les opérations tête nue, un boulet ayant emporté son chapeau. L’Empereur ne ménagea pas ses compliments : “ Le combat d’Auerstaedt est une des plus belles journées de l’histoire de France ”, lui écrira-t-il. Après la défaite prussienne, il lui réserva l’honneur d’entrer le premier à Berlin, avant lui-même, à la tête de ses troupes.

Duc d’Auertaedt

Après cette mémorable victoire, Davout va s’illustrer en Pologne. Il entre dans Varsovie, se bat contre les Russes à Nasielsk et à Golymin. Le 8/02/1807, c’est la sanglante bataille d’Eylau. Là, comme à Austerlitz, il commande la droite. Il accomplit des prodiges pour déborder la gauche russe qui finalement lache pied et se retire. Davout poursuit les fuyards et s’empare de Koenigsberg. Le 15/07/1807, Davout est nommé gouverneur général du grand duché de Varsovie. Duc d’Auertaedt le 28/03/1808, il obtient une rente annuelle sur le grand duché, une dotation sur la Westphalie et le Hanovre, la cession de château de Brühl et une dotation particulièrement intéressante sur les salines de Nauheim et le Mont de Milan. 1809 ! C’est la nouvelle campagne d’Autriche. Davout, avec son 3° corps, bat l’ennemi à Thann et à Schierling. Puis c’est la grande bataille d’Eckmühl où il va se surpasser, électrisant la troupe en chargeant à la tête de ses grenadiers. Il lutte pendant cinq jours, avec des forces nettement inférieures, contre l’armée de l’archiduc Charles, lequel parvient à s’échapper. Les Français et les Autrichiens vont se retrouver face à face à Wagram où Davout, toujours à l’aile droite, fait reculer l’adversaire et, vers midi, aprés une contre attaque, parvient avec Oudinot à enlever le plateau et à pénetrer dans Wagram.

Prince d’Eckmühl

Cinq semaines plus tard, Davout recoit le titre de prince d’Eckmühl. Cette année 1809 est l’année du divorce de Napoléon et de Josephine. Cet événement affecte profondément Davout et la maréchale qui sont très attachés à l’Impératrice. Ils lui resteront toujours fidèles et continueront à lui manifester leur sympathie.


C’est maintenant la paix. Le traité est signé à Vienne, le 14/10/1809. Davout, nommé commandant en chef de l’armée d’Allemagne, part en congé à Paris, le 4/02/1810. Il va se reposer soit dans son hôtel de Monaco, rue Saint-Dominique, soit dans domaine de Savigny-sur-Orge, à 25 km de Paris, où il se complait à mener l’existence d’un gentilhomme campagnard. Il doit s’absenter quelquefois pour se rendre auprès de l’Empereur et de l’Impératrice Marie-Louise, tenu par ses obligations de colonel-général de la garde. Le 6/07/1810, Napoléon le désigne pour prononcer l’éloge funèbre de Lannes, lors de l’inhumation au Panthéon de cet autre grand soldat. Auparavant, en juin, Davout a eu la douleur de perdre son fils agé d’un an. En septembre, il doit se rendre d’urgence à Ravières, au chevet de sa mère gravement malade ; il arrive juste à temps pour recueillir son dernier soupir. Il faut maintenant “ reprendre le collier ”. Le prince d’Eckmhül retourne à son commandement de l’armée d’Allemagne. Il établit son quartier général à Hambourg, le 15 septembre. Le 1 décembre, il est nommé gouverneur général des villes hanséatiques. Davout va exercer son gouvernement avec dureté, l’inflexibilité, la rigueur qui le caractérisent. Bien
entendu il se fait de nouveaux ennemis. Peu lui importe, il accomplit son devoir, il sert les intérêts de son Empereur et de la France, cela seul compte.

 

Le 19/04/1811, Napoléon confie à Davout le commandement du corps d’observation de l’Elbe. Il va commencer cette campagne à la tête du 1° corps qui constitue l’avant garde de la Grande-Armée. Vainqueur du prince Bagration à Mohilev, il se prépare à attaquer la place de Smolensk quand, quelques jours avant cette bataille, le 19/08/1812, au combat de Valoutine, il est durement atteint dans son affection. Gudin, le brave Gudin, son élève, son fils spirituel est grièvement blessé ; un boulet lui a emporté la cuisse. Malgré l’amputation, malgré tout son courage, Gudin ne survivra pas. Transporté à Smolensk, il s’éteint le 22 août. Davout, averti, s’était aussitôt rendu à son chevet. Là, devant Gudin dont le visage porte déjà les stigmates de la mort, le maréchal d’Empire réputé insensible, rude, rigoureux, sur lequel les sentiments ne paraissent n’avoir pas de prise ; cet homme pleure à chaudes larmes ! Bouleversé, il écrit à la maréchale, en lui confiant le soin d’annoncer à la comtesse Gudin la triste nouvelle : “ On ne me remue pas facilement le coeur, mais lorsque, une fois, on m’a inspiré de l’estime et de l’amitié, il est tout de feu. Je versais des larmes comme un enfant… ”. Gudin fut-il la bonne étoile de Davout ? Sa disparition inaugure toute une série de circonstances défavorables. 

 

 

Campagne de Russie

La campagne de Russie marque l’arrêt de la faveur du maître. Napoléon qui estime Davout mais ne l’aime pas, va se montrer injuste envers lui. Au début de la campagne, l’Empereur a placé son plus jeune frère, Jérôme, qu’il a fait roi de Westphalie, sous les ordres de Davout. Jérôme est jeune, orgueilleux, il supporte mal de se trouver sous les ordres d’un maréchal. Ce dernier, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne sait pas arrondir les angles, emploie avec Jérôme son habituel ton cassant, marqué d’un mépris qui blesse profondément l’amour propre du roi de Westphalie. Jérôme commet de graves fautes, lourdes de conséquences pour l’armée, elles n’échappent pas à l’Empereur, mais les critiques acerbes de Davout lui déplaisent, elles lui déplaisent d’autant plus qu’elles démontrent le tort qu’il a eu de donner à Jérôme un commandement bien au dessus de ses capacités. Napoléon, dont on connait la suceptibilité, tint rigueur à Davout de ces vérités si bien affirmées. Il finit par faire retomber sur lui les fautes de Jérôme. Il ne cessera,, pendant toute la campagne de Russie, de le blâmer, de le critiquer et de se montrer injuste à son égard. Pourtant, Davout ne démérite pas. Il accomplit toujours impeccablement ses manoeuvres. Il se distingue à la Moskowa en enlevant, avec Ney, deux redans de l’armée de Bagration. Il se bat avec acharnement chargeant, l’épée à la main, à la tête de ses troupes. Un boulet tue son cheval et le contusionne au bas ventre. Il perd connaissance, on le croit mort, mais il se remet et, malgré ses souffrances, continue à commander son corps d’armée. Une heure plus tard, il est blessé à la cuisse droite par un biscaïen. Il terminera péniblement la bataille, puis il ira à Moscou pour y soigner ses blessures.

Pendant la terrible retraite de Russie, Davout, commande d’abord l’arrière-garde. L’Empereur lui retirera ce commandement quelques jours plus tard, prétextant qu’il agit trop lentement. Cette décision est injuste. Le prince d’Eckmül, avec son stoïcisme coutumier, n’en continue pas moins à faire son devoir, comme si rien n’était. Il se bat avec acharnement à Kolotskoî, à Wiasma et à Krasnoé. Les ennemis de Davout, sentant le vent tourner, prennent plaisir à le discréditer auprès de Napoléon. C’est Berthier qui le hait et jette son venin à travers ses rapports d’état-major ; Ney qui le critique, qui s’en plaint et dénature la vérité pour se faire valoir. Ce sont aussi les papillons de l’état-major, de l’entourage de l’Empereur, les “ sous-fifres ”heureux de pouvoir accabler ce maréchal qui les méprise, qui les traite durement, mais qu’ils redoutent tant. Après la désastreuse campagne de Russie, l’armée est réduite à 45 000 hommes, il faut la reconstituer car une nouvelle coalition est formée. Davout, toujours à la tête du 1° Corps, part pour l’Allemagne. En avril 1813, Napoléon le nomme commandant de la 32° division militaire, le 1° corps restant sous ses ordres mais confié au général Vandamme, le prince d’Eckmühl prend le commandement du 13° corps et occupe Hambourg le 30 mai. Après quelques combats en Allemagne il organise la place d’Hambourg qui va soutenir un siège mémorable résistant à toutes les attaques. A l’abdication de Napoléon, les russes lui demandent de se rendre, il refuse fièrement. Les russes simulent alors une attaque drapeaux blancs à fleurs de lys en tête. Davout fait tirer son artillerie. Il ne se rendra que le 27/05/1814, seulement après avoir reçu un ordre écrit de Louis XVIII. Le prince d’Eckmühl quitte Hambourg, où il est remplacé par le général Gérard, avec les 26 000 hommes de la place formant trois colonnes à la tenue, comme toujours, impéccable, des soldats de Davout. Il laisse 5000 malades dans les hôpitaux. En cours de route, il reçoit l’ordre formel de ne pas se rendre à Paris. Il se retire alors dans son château de Savigny : Le gouvernement de Louis XVIII accuse Davout d’avoir fait tirer sur le drapeau fleurdelisé (il était porté par des russes), d’avoir pris la banque de Hambourg (c’était pour pouvoir battre monnaie, comme l’on pratique habituellement dans une ville assiègée) et d’avoir commis des actes arbitraires. Le maréchal va réfuter ces accusations dans un mémoire justificatif qui aura un grand retentissement. Le prince d’Eckmühl a mis les choses au point, ça lui suffit, il s’en tient là et n’ira pas, comme tous les autres maréchaux, offrir ses services à Louis XVIII. Celui-ci l’ignore et le fier Davout en fait autant.

Retour de l’île d’Elbe

Au retour de l’île d’Elbe, dès l’entrée de Napoléon à Paris, Davout quitte Savigny pour se rendre aussitôt aux Tuileries. Il est, avec Lefevre, le seul maréchal présent. La foule des personnages qui se tassaient dans le palais lui fit un accueil chaleureux. Par sa digne conduite pendant la restauration, le prince d’Eckmühl était devenu le plus populaire des maréchaux. Il traverse cette cohue froidement avec son visage sévère et, comme toujours, impassible pour se rendre auprès de l’Empereur qui lui propose aussitôt le ministère de la Guerre. Davout refuse, prétextant, avec juste raison, qu’il n’a pas les qualités requises pour mener à bien cette tâche. Il se connait bien, il sait qu’il n’a pas la souplesse, la diplomatie que nécessite cette fonction. Il ne demande qu’à servir mais dans son métier de soldat, à la tête d’une armée. Napoléon insiste, il lui explique qu’il a besoin d’un homme de sa trempe, énergique, courageux, capable de prendre de grandes responsabilités et en qui il peut mettre toute sa confiance. Davout finit par accepter.

Cependant : n’avait-il pas raison de refuser ? Par son commandement le sort des armes n’aurait-il pas été changé à Waterloo ? Ou si l’état-major lui avait été confié à la place de Soult ? Quelle différence dans la précision et dans la transmission des ordres. Il aurait probablement fait agir Grouchy, le sort de la bataille en aurait été changé. Napoléon regrettera amèrement de ne pas avoir employé Davout pour cette tâche si délicate. Nommé pair de France, le 02/06/1815, Davout va apporter dans ses nouvelles fonctions de ministre, son application, sa minutie, son ordre et son sérieux habituels. En deux mois, en collaboration étroite avec l’Empereur, il réforme une armée de 300 000 hommes. Après le désastre de Waterloo, Napoléon qui a regagné Paris convoque Davout pour étudier la situation. Le maréchal préconise d’employer la manière forte devant les chambres et pousse à la dictature, chaleureusement appuyé en cela par Lucien Bonaparte. Mais, la chambre des représentants délibère et vote une motion affirmant entre autre : “ que l’indépendance de la Nation est menacée ”, et se déclare en permanence ; l’article 5 de cette motion précise, que “ le ministre de la guerre, des relations extérieures, de l’intérieur et de la police sont invités à se rendre sur-le-champ dans le sein de l’Assemblée ”. Devant ce fait, Davout change d’avis, il renonce à la résistance, il considère la motion de la chambre comme inconstitutionnelle, mais dit-il : “ C’est un fait consommé ”. Au fur et à mesure que la situation évoluait, Davout s’empêtrait de plus en plus dans les mailles du filet politique. Il était trop droit, trop honnête pour pouvoir lutter avec tous ces politiciens qui cherchaient à tirer leur épingle du jeu. Fouché, le plus habile et le plus fourbe, qui avec adresse s’était fait élire président de la commission du gouvernement provisoire, sut le manoeuvrer pour l’amener à ses fins. Il lui fit même tenir un rôle indigne du grand soldat qu’il était, il le chargea de se rendre à l’Elysée pour engager Napoléon à se retirer à Malmaison. L’entrevue fut glaciale ; les deux hommes ne devaient jamais se revoir.

Louis XVIII

Auparavant, Davout avait reçu la visite de son ami le maréchal Oudinot, ce farouche républicain qui était maintenant l’un des plus actifs royalistes. Oudinot l’avait convaincu que le retour de Louis XVIII était la seule solution valable ; bien que haïssant les Bourbons, le prince d’Eckmühl s’inclina devant ce qu’il considérait comme un fait acquis. Il dut se résoudre, la mort sans l’âme, à signer la rédition de Paris et à en accepter l’occupation par les alliés ; il prend alors le commandement de l’armée de la Loire qui doit se retirer derrière le fleuve. Le 8 juillet, il donne sa démission de ministre de la Guerre et, le 14, il fait sa soumission à Louis XVIII. Cinq jours plus tard, il quitte Paris pour aller se retirer dans son château de Savigny. Là il va enfin se détendre et savourer les joies de la vie familiale, qu’il aime tant, auprès de sa “ petite Aimée ” et de ses enfants. Il va pouvoir satisfaire sa passion du jardinage, soigner avec amour sa basse-cour et embellir ses terres par de nouvelles plantations. Pendant ce temps à Paris, le gouvernement de Louis XVIII arrête, condamne, proscrit, emprisonne, exécute même, les fonctionnaires et militaires qui sont censés avoir trahi la monarchie pendant les Cent-Jours. Il se trouve un maréchal parmi eux : Ney, le héros d’Elchingen et de la Moskowa. Il est jugé par devant la chambre des pairs. Alors que les maréchaux pairs siègent parmi les juges (cinq voteront la mort), deux s’honoreront en se solidarisant avec leur frère d’armes : Moncey qui refusera de sièger et Davout qui quitte spontanément Savigny pour venir témoigner au procés, en faveur de Ney. Il le fit avec sa vigueur habituelle, oubliant leurs mauvaises relations et les incidents de la campagne de Russie. Davout va payer cher sa courageuse intervention. Le 27/12/1815, une ordonnance royale le prive de son traitement. Le 06/01/1816, il est exilé à Louviers sous la surveillance de la police. Ne touchant plus son traitement, ni les revenus de ses dotations en pays étrangers, il va mener une existence misérable pendant près de six mois, jusqu’à la fin juin. Pour faire face, la maréchale a du louer leur hôtel de Paris et vendre une partie de son argenterie. Elle fait la navette entre Paris et Louviers, se dépensant sans compter pour mener au mieux leurs intérêts.

A l’occasion du mariage du duc de Berry, en juin 1816, Davout fut autorisé à rentrer chez lui. Le 27/08/1817, plus d’un an après, on lui rend enfin son bâton de maréchal et il perçoit de nouveau son traitement. Les mauvais jours sont passés, Davout et sa femme peuvent reprendre l’heureuse vie de Savigny. De nouvelles occupations l’attendent, élu maire de Savigny-Sur-Orge, il va se consacrer à sa tâche administrative avec l’application et le sérieux qu’on lui connait. Le 10/02/1819, il reçoit la croix de chevalier de Saint-Louis. Le 5 mars suivant, son titre de pair de France lui est rendu.

Maladie et décès

Davout peut maintenant vivre heureux. Hélas ! ce bonheur ne va pas durer ; le maréchal est atteint d’une maladie pulmonaire. C’est pendant son exil à Louviers que le mal se manifesta pour la première fois. Les tracasseries qu’il dut supporter n’arrangèrent pas sa santé. Voici que le 19/08/1821, le maréchal a la douleur de perdre sa fille Joséphine, âgée seulement de dix-sept ans. Cette brutale disparition, elle est morte en couches, agrave son état ; sa santé se détériore. Puis, la saison étant belle, un mieux apparait, mais comme c’est généralement le cas dans ces maladies, l’humidité de l’automne fit progresser le mal.

 

Ses médecins l’engagèrent à retourner à Paris, l’air de Savigny n’étant pas bon pour les bronches. Toujours courageux, avec son indomptable volonté Davout fait front. Bien que très affaibli, il participe aux travaux de la chambre des pairs. Le mal continue à progresser. Le 21/05/1823, le maréchal, qui se rendait bien compte de la gravité de sa maladie, dicta son testament. Le 28, il réclama les secours de la religion qui lui furent apportés par le curé de Sainte-Valère. Le 01/06/1823, à cinquante-trois ans, courageux dans la mort comme il l’avait été tout au long de son existence, le maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, prince d’Eckmühl, rendit son âme à Dieu. Dernière vilénie de Louis XVIII qui, avec la mesquinerie qui le caractèrise, interdit aux soldats des Invalides d’assister aux obsèques de leur chef respecté ! Les royalistes s’abstinrent. Le gouvernement n’était pas représenté. Par contre, tous les maréchaux présents à Paris étaient là pour rendre hommage à celui qui fut le plus grand de tous. Jourdan, Mortier, les généraux Belliard et Maison tenaient les cordons du poêle. Ce fut Jourdan qui prononça l’éloge funèbre au cimetière du Père Lachaise. Suchet le fit à la chambre des pairs.

Vie Familiale

Davout se maria deux fois. Il n’avait pas vingt-deux ans lors de sa première union qu’il contracta, le 08/11/1791, à Ravières où il était retourné auprès de sa mère, après son incarcération à la citadelle d’Arras. Sa fiancée, Adélaïde de Seguenot, avait quelques mois de plus que lui. La lune de miel fut de courte durée, le jeune marié devant rejoindre l’armée du Nord ; il ne retrouvera Adélaïde que deux ans plus tard. Deux ans d’attente ! c’est long pour une jeune femme ardente aux plaisirs de l’amour. Pendant que son mari combattait l’ennemi, Adélaïde folâtrait avec les coquelets du village. Placé devant cette situation, Davout qui a toujours la décision prompte ne tergiverse pas, il demande le divorce et l’obtient, le 04/01/1794. Adélaïde moura l’année suivante ; si ce premier mariage fut malheureux, le deuxième fut une réussite à tous les points de vue. Le premier Consul avait marié sa soeur Pauline, la plus belle femme du consulat et de l’Empire, au général Leclerc. Celui-ci avait une soeur, Aimée, qui était élève au pensionnat de madame Campan où elle avait pour amies Caroline Bonaparte et, surtout, Hortense de Beauharnais. Le premier Consul, grand faiseur de mariage, décida de choisir un mari pour cette jeune fille. Il désirait lui procurer un bon parti puisque le futur époux allait entrer dans la famille en devenant le beau-frère de Pauline. Leclerc consulté proposa Lannes, l’ami de Bonaparte, qui acquiesa. Aimée refusa catégoriquement. Leclerc pensa alors à Davout. Le premier Consul donna son accord, d’autant plus facilement que Joséphine appuya fortement sa candidature, connaissant les liens intimes qui unissaient sa fille à Aimée. Celle-ci ne fit pas d’objection. Aimée fut toujours reconnaissante à Joséphine d’avoir si ardemment plaidé en sa faveur, reconnaissance que partagea Davout, car cette union fut heureuse, très heureuse, un beau roman d’amour qui ne prendra fin qu’avec la mort du maréchal.

Le mariage fut célébré le 09/11/1801. Le contrat fut signé par Bonaparte et Joséphine, ainsi que par d’autres membres de la famille consulaire. Les témoins étaient, le général Leclerc, Alexandre (frère de Davout), le général Beaumont (mari de Julie Davout) et le colonel La Tour Taxis. Le marié avait trente et un an, la jeune épouse dix neuf. La famille d’Aimée appartenait à la bourgeoisie de Pontoise où son père, décédé, était un important commerçant en grains. Aimée avait trois frères ; l’ainé, Emmanuel, le mari de Pauline ; Louis, membre du corps législatif ; Nicolas, officier de hussards. Elle avait aussi deux soeurs, Claire qui deviendra la générale Friant, le célèbre divisionnaire de Davout, et Julie qui épousera le général Beaumont. Si Davout était tout-à-fait l’opposé d’un play-boy, sa jeune femme était d’une exceptionnelle beauté ; tous les contemporains sont d’accord sur ce point. ” Belle comme un ange ” écrit Georgette Ducrest dans ses “ Mémoires sur l’Impératrice Joséphine ”. Jolie, modeste, bonne, distinguée, Aimée réunissait toutes les qualités qui rendent une femme sympathique, et pourtant elle ne plaisait pas. Elle refroidissait son monde par un visage sévère que n’éclairait jamais un sourire, par sa dignité solennelle, son air constamment ennuyé. En effet, elle s’ennuyait à la Cour où on la voyait rarement, ne s’y rendant que par obligation. Napoléon la désigna comme dame d’honneur de madame Mère, sur les instances même de madame Laetizia. Elle dut accepter, bien contre son gré. Mais elle ne tarda pas à abandonner cette honorifique fonction prétextant des ennuis de santé. Sa vie, son plaisir, c’était l’intimité familiale de Savigny. Soigner ses enfants, chouchouter son mari ; vivre cette existence sans contrainte que l’on peut mener à la campagne, dans la nature, loin des festivités et des obligations mondaines.

 

A deux reprises, la maréchale quitta son cher Savigny pour aller rejoindre Davout aux armées. En 1811, elle se rendit à Hambourg. Elle fit un second voyage à Stettin, en mars 1812, à la veille de la campagne de Russie. Madame Davout aimait tendrement son mari et celui-ci l’adorait. Dans les nombreuses lettres qu’il lui écrivit pendant ses longues absences, il s’inquiétait de sa santé, de ses soucis, la conseillait. Aussi bon père qu’il était bon époux, il demandait sans cesse des nouvelles de leurs enfants. Ses lettres étaient remplies de tendresse. Il l’appelait gentiment “ ma petite Aimée ” et il signait “ ton Louis ”, comme un mari toujours amoureux de sa femme. Certes, Davout ne fut pas toujours fidèle. On a parlé de ses frasques, pendant l’occupation de la Pologne surtout ; la fiélleuse comtesse Potocka en agrémente ses Mémoires, mais peut-on se fier à cette langue de vipère ? Il ne faut pas exagérer, Davout ne fit ni plus, ni moins que les autres maréchaux et, contrairement à certains, il le fit avec discrétion. Et puis, comment demander de rester chaste à des hommes qui vivent pendant de longs mois, souvent en contact avec la mort, éloignés de leur foyer et soumis, de par la position qu’ils occupent, à des sollicitations pressentes et pas toujours provoquées par le désir, la politique intervenant souvent dans ces affaires dites de coeur.

Homme simple, modeste et bon

Si Davout fut le plus talentueux des maréchaux d’empire, il fut aussi le plus impopulaire en raison de son exécrable caractère. Il s’était fait beaucoup d’ennemis et peu d’amis. Parmi ceux-ci, on peut citer Soult, Oudinot, Poniatowski et particulièrement Bessières ; il aimait fraternellement Duroc dont la mort l’affecta profondément. Par contre, il haïssait Bernadotte et Murât ; il était exécré de Berthier qu’il humiliait, il est vrai, par son mépris et ses paroles blessantes. Davout savait qu’il n’était pas aimé, et il faut reconnaître qu’il ne faisait rien pour l’être. Il paraissait même prendre un malin plaisir à se faire détester. Tracassier, inquisiteur, méprisant, cinglant, brutal, grossier avec ses subordonnés qui tremblaient devant lui, il ne tolérait aucun manquement, pas la moindre incartade. Ce rigoriste appliquait à sa personne la discipline qu’il exigeait des autres. Intègre au plus haut degré, il n’admettait pas le pillage ; les habitants des pays occupés n’eurent jamais à se plaindre des troupes du prince d’Eckmühl. Redouté de ses officiers qu’il terrorisait, il témoignait à ses soldats une paternelle sollicitude, qui n’excluait pas, cependant, la sévérité. Il veillait à ce qu’ils soient bien habillés, bien chaussés et bien nourris. On ne peut mieux juger Davout qu’en citant ce passage des Mémoires du général de Ségur : “ Ceux qui l’ont connu le mieux disent qu’il y avait quelque chose d’antique dans sa propre inflexibilité, sévère à lui même comme aux autres ; et surtout dans cette simplicité stoïque, au dessus de toute vanité avec laquelle on le voyait marcher toujours droit et tout entier à l’accomplissement de son devoir ”. Dans sa vie privée, nous avons vu que le maréchal était rempli d’attention pour sa femme et ses enfants. Il en était de même avec ses parents, ses frères, ses amis. Il traitait avec bonté ceux de ses officiers qu’il estimait et agissait pareillement avec ses serviteurs.

Parvenu aux plus grands honneurs, il témoigna toujours sa reconnaissance à ses anciens maîtres. Modeste, il ne cherchait pas les honneurs. La municipalité d’Auxerre voulant honorer ce glorieux enfant du pays, prit la décision de placer un buste du maréchal dans la salle d’honneur de la mairie. Quand on vint présenter ce projet à Davout, il remercia le maire et son Conseil, mais les pria fermement de ne pas y donner suite. Contrairement à tant d’autres maréchaux, Davout ne connaissait pas la jalousie ; jamais il n’essaya de mettre à son compte le succés d’un autre, pas plus qu’il n’en prenait ombrage. Jamais, non plus, il ne se plaignit des injustices de Napoléon à son égard ; il obeissait en militaire discipliné qu’il était, il faisait son devoir. Cet homme simple, modeste et bon, se conduisait, sur les champs de bataille, en chef autoritaire, ferme dans son commandement, d’un sang froid à toute épreuve, impassible sous le feu, il paraissait ne pas voir les boulets et les balles qui pleuvaient autour de lui. Quand la situation l’exigeait, il n’hésitait pas à charger à la tête de ses troupes qu’il galvanisait par sa bravoure. Ce portrait de Davout au combat peut s’appliquer à presque tous les maréchaux, mais il s’élevait au dessus d’eux par son génie. Il réunissait toutes les qualités qui font un grand capitaine : la sureté du coup d’oeil qui décèle immédiatement la faute de l’ennemi et le parti à en tirer ; l’étude approfondie du terrain ; l’habileté à tromper l’adversaire ; l’esprit de décision qui permet de changer le dispositif du combat en fonction des événements. Il avait, au début de sa carrière, étudié la théorie militaire, il sut en appliquer génialement les principes. Davout a été, avec Lannes, le seul maréchal d’Empire, à n’avoir jamais connu la défaite.

On a reproché à Davout son attitude lors de la deuxième abdication de Napoléon. On l’a accusé de l’avoir abandonné, lui le fidèle, l’inconditionnel ! Le plus grand grief qu’on lui fait, ce sont les termes qu’il employa pour donner ses instructions au général Flahaut qu’il avait désigné, le sachant fidèle à Napoléon, pour se rendre à l’Elysée auprès de l’Empereur et l’engager à partir. “ Dites lui qu’il parte, que sa présence nous gêne… que le salut du pays exige son départ. Qu’il parte sur le champ, sans quoi nous serions obligés de le faire arrêter. Je l’arrèterai moi-même ”. Ces mots dans la bouche du probe Davout, le dernier fidèle, déconcertent ; ils laissent un malaise. Est-ce bien ainsi que c’est exprimé le prince d’Eckmühl ? Le récit de cette entrevue se trouve dans les memoires de Fleury de Chaboulon qui le  tenait directement de Flahaut. Personne n’a assisté à l’entretien. Flahaut a pu dire ce qu’il voulait. Or, Flahaut haïssait Davout qui un jour l’avait remis à sa place avec le style cinglant qu’on lui connait. De plus, étant le fils de Talleyrand, il avait de qui tirer ! On peut penser qu’il arrange l’entretien à sa manière pour donner un vilain rôle à Davout. Quant à Fleury de Chaboulon, peut-on aussi s’y fier ? Napoléon a lu ses Mémoires à sainte-Hélène ; il les annota, y relevant des inexactitudes, des mensonges, de pures inventions, stigmatisant la mauvaise foi de l’auteur. Davout a réfuté les paroles qui lui ont été attribuées, reconnaissant qu’il avait bien dit de faire partir Napoléon, mais rejetant les mots ignobles qui suivent, indignes d’un homme d’honneur. La vérité parait bien être du côté de Davout qui avait écrit dans ses ordres au général Becker, chargé de mission auprès de l’Empereur par le gouvernement provisoire : “ … l’honneur de la France commande de veiller à la conservation de sa personne et au respect qui lui est dû ”. Il n’en reste pas moins que l’attitude du prince d’Eckmühl envers Napoléon a été sévèrement jugée par l’histoire et elle continue d’étonner. Comment cet homme, extrèmement discipliné, portant très haut le sens du devoir, qui a toujours marché droit et montré, en toutes circonstances, un dévouement total à l’Empereur, comment a-t-il pu faire ce spectaculaire volte-face ? On ne peut l’accuser de royalisme, pas davantage de servilité ou de chercher à se mettre en valeur, cela ne cadre pas avec le caractère de Davout. Est-ce de la haine, non plus ; il n’aimait pas Napoléon, mais il l’admirait et le respectait. Il faut chercher l’explication de sa conduite dans sa personnalité même. Davout, nous l’avons dit, avait au plus haut degré le sens de la discipline. Il l’exigeait de ses inférieurs comme de lui-même. Napoléon, pour lui, représentait la France. Ardent patriote, il considérait qu’en servant l’empereur, il servait la nation. Tant que Napoléon fut sur le trône, il lui obeit aveuglement ; Après l’abdication, quand il comprit, ou qu’on lui fit comprendre, que seul le Roi pouvait maintenant gouverner et que la présence de Napoléon était un obstacle à la paix et nuisait à l’indépendance du pays, il jugea qu’il devait changer sa conduite et, en militaire discipliné, servir le nouveau gouvernement, il le servit de mauvais gré puisqu’il donna, peu après, sa démission de ministre de la Guerre.
La France d’abord ! Cette devise suffit pour définir Davout, duc d’Auerstaedt, prince d’Eckmühl, militaire génial, homme de devoir et de probité.

Chronologie

NE : le 10/05/1770 à Annoux (Yonne).

MORT : le 01/06/1823, à Paris, à 53 ans. Décédé d’une maladie de poitrine. Inhumé au Père-Lachaise à Paris, 28° division.

FAMILLE : Originaire de Bourgogne.

PARENTS : Jean-François d’Avout, lieutenant au régiment de La Rochefoucauld (1739-1779). Marié avec Marie-Adélaïde Minard de Velars (1741-1810), issue d’une vielle famille d’Avallon.

FRERES et SOEURS : Julie (Née le 16/09/1771), Alexandre (Née le 15/09/1773), Charles (Né le 30/09/1776).

EPOUSES : 1) Adélaïde de Seguenot (1768-1795). Fille de Charles-Elie, et de Marie-Magdeleine Cassons.
2) Aimée Leclerc, née à Pontoise, le 19/06/1782, morte à Paris, le 17/12/1868, à 86 ans. Fille de Jean-Paul Leclerc, commerçant en grains de bonne bourgeoisie et de Marie-Jeanne Louise Musquinet. Soeur du général Leclerc, premier mari de Pauline Bonaparte.

MARIAGE : Avec Adélaïde Seguenot, le 08/11/1791 à Ravières, près d’Avallon (Yonne). Divorce prononcé le 04/01/1794. Avec Aimée Leclerc, le 09/11/1801 à Paris.

ENFANTS : Du mariage avec Aimée Leclerc : Paul (1802-1803), Joséphine (1804-1805), Joséphine (1805-1821), Adèle (1807-1885), Napoléon (1809-1810), Louis (1811-1853), Jules (1812-1813), Louise (1815-1892).

DESCENDANCE : La ligne directe s’est éteinte avec Louis, deuxième prince d’Eckmühl et duc d’Auerstaedt, décédé le 13 :08 :1853, sans alliance. Le titre de duc d’Auerstaedt fut rétabli par Napoléon III en faveur de Léopold, neveu du maréchal, dont la descendance subsiste toujours.

TITRES et FONCTIONS HONORIFIQUES.
– Maréchal d’Empire, 13° dans l’ordre de promotion, le 19/05/1804, à 34 ans.

– Chef de la 6° cohorte de la Légion D’Honneur.
– Gouvemeur général du grand duché de Varsovie, le 15/07/1807, à 37 ans.
– Duc d’Auerstaedt, le 28/03/1808, à 38 ans.
– Prince d’Eckmühl, le 15/08/1809, à 39 ans.
– Gouverneur général des villes hanséatiques, le 01/12/1810, à 40 ans.
– Pair de France, le 02/06/1815, à 45 ans.
ETATS DE SERVICE.
– Sous-lieutenant au régiment du Royal-Champagne-Cavalerie, le 02/02/1798, à 18 ans.
– Lieutenant-colonel du 3° bataillon des volontaires de l’Yonne, le 22/09/1791.
– Adjudant-général chef de bataillon à l’armée des côtes de La Rochelle, le 08/07/1793.
– Général de brigade, le 25/07/1793.
– Général de division à l’armée du nord, le 30/07/1793. Il refuse ces deux grades en raison du
décret qui exclue les nobles de l’armée et se retire.
– Général de brigade, après avoir repris du service, le 21/09/1794, à 24 ans.
– Général de division, le 03/07/1800, à 30 ans.
– Commandant des grenadiers à pieds de la garde des Consuls, le 28/09/1801.
– Colonel-général des grenadiers de la garde Impériale, le 19/05/1804, à 34 ans.
– Commandant en chef de l’armée du Rhin, le 12/10/1808.
– Commandant en chef de l’armée d’Allemagne, le 01/01/1810.
– Commandant en chef de l’armée de la Loire, le 05/07/1815, à 45 ans.

DECORATIONS.
– Grand Aigle de la Légion d’Honneur, le 02/02/1805.
– Grand Croix de l’Ordre du Christ (Portugal), le 28/02/1806.
– Grand Croix de l’Ordre de Saint-Henry (Saxe), le 16/04/1808.
– Grand Croix de l’Ordre Militaire (Pologne), le 17/04/1809.
– Grand Croix de l’Ordre de Saint-Etienne (Hongrie), le 04/04/1810.
– Chevalier de l’Ordre de Saint-Louis, le 10/02/1819.

BLESSURES.
– Blessé par un boulet de canon à la Moskowa.

CAMPAGNES.

– Campagne de Belgique (1793).
– Campagne d’Orient (1799).
– Campagne d’Allemagne (1805-1809).
– Campagne de Russie (1812).
– Campagne d’Allemagne (1813).
Le nom du maréchal Davout est inscrit au côté Est de l’Arc de Triomphe de l’Etoile

Sabre Briquet