Aigle impérial

Jean-de-Dieu Soult, né le 29 mars 1769 à Saint-Amans-la-Bastide, à proximité de Mazamet dans le Tarn, et mort le 26 novembre 1851 à Saint-Amans-la-Bastide, militaire et homme politique français, duc de Dalmatie, Maréchal d’Empire. Il fut, avec Davout, Lannes, Masséna et Brune, un des rares maréchaux de Napoléon à être capable de mener efficacement une armée loin de l’Empereur.

 

Descendant par son père, Jean Soult (1726-1779), d’une lignée de notaires royaux, et de la famille de Grenier par sa mère, Jean-de-Dieu Soult est promis à une carrière de juriste. Cependant, le 16 avril 1785, à seize ans, il s’engage comme simple soldat dans le régiment Royal-Infanterie, pour aider financièrement sa mère après le décès de son père. Son frère cadet, Pierre-Benoît, suit son exemple trois ans plus tard. Jean Soult est nommé sergent après six ans de service.

La période du Consulat (1800-1804)

Lorsqu’en 1800 le Premier consul charge Masséna de réorganiser l’armée d’Italie, celui-ci insiste pour que Soult lui soit adjoint. Il lui confie le commandement de l’aile droite.


Il se distingue par son activité dans la défense du pays de Gênes. Le 6 avril, dans une première sortie, à la tête de plusieurs bataillons, il traverse l’armée autrichienne et délivre le général Gardanne, rejette l’ennemi au-delà de la Piotta, s’empare de Sassello et rentre dans Gênes avec de nombreux prisonniers, des canons et des drapeaux. Lors d’une nouvelle sortie, le général enfonce de nouveau l’armée autrichienne, enlève une division à Monte-Facio. Mais, lors d’un combat à Montecreto, un coup de feu lui fracasse la jambe et il est fait prisonnier. Il retrouve la liberté après la victoire de Marengo du 14 juin 1800. Nommé commandant militaire du Piémont, alors en pleine rébellion, il parvient à mater l’insurrection dite des Barbets. Il réussit même à discipliner ces hordes turbulentes et les utilise pour le service. Il reçoit ensuite le commandement de la partie sud du royaume de Naples.

 

Peu avant le traité d’Amiens, le général Soult rentre à Paris où le Premier consul l’accueille avec la plus haute distinction. Le 5 mars 1802, il est un des quatre généraux appelés au commandement de la Garde consulaire. Il fait dès lors allégeance au nouveau régime. En août 1803, il se voit confier, le commandement en chef du camp de Saint-Omer. Il y impose une discipline rigoureuse, qui n’est pas étrangère à l’efficacité des troupes françaises lors des futures campagnes, et y gagne son surnom de « Bras de fer ». Le 19 mai 1804, il est un des premiers promus à la dignité de maréchal d’Empire que Napoléon vient de créer. En hommage à l’empereur, il fait élever à Wimille un monument: la Colonne de la Grande Armée. En récompense de ses services passés, il est fait grand cordon et chef de la 4e cohorte de la Légion d’honneur en février 1805. Il reçoit en outre le titre de colonel-général des chasseurs à pied de la Garde impériale et de commandant en chef du camp de Boulogne.

 

Les campagnes de 1805 à 1807

Au mois de septembre 1805, le maréchal reçoit le commandement du 4e corps de l’armée d’Allemagne. Il force le passage du Rhin à Spire en octobre 1805, du Danube à Donauworth, s’empare d’Augsbourg, se porte sur Biberach et Memmingen, et se rapproche de Napoléon aux portes d’Ulm. À Austerlitz, il mène l’attaque décisive sur le centre allié en s’emparant du plateau de Pratzen.

 

Dans la campagne de Prusse en 1806, Soult commande encore l’aile droite de l’armée. Durant la campagne de Pologne, il résiste au général russe von Bennigsen pendant que l’Empereur affronte les Russes à la bataille d’Eylau (7-8 février 1807). Par son attaque énergique sur le centre de l’armée ennemie, il contribue grandement à la victoire. Il rejoint ensuite à Greussen le maréchal Kalkreuth qu’il écrase, poursuit le roi de Prusse, bloque Magdebourg et force cinq escadrons des armées de Saxe à mettre bas les armes à Ruthnau. Il se rend ensuite maître de Lübeck et force Blücher à capituler à Schwartau, remporte de nouveaux succès à Wolfersdorf, à Heilsberg et entre dans Königsberg. Lorsque la paix de Tilsit (juillet 1807) est conclue, il rentre en France. En juin 1808, il est fait duc de Dalmatie.

 

La guerre dans la péninsule Ibérique (1808-1813)

 

Alors que la guerre vient de se rallumer en Espagne, l’Empereur confie à Soult le commandement du 2e corps de l’armée française, au centre-gauche de son dispositif. À peine arrivé dans le pays, le maréchal remporte, le 10 novembre 1808, une victoire à la bataille de Gamonal, prend Burgos, Santander, culbute l’armée espagnole près de Reynosa, atteint enfin l’armée anglaise devant La Corogne, pour lui livrer une sanglante bataille au cours de laquelle son général en chef Moore est tué. Il force les débris de l’armée anglaise à embarquer en abandonnant 6 000 prisonniers, s’empare de La Corogne et du Ferrol avec le matériel considérable renfermé dans ces deux places.

 

Entré au Portugal sur ordre de l’Empereur le 4 mars 1809, le duc de Dalmatie passe le Minho, prend Chaves et remporte le 29 mars la bataille de Porto. Au terme de cette bataille sanglante, il prend le commandement de la ville. L’état de son armée, l’absence de toute liaison avec les autres généraux ainsi que les velléités de soulèvement des habitants de Porto le poussent à désobéir aux ordres de l’Empereur, qui étaient de marcher sur Lisbonne. Isolé, Soult administre la cité portugaise avec une indépendance de conduite qui fera plus tard l’objet d’une campagne de calomnie visant à dénoncer sa volonté supposée d’obtenir la couronne du Portugal, accusation sans fondement réel.

 

Les Portugais et Wellington finissent par le déloger de Porto. En moins de six jours, il reconduit en Galice les faibles débris de son armée. Il parvient à battre l’armée anglo-espagnole qu’il trouve sur son passage à Arzobispo, mais il est contraint à une pénible retraite par les montagnes, retraite cependant regardée par certains tacticiens comme une bonne opération voire comme un modèle du genre[réf. nécessaire]. Après la bataille de Talavera (27-28 juillet 1809), un décret de l’Empereur nomme le maréchal Soult major-général des armées françaises en Espagne, avec des pouvoirs étendus. Les 18 et 19 novembre, il obtient une grande victoire à la bataille d’Ocaña. Avec 30 000 soldats, il vainc 60 000 Espagnols et s’empare de 50 canons, 30 drapeaux et 20 000 prisonniers. Après s’être emparé de Séville à la fin de janvier 1810, il passe dans l’Estrémadure et envahit l’Andalousie qu’il occupe entièrement, à l’exception de Cadix.

 

Durant l’occupation de Séville de janvier 1810 à août 1812, l’armée française met en œuvre une spoliation systématique des biens ecclésiastiques : le patrimoine artistique des églises et des monastères est particulièrement visé. Des tableaux de Herrera le Vieux, de Zurbarán, de Roelas, de Pacheco et surtout de Murillo, peintre auquel Soult s’intéresse tout particulièrement, sont enlevés de leurs lieux d’origine et transportés à l’Alcazar de Séville. L’église de l’hôpital de la Charité, le couvent Saint-François ou la cathédrale sont privés entièrement de leurs œuvres précieuses.

 

Une fois les œuvres à l’Alcazar, Eusebio Herrera, fonctionnaire collaborant avec les troupes françaises, les redirige vers d’autres lieux. Au total, 999 tableaux auraient été saisis par les troupes françaises : une sélection est envoyée au musée royal de Madrid, 150 d’entre eux  les plus beaux  partent directement au Louvre. Soult et d’autres officiers ou fonctionnaires français se servent aussi au passage. Parmi les œuvres de Murillo présentes dans Séville, seules celles qui étaient conservées au couvent des capucins échappent aux Français, les moines les ayant préventivement déplacées à Cadix jusqu’à la fin de la guerre.

 

En 1811, il marche au nord en Estrémadure. Il prend Olivenza le 22 janvier, gagne la bataille de Gebora le 11 février suivant et occupe Badajoz. Quand l’armée britanno-portugaise assiège la ville, il se porte à son secours, livrant la meurtrière et indécise bataille d’Albuera le 16 mai avec des forces inférieures en nombre. Néanmoins, en 1812, après une défaite décisive subie par le maréchal Marmont à la bataille de Salamanque (12 juillet), il est obligé d’évacuer l’Andalousie. À la demande de Joseph Bonaparte avec lequel, comme tous les autres maréchaux, il est toujours en désaccord, il quitte l’Espagne.

 

Les campagnes de 1813 et 1814

 

En mars 1813, Napoléon Ier l’appelle pour lui donner le commandement du 4e corps de la Grande Armée, qu’il mène à la bataille de Bautzen du 20 au 21 mai.

Presque immédiatement il reçoit l’ordre de se rendre à Bayonne pour y réorganiser l’armée du Midi, défaite à la bataille de Vitoria (13 juin 1813) et complètement démoralisée. Bien que souvent battu par les vétérans de Wellington, et alors qu’il ne dispose que de conscrits sans expérience, il recule en bon ordre de l’autre côté des Pyrénées, parvenant à ralentir la progression des troupes anglo-hispano-portugaises, entrées sur le territoire français, par les combats qu’il livre à Orthez, Aire-sur-l’Adour, Vic-en-Bigorre et Tarbes. Ses laudateurs voit en ce mouvement de repli exemplaire, pendant lequel il dispute le terrain pied à pied face à des forces qui lui sont quatre fois supérieures, une illustration de son génie tactique. Enfin, le 10 avril 1814, il livre la bataille de Toulouse. Il ne réussit pas à convaincre le maréchal Suchet de réunir ses forces aux siennes, et ne peut battre lord Wellington.

 

La première Restauration et les Cent-Jours (1814-1815)

 

Dès qu’il apprend l’abdication de Napoléon, il se rallie avec enthousiasme aux Bourbons. Le gouvernement de la Première Restauration le nomme gouverneur de la 13e division militaire le 21 juin 1814, puis ministre de la Guerre, du 3 décembre 1814 au 11 mars 1815, poste qu’il occupe donc lorsque Napoléon débarque de l’île d’Elbe. Responsable de l’armée, il adresse aux troupes une proclamation où il qualifie l’Empereur d’usurpateur et d’aventurier, ce qui n’empêche pas ce dernier de l’appeler aux Tuileries le 25 mars. Il fait à nouveau allégeance, et est nommé pair de France. Napoléon lui confie, le 9 mai 1815, les fonctions de major-général de l’armée pour succéder au maréchal Berthier. Bien que discuté, ce choix est assez logique : manoeuvrier de talent, avec alors trente ans de métier, Soult maîtrise les questions d’état-major, dont le major-général est responsable, le prouvant notamment en Espagne ou au Portugal où il a coordonné l’action de plusieurs armées.

 

Son rôle lors la bataille de Waterloo fait débat. Ses détracteurs voient en lui un des responsables de la non-venue du corps d’armée du maréchal de Grouchy, à qui il n’envoie qu’une seule estafette pour porter l’ordre de revenir vers Mont-Saint-Jean, contrairement à ce qu’eût fait en pareil cas, aux dires de Napoléon, Berthier. Pour autant, au matin de la bataille, alors que Soult supplie Napoléon de rappeler au plus vite les troupes de Grouchy, l’Empereur refuse sèchement la proposition et veut que l’on ne se concentre que sur l’armée de Wellington qu’il considère comme un mauvais général (« Ce sera l’affaire d’un déjeuner », ajoute-t-il). Il commet l’erreur de ne pas écouter son major-général qui le met en garde sur la qualité de l’infanterie britannique, une infanterie que Napoléon n’a jamais affrontée.

Lorsque l’Empereur, à la vue du désastre, veut se précipiter au milieu des baïonnettes, Soult, resté à ses côtés jusqu’au dernier moment, parvient à saisir la bride de son cheval et à l’entraîner sur la route de Charleroi, lui permettant ainsi d’échapper de peu aux avant-gardes prussiennes.

 

La Seconde Restauration (1815-1830)

 

À la Seconde Restauration, il est compris dans l’ordonnance d’exil du 24 juillet. Figurant en tête du deuxième article, il se retire sur sa propriété de Saint-Amans, puis trouve refuge auprès du général Louis Bertrand Pierre Brun de Villeret en Lozère alors qu’est votée le  la loi dite « d’amnistie » qui le contraint à l’exil. Il est rayé de la liste des maréchaux le  de la même année. Il reste exilé à Barmen jusqu’en 1819. Louis XVIII le réintègre en 1820 dans la dignité de maréchal. S’affichant fervent royaliste, il est élevé à la pairie en 1827 par le roi Charles X.

En 1825, Soult crée la Société civile d’exploration et d’exploitation des mines et houillères d’Alès (SCEM), qui contribue grandement à l’exploitation des mines de charbon des Cévennes.

 

La monarchie de Juillet

 

Après la révolution de juillet 1830, pendant laquelle Soult rend de nouveaux services, il se rallie à Louis-Philippe, qui le prend comme ministre de la Guerre ().

Louis-Philippe, inquiet de ne pouvoir s’appuyer que sur la Garde nationale pour maintenir l’ordre public, le charge de réorganiser sans tarder l’armée de ligne. Soult rédige un rapport au roi, présenté à la Chambre des députés le , dans lequel il fait la critique de la loi Gouvion-Saint-Cyr de 1818 sur le recrutement : il démontre que le système de volontariat combiné au tirage au sort et à la possibilité de se faire remplacer n’a pas permis d’augmenter suffisamment les effectifs, et montre que les procédures d’avancement contribuent à maintenir le surencadrement. Il propose les grands axes d’une politique militaire visant à accroître les effectifs de l’armée, à résorber le surencadrement et à assurer l’approvisionnement en armes et en munitions.

Il meurt en 1848 dans son château de Soult-Berg, près de Saint-Amans-la-Bastide où il est né, quelques jours avant le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. En son hommage, la commune fut renommée Saint-Amans-Soult dès décembre 1851.

Sabre Briquet