Emblème Impériale

Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont

« J’ai été trahi par Marmont que je pouvais dire mon fils, mon enfant, mon ouvrage »

Napoléon à Sainte-Hélène

Marmont était l’un des plus séduisants personnages de l’Empire. De haute taille, de belle prestance, il avait de beaux cheveux châtain foncé, se terminant en de longues pattes qui encadraient un visage d’un pur ovale. De grands sourcils, bien fournis, se rejoignaient sur un nez, agréablement courbé, surmontant une bouche aux lèvres bien dessinées. Les yeux noirs et vifs donnaient une belle impression à son mâle visage. Si l’on ajoute à cette flatteuse description, que ses manières étaient raffinées, qu’il avait une brillante conversation, on comprendra aisément qu’il plaisait aux femmes. Il leur plaisait d’autant plus, qu’il était très galant et très attiré par le beau sexe. Aussi eut – il de nombreuses aventures.

 

Auguste Viesse de Marmont naquit, le 20 juillet 1774 à Châtillon-sur -Seine (Côte d’Or). Ses ancêtres, les Viesse, originaires des Pays Bas, étaient implantés en Bourgogne depuis trois siècles ; Pierre Viesse y est mort en 1628. Cette famille de bonne bourgeoisie, produisit plusieurs hommes de loi. Le trisaïeul du futur maréchal, Nicolas, était prévôt des bailliages du Nord de la Bourgogne, et servit dans l’armée du Grand Condé. Le grand père, Edmond (1700 – 1782), fut anobli, et occupa la charge de secrétaire du roi à la chancellerie, au parlement de Besançon. C’est lui qui ajouta à Viesse le nom de Marmont, en acquérant la seigneurie de Marmont. Le père, Nicolas – Edme Viesse de Marmont (1729 – 1806), seigneur de Sainte Colombe et du Moulin Rouge, était un ancien écuyer. Il servit, sous le maréchal de Saxe, comme capitaine au régiment de Hainaut – infanterie ; la Croix de Saint Louis lui fut décernée en récompense de ses services. Il quitta ensuite l’armée, et se retira à Châtillon sur Seine, dans ses terres de sainte Colombe, où il mènera désormais la vie d’un gentilhomme campagnard. En 1769, il épousa Clotilde Hélène Victoire Chappron (1740 – 1815), dont le père Jean Baptiste, était écuyer et auditeur à la Cour des Aides de Paris. Le couple eut deux enfants : Auguste et Alexandrine (30/07/1771 – 1779). Auguste avait un oncle, prêtre, et une tante. Il était leur unique neveu, ils le considéraient comme un fils.

 

L’enfant fut choyé, sa jeunesse fut heureuse. Il aimait profondément son père. Dans ses Mémoires, il lui rendra ce bel hommage :  » Jamais père n’a donné à son fils des soins plus éclairés et plus assidus « . En effet, Nicolas Marmont éleva son fils avec amour, mais rigoureusement. Il voulut en faire un homme fort, propre à affronter les rudes épreuves de la vie. En dehors de son instruction, qu’il régla minutieusement, il lui donna une formation physique qui lui permettra, plus tard, de supporter vaillamment les rigueurs de la vie de camp et des champs de bataille. Conformément à la tradition familiale, Nicolas de Marmont aurait voulu faire de son fils un homme de loi. Mais le jeune Auguste ne se sentait pas de disposition pour la magistrature, il était attiré par la carrière des armes. Après de premières et bonnes études, au collège de Châtillon, son père, ne voulant pas contrarier ses désirs, l’envoya à Dijon pour préparer le concours d’admission à l’Ecole d’Artillerie.

 

 

Rencontre avec Napoléon – Campagne d’Italie & d’Egypte

C’est dans cette ville, que tout à fait par hasard, il fera la connaissance de Napoléon Bonaparte, alors lieutenant d’artillerie à Auxonne. Placé, sous lieutenant, au bataillon de garnison de Chartres, Marmont entre, le 1 er mars 1792, à l’Ecole d’Artillerie de Châlons, d’où il sortira lieutenant en 2°. Agé maintenant de dix sept ans, il est versé au 1 er régiment d’artillerie à pied de Metz. En février 1793, il est nommé lieutenant à l’armée des Alpes. Le 5 novembre, il reçoit l’ordre de se rendre à Toulon. C’est au siège de cette ville qu’il retrouvera Bonaparte. Une grande amitié se nouera entre les deux jeunes officiers, elle durera jusqu’à la trahison d’Essones, en 1814. Après le siège, il feront ensemble le voyage de retour à Paris, au cour duquel, Marmont invitera Bonaparte à passer quatre jours chez ses parents à Châtillon. Il y sera  » magnifiquement traité « , suivant l’expression de Napoléon à Sainte – Hélène.

Marmont est rempli d’admiration pour Bonaparte, qui a pris sur lui d’en faire son aide de camp. Il ne le quittera pas, quand rentrés à Paris, Bonaparte sera destitué, après le 9 thermidor. Ils forment, tous deux avec Junot et Bourriene, un quatuor d’amis partageant leurs maigres ressources et les joies de leur jeune âge, logeant au même hôtel : l’Hôtel de la Liberté. Marmont doit quitter Paris, il est expédié à l’armée du Rhin, sous le commandement de Desaix. Il n’y restera pas longtemps, Bonaparte, maintenant général en chef de l’armée de l’intérieur, le fait appeler pour lui servir d’aide de camp. Il l’emmènera avec lui à la campagne d’Italie. Le 8 février 1796, Marmont est nommé chef de bataillon d’artillerie. Il se distingue à la bataille de Lodi où il a un cheval tué sous lui. Nommé premier aide de camp de Bonaparte, il accomplit de belles actions à Crémone, à Castiglione, à Mantoue. Le général le récompense, pour sa belle conduite, en lui confiant la foncton honorifique de porter au Directoire, vingt deux drapeaux pris à l’ennemi. Dignement traité par les Directeurs, qui lui remettent une riche paire de pistolets, il reçoit le lendemain le brevet de chef de brigade, ce qui correspond au grade de colonel, que Bonaparte avait demandé pour lui, tout en le conservant comme aide de camp. De retour en Italie, Marmont continue à se battre vaillamment -. Il retourne en France, avec Bonaparte, après le traité de Campo – Formio.

 

En mai 1798, Marmont suit et accompagne Bonaparte à la campagne d’Egypte. Il participe brillamment.à la prise de Malte où il assiège La Valette, s’empare du drapeau de l’ordre de Malte, et rejette la tentative de sortie des assiégés. Ce même jour, Bonaparte le nomme général de brigade à 24 ans.Arrivé en Egypte, il sert à la prise d’Alexandrie où, à la tête de la 4 ème demi brigade, il force l’entrée de la ville. Il se distinguera aussi à la bataille des Pyramides. Quand Bonaparte doit s’éloigner pour conduire l’expédition de Syrie, il le nomme gouverneur d’Alexandrie. Il se montrera, à cette nouvelle fonction, un administrateur compétent.

 

Le 22 août 1799, il fait partie des privilégiés qui accompagnent Bonaparte à son retour en France. Au coup d’Etat du 18 brumaire, Marmont, qui commande l’artillerie, secondera efficacement Bonaparte. Le Premier Consul lui témoignera sa gratitude en le nommant au Conseil d’Etat (section de la Guerre), le 25 décembre 1799. Le 15 avril 1800, Marmont reçoit le commandement de l’artillerie de l’armée de réserve. C’est à ce poste qu’il va participer à la deuxième campagne d’Italie. Son premier exploit : il réussit à faire franchir le Col du Grand Saint Bernard à toutes ses pièces d’artillerie, sur des mulets qui les transportent à travers les roches et les éboulis, sans aucune perte. Cette artillerie sera décisive à la bataille de Marengo. Marmont a réussi là un coup de maître que Bonaparte récompensera en le nommant commandant en chef de l’artillerie de l’armée d’Italie, le 6 septembre 1800. Trois jours après, il est général de division. Au retour en France, il est nommé premier inspecteur général de l’artillerie. Il est ensuite envoyé en Hollande pour y commander le camp d’Utrecht, en février 1804.

L’Empire

L’Empire est proclamé. Le 19 mai 1804, Napoléon crée les premiers maréchaux. Marmont est profondément déçu de ne pas avoir reçu le  » bâton « , il considère, à juste raison, qu’il le méritait plus que certains autres promus. Il s’en plaint amèrement à l’Empereur, qui le console en lui laissant entendre que cet honneur lui reviendra plus tard ; il n’a que trente ans, il a encore de belles actions à accomplir. Napoléon le favorisera, le 1er février 1805, en le nommant colonel général des hussards et chasseurs à cheval. Marmont participe à la première campagne d’Autriche, en commandant le 2 ème Corps de la Grande Armée. Il passe le Rhin à Mayence le 25 septembre, et contribue efficacement à la rédition d’Ulm. Le 7 juillet 1806, l’Empereur lui remet le commandement en chef de l’armée de Dalmatie, et le nomme gouverneur général de cette région. Après avoir obligé l’amiral russe, Siniavin, à abandonner le siège de Raguse, Marmont remporte la victoire de Castelnuove, obligeant l’ennemi à réembarquer. Marmont va montrer, dans son gouvernement dé Dalmatie, de réelles qualités administratives. Il crée des lycées, des hôpitaux, renforce les fortifications, construit trois cent kilomètres de route, assèche les marais, reboise les forêts, etc… Napoléon le récompensera de sa bénéfique gestion en le faisant duc de Raguse (actuellement Dubrownik), le 15 avril 1808.

 

Honneur ,mépris et trahison

La guerre ayant repris avec l’Autriche, Marmont prend le commandement du 11 ème Corps. Vainqueur à Gôspich, il s’empare de Fiume, et rejoint l’Empereur à l’île de Lobeau. A Wagram, il est d’abord placé en réserve, puis chargé de poursuivre l’archiduc Charles, qu’il battra à Znabn. Cette victoire aurait pu tourner en défaite, car Marmont a négligé les ordres qui lui prescrivaient de se joindre à Davout pour exécuter cette opération. Le soir après le combat, il se présente devant l’Empereur pensant recevoir les plus chaudes félicitations ; Napoléon le reçoit froidement, il lui dit avec brusquerie :  » Vous avez manœuvré comme une huître ». Marmont se retire décontenancé. Le lendemain, L’Empereur le faisait maréchal d’Empire !

 

En octobre 1809, Napoléon nomme le duc de Raguse gouverneur des provinces illyriennes. Il y applique les sages méthodes de son précédent commandement en Dalmatie. Le nouveau maréchal qui aime le faste, y mènera un train princier dans un grand déploiement de luxe. Cette belle vie durera cinq ans. Le 9 avril 1811, il est rappelé pour commander le 6 ème Corps de l’armée de Portugal, à la place de Ney. Un mois après, il remplace Masséna à la tête de cette armée. Il établit son quartier général à Valladolid. Le duc de Raguse, qui est extrêmement vaniteux, va mener là une vie de satrape. Loin de l’Empereur, il peut donner cours à ses goûts fastueux, à sa ruineuse prodigalité. Ce ne sont que des fêtes, des bals somptueux, qui occupent deux cents domestiques en livrée rouge. Son service personnel est assuré par un géant, ramené de Dalmatie, couvert de chaînes d’or.  » Sa maison équivalait à un régiment de cavalerie « , raconte le général Thiebault dans ses Mémoires. Si la vie au quartier général est brillante, il n’en va pas de même pour les opérations militaires. Après quelques succès à Ciudad – Rodrigo et à Almeida, Marmont doit battre en retraite, et évacuer Salamanque. Désireux d’effacer ses insuccès par une grande victoire, il décide d’attaquer Wellington, sans attendre les renforts qui lui sont nécessaires pour mener à bien cette opération.. Le résultat fut la lourde défaite des Arapilles. Le maréchal ne finira pas le combat, un obus lui fracasse le bras droit, lui laboure les côtes et les reins, faisant deux profondes blessures.

 

Renvoyé en France, il restera indisponible pendant plusieurs mois. Après sa guérison, il devra garder le bras en écharpe. Il restera dans cet état pendant la campagne de 1813 et 1814. Le 12 mars 1813, Napoléon confie à Marmont le 6 ème Corps de la Grande Armée, en Allemagne. Le duc de Raguse va se couvrir de gloire pendant cette campagne. Il se bat avec un courage exemplaire, accomplissant des prodiges, à Lutzen, à Bautzen, à Dresde, à Leipzig où il a le pouce et l’index de la main gauche coupés.

 

En janvier 1814, s’ouvre la glorieuse et malheureuse campagne de France, où Napoléon va retrouver son activité et son génie de la campagne d’Italie. Marmont va s’y dépenser sans compter. S’étant replié sur Metz, où il avait concentré ses troupes, le 12 janvier, il doit d’abord battre en retraite sur Verdun. Puis il se distingue à Brienne, la Rothière et Champaubert. Lancé à la poursuite de Blücher, on le retrouve à Vauchamp. Vainqueur à Montmirail, il participe à la prise de Reims. Il est battu à Père Champenoise et à Ferté-Gaucher. Marmont se retire alors, avec Mortier, sur Paris. Il se bat comme un lion, à Rambouillet et à Belleville. Malgré son courage, il doit capituler le 30 mars. Il replie son Corps derrière l’Essone, entre Paris et Fontainebleau. Cette position du 6 ème Corps, couvrait la petite armée de Napoléon à Fontainebleau et gênait profondément le prince Schwarzenberg, généralissime des alliés.

 

Le 3 avril, celui ci envoie un émissaire à Marmont, Charles de Montesuy, ancien aide de camp du maréchal, pour lui remettre les lettres de Talleyrand et d’autres personnages ralliés aux Bourbons. Talleyrand, chef du gouvernement provisoire lui écrivait :  » La cause de la France est dans vos mains « . Shwarzenberg, de son côté, lui disait :  » Je vous engage, au nom de votre patrie et de l’humanité, à écouter les propositions qui doivent mettre un terme à l’effusion du sang précieux des braves que vous commandez « . Il n’en fallut pas plus pour tourner cette tête vaniteuse ! Le lendemain, le duc de Raguse répondait à Shwarzenberg : « L’armée et le peuple se trouvent déliés du serment de fidélité envers l’Empereur Napoléon… Je suis prêt à quitter avec mes troupes, l’armée de l’Empereur aux conditions suivantes dont je vous demande la garantie par écrit « . La première condition était que le 6 ème Corps put se retirer en Normandie, avec armes et bagages ; la seconde :  » que si Napoléon tombait entre les mains des alliés, la vie et la liberté lui seraient garanties dans un espace de terrain, et dans un pays circonscrit au choix des puissances alliés et du gouvernement français « .

 

Ce même jour, Macdonald, Ney et Caulaincourt, qui portent à Paris l’acte d’abdication de Napoléon, s’arrêtent au quartier général de Marmont, celui – ci se voit contraint de les mettre au courant de sa décision. Les trois plénipotentiaires furent altérés. Marmont, gêné, leur déclara que rien n’était encore fait, puisqu’il attendait la réponse aux conditions qu’il avait posées. Ils l’engagèrent alors à écrire à Shwarzenberg une lettre de rétraction. Marmont, troublé, ne savait que faire.  » Si vous êtes embarrassé pour lui écrire, lui dit Ney, venez avec nous pour le lui dire « . Marmont accepta. Avant de partir pour Paris, il réunit ses divisionnaires, pour les informer que ses engagements avec Schwarzenberg étaient rompus et, qu’après son départ, ils devaient annoncer aux troupes l’abdication de l’Empereur. Or, cette abdication devait être tenu secrète jusquà son acceptation par les alliés ; Pourquoi Marmont commit il cette indiscrétion, si grave de conséquences ? Il remit le commandement du 6 ème Corps au général Souham, en lui recommandant de ne prendre aucune décision pendant son absence.

 

Arrivé au quartier général de Schwarzenberg, Marmont se rendit seul auprès du généralissime ; quand il sortit de l’entretien, il annonça à ses collègues que tout était arrangé. Les quatre plénipotentiaires partent aussitôt pour Paris où ils sont reçus par le Tsar. Celui – ci les accueille aimablement et parait accepter favorablement les conditions de l’abdication, après quoi il les convoque pour le lendemain à midi. Les trois maréchaux et le général Caulaincourt décidèrent de se retrouver, à onze heures, chez Ney, avant d’être reçus par le Tsar. Marmont arriva le dernier quand, un moment après, on vient lui annoncer que son aide de camp, le général Fabvier, avait une communication à lui faire. Marmont quitta la pièce. Quand il revint, il était livide, d’une voix à peine audible, il leur apprit que le général Souham avait fait passer les onze mille hommes du 6 ème Corps à l’ennemi.  » Je suis déshonoré  » dit Marmont. Quelle belle phrase dans la bouche d’un fourbe .

 

Il prit son sabre et nous ne le revîmes plus  » rapporte Macdonald dans ses  » Souvenirs « . Les conditions étaient changées, les alliés n’avaient plus rien à craindre de Napoléon et ses envoyés n’avaient plus de moyen pour discuter. Cependant, les soldats du 6 ème Corps, que l’on avait dirigés sur Versailles, comprirent qu’ils avaient été bernés. Fidèles à leur Empereur, ils se révoltèrent. Une colonne, commandée par le général Ordener, avait déjà rebroussé chemin. A l’annonce de cette nouvelle, le duc de Raguse partit à franc étrier rejoindre son Corps pour réprimer ce volte face. Il harangua la troupe qui se laissa convaincre par le prestige que lui conférait sa dignité de maréchal, d’autant plus qu’il était beau parleur. Après cette double trahison, Marmont retourna à Paris pour y recevoir les compliments du vénal Talleyrand et de son gouvernement. La glorieuse carrière du général Marmont est terminée. Elle finit dans le mépris de l’armée et de tous ceux qui restèrent fidèles à l’Empereur. Les français vont inventer le verbe  » raguser  » synonyme de trahir, et le terme de  » ragusade  » celui de trahison.

 

Louis XVIII

Louis XVIII, maintenant roi de France, qui doit en grande partie son trône à Marmont, le fait Pair de France et lui donne le commandement de la 6 ème compagnie des gardes du corps du roi, que l’on appellera  » compagnie de Judas « .Le zèle du duc de Raguse n’a pas de limite, ce qui n’empêche pas qu’il soit méprisé par les royalistes, par les militaires et bien entendu les bonapartistes. Orgueilleux autant que zèlé  il manœuvra pour obtenir le ministère de la Guerre, mais en raison de son impopularité dans l’armée, on jugea bon de ne pas lui confier ce poste délicat. Soult lui fut préfèré, il en fut mortifié car il le détestait. Le 5 mars 1815, parvint à Paris la nouvelle du débarquement de Napoléon en Provence. Le 17, le roi, convaincu que rien ne pouvait arrêter la marche des Aigles Impériaux, décida de quitter la capitale. Dans l’entourage de Louis XVIII certains approuvaient cette solution, d’autres la rejetaient, Marmont était de ces derniers. Mais comment s’opposer A l’arrivée de Napoléon ? Plusieurs plans furent échafaudés. Celui de Marmont se distinguait par son ridicule. Le maréchal proposait de transformer les Tuileries en forteresse, et il se chargeait d’en soutenir le siège.

 

Le roi contrairement a Marmont, avait du bon sens, il refusa ce projet burlesque et maintint la décision de partir. Le 19, à la nuit, Louis XVIII, qu’accompagnait le duc de Raguse, quittait le palais et fuyait vers Lille. Puis il passa la frontière et vint s’établir a Gand. Marmont resta près du roi, qui lui donna le commandement de sa maison militaire. Pendant ce temps, à Paris, Napoléon, qui avait repris les affaires en main, rayait le duc de Raguse de la liste des maréchaux, et l’inscrivait sur celle des proscrits. Apres la deuxième abdication, Marmont rentra à Paris, à la suite du roi qui en fit le 3 aout 1815 l’un des quatre majors généraux de la Garde Royale. Quatre mois plus tard, s’ouvrait le procès de Ney. Pour la deuxième fois, le duc de Raguse allait se déshonorer en votant la mort de son frère d’armes. Il jugea bon d’expliquer son geste, en déclarant qu’aucun coupable ne pouvait être puni avec plus de justice. Toutefois, il tempera son vote en faisant appel a l’indulgence du roi.. Certes, Marmont n’a jamais aimé Ney, mais n’était – ce pas la une occasion de se montrer chevaleresque ? Par contre il eut une belle attitude au procès de La Valette, il intervint auprès de Louis XVIII pour demander sa grâce, et il accompagna Madame la Valette quand elle tentera une derrière démarche auprès du roi.

 

Au cours de cette deuxième Restauration, il fallait bien le remercier de sa fidélité, Marmont accumula les honneurs : Ministre d’Etat ; Gouverneur Militaire de Paris ; Ambassadeur Extraordinaire au Sacre de Nicolas 1er, nouveau Tsar de Russie ; membre du Conseil Supérieur de la Guerre. Toutes ces fonctions ne l’empêchaient pas de se rendre fréquemment en Bourgogne, dans son domaine de Sainte-Colombe où il s’adonnait à de grands travaux agricoles ; Il se livra aussi à d’extravagantes entreprises industrielles qui le conduisirent à la ruine. Néanmoins ses hautes fonctions, particulièrement lucratives, lui permirent de rétablir rapidement sa fortune. Cette période faste ne durera pas. 

Révolution de 1830 et l’exil

La révolution de juillet 1830 va faire perdre à Marmont, la faveur dont il a bénéficié jusqu’à ce jour. Chargé de réprimer l’émeute, on lui confia le commandement des troupes royales .Le duc de Raguse avait conscience de son impopularité, il savait que l’armée ne lui pardonnait pas sa défection de 1814. D’autre part, dans son fort intérieur, il n’approuvait pas les ordonnances, promulguées par Charles X, qui provoquèrent cette révolution. Pour toutes ces raisons, Marmont se montra incapable de mener à bien la tâche qui lui était confiée. Devant l’ampleur du mouvement, il dut faire reculer ses troupes. Après avoir transformé le Louvre en une véritable forteresse, il doit se retirer pour se replier sur les Tuileries qu’envahirent aussitôt les émeutiers. Conscient de son échec, Marmont s’enfuit à Saint Cloud où se sont réfugiés Charles X et ses fidèles. L’entourage du roi lui reproche véhémentement sa conduite. Le duc d’Angoulême, hors de lui, crie à Charles X :  » Mon père, il nous à trahi comme il a trahi l’autre !  » Il injurie Marmont, il veut lui arracher son épée ; il faudra l’intervention du roi pour les séparer. C’est sur cette lamentable scène que s’achève le destin militaire de Marmont.

 

Malgré l’hostilité qui l’entoure, le maréchal accompagnera Charles X dans son exil en Angleterre. Il n’y restera que quelques mois. Vers la fin de l’année, il décide de se rendre en Hollande ; ce sera la première étape d’un long exil à travers l’Europe. Il ne retournera jamais plus en France. Après son court séjour au Pays Bas, il gagne l’Autriche et se fixe à Vienne où il restera quatre ans Là, il aura le privilège d’être présenté au duc de Reichstadt. Le fils de Napoléon l’accueillit avec joie, heureux de voir pour la première fois, un maréchal d’Empire, un ancien compagnon de son père. Le duc fermera les yeux sur la  » ragusade  » d’Essone. Il l’interrogera avidement sur la vie de Napoléon, il veut tout savoir sur son père et sur l’Empire. L’Aiglon recevra dix sept fois Marmont pour l’entendre lui raconter ses souvenirs de l’Epopée. En avril 1834, le duc de Raguse quitte l’Autriche. Il se rend en Russie, puis en Turquie et en Egypte. Un an après, en mars 1835, il débarque en Italie ; il résidera à Rome, à Naples, en Sicile. Il terminera son périple à Venise, où il se fixera, en 1841. Le maréchal y vivra dans l’oubli, se consacrant à la rédaction de ses Mémoires et des récits de ses nombreux voyages. Le 3 mars 1852, à neuf heures du matin, au palais Loredan, Marmont succombait à une attaque d’apoplexie, après avoir reçu l’extrême – onction. Il conserva sa lucidité jusqu’à son dernier moment ; il était âgé de soixante dix huit ans. Son corps, embaumé, fut transporté, avec l’assentiment du prince président Louis Napoléon, à Châtillon sur Seine. Le 3 mai 1852, toute la population était rassemblée pour accueillir le plus glorieux des enfants de Châtillon. Les obsèques furent célébrées le 6 mai. L’armée rendit les honneurs réglementaires dûs à un maréchal de France. On l’inhuma dans le vieux cimetière de Châtillon. Marmont était le dernier survivant des maréchaux d’Empire.

 

Hortense Perregaux

Bonaparte, alors général en chef, aurait désiré marier Marmont à sa sœur Pauline : c’est peu crédible, bien que Marmont l’affirme dans ses Mémoires. Par contre, on sait qu’il demanda la main de mademoiselle de Chasteney, une amie d’enfance ; les parents de la jeune fille refusèrent, estimant qu’il était de trop petite noblesse. Marmont fut profondément mortifié, ce refus le blessait dans son orgueil. Bonaparte, qui désirait marier la nièce de Joséphine, Emilie de Beauharnais, la proposa à Marmont.  » Elle était belle et douce comme un ange. Mille agréments, joint à sa parenté, donnait du prix à une semblable alliance « . C’est la reine Hortense qui s’exprime ainsi dans ses Mémoires. Marmont encore sous le coup de sa récente humiliation, crut bon de jouer les offensés en refusant cette proposition, arguant que le père d’Emilie était un émigré.

 

Vers la fin de l’année 1796, Marmont fut invité à un bal, où il fit la connaissance d’une adorable jeune fille : Hortense Perregaux. Marmont, nous l’avons dit, était séduisant, il portait avec élégance son uniforme de colonel d’artillerie. Hortense avait dix sept ans, elle tomba follement amoureuse du bel officier. De son côté, Marmont ne resta pas insensible aux attraits de cette brunette aux grands yeux bleus. Elle avait tout pour plaire : plutôt petite, potelée, mais bien faite ; un visage expressif et rieur ; vive, gaie, elle avait beaucoup de charme ; quelques petits travers cependant, : elle était capricieuse et très indépendante. A toutes ces qualités s’ajoutait une agréable et spirituelle conversation. Son instruction était solide, elle l’avait acquise chez madame Campan, où elle fut pensionnaire, en même temps qu’Hortense de Beauharnais et Eglée Anguier, la future maréchale Ney, qui restèrent toujours ses amies. Nos deux amoureux décidèrent de se marier. Le père d’Hortense, Jean François Perregaux, connu et estimé de Bonaparte, refusa de donner son consentement. Cet homme qui devint plus tard, régent de la banque de France et sénateur, occupait une haute place dans les milieux financiers, il ne voyait pas d’un bon œil le mariage de sa fille avec un simple colonel, peu connu, à l’avenir incertain. Ce n’est pas un militaire qu’il voulait pour gendre, il désirait un garçon qu’il aurait pu former aux affaires, et qui l’aurait secondé dans ses opérations financières.

 

Hortense, qui aimait passionnément Marmont, ne s’inclina pas devant le veto paternel. L’amour stimule l’énergie, elle tint bon et affirma, avec force, qu’on ne la marierait jamais à un autre. Au bout d’un an Perregaux du céder devant l’obstination de sa fille. Le mariage fut célébré à Paris, le 12 avril 1798. En bonne fille de financier, Hortense apportait une dot de un million de francs or, et un hôtel, rue de Paradis à Paris ; au décès de son père, elle héritera du château de Viry Châtillon. Marmont reçut de Bonaparte, en cadeau de noce, la somme rondelette de cinq cent mille francs. Hortense était arrivée à ses fins, elle était maintenant satisfaite, nos deux tourtereaux filaient le parfait amour. Hélas ! Cet amour fut un feu de paille. Ils ne surent pas amalgamer leurs sentiments, faire les concessions mutuelles qui permettent de bâtir une union solide. Hortense, enfant gâtée, capricieuse, têtue, volontaire, ne pouvait se plier aux contraintes de la vie à deux. Elle adorait les plaisirs, les fêtes, le luxe. Coquette, elle aimait plaire, elle acceptait volontiers qu’on lui fasse la cour. Les galants ne manquaient pas, elle eut quelques aventures pendant les longues absences de son mari. Marmont se montra jaloux, bien qu’il eut lui aussi de nombreuses passades. La mésentente se déclara et s’accrut. Puis, ils se réconcilièrent.

 

Elle accompagna Marmont en Illyrie, quand il en fut nommé le gouverneur. Là elle pu mener cette vie de faste qui convenait si bien à ses goûts, comme à ceux de son mari. Au bout d’un an, Hortense tomba malade ; et rentra à Paris pour se soigner. Elle reprit ses grandes réceptions. Son salon était fréquenté par les artistes, les hommes de lettres, les savants, les médecins célèbres et, bien entendu, les grands personnages de l’Etat et de l’armée. Hortense se rendait fréquemment à la Cour, où son élégance et ses toilettes étaient très remarquées, sa conversation particulièrement prisée. La duchesse de Raguse n’hésita pas à quitter cette vie de plaisir pour se rendre en Espagne, quand elle apprit que son mari avait été grièvement blessé à la bataille des Arapiles.

 

Tête folle, mais femme de devoir, la maréchale resta fidèle à Napoléon. Elle ne pardonnera jamais à Marmont sa trahison d’Essonne. Ne voulant pas que cette forfaiture atteigne son honneur, elle demanda et obtint la séparation. Cependant lors des événements de juillet 1830, elle interviendra en faveur de son mari, au moment de sa disgrâce. Plus tard, elle ira le voir à Venise, pendant son exil, elle passa quelques temps auprès de lui, puis elle retourna en France. Ils ne se revirent plus. Sa fidélité à Napoléon, qu’elle ne cachait pas, la fit surveiller pendant la Restauration. Elle mènera désormais une vie calme, recevant dans son salon, toujours très fréquenté, qu’elle animait par sa culture et son esprit. Hortense Marmont eut une triste fin, rongé par un cancer qui la défigura, on du lui mettre un nez en argent. Elle décéda à Paris, le 25 août 1855, dans sa soixante seizième année. Elle fut inhumée au cimetière du Père Lachaise.

 

Marmont fut le seul maréchal d’Empire qui mourut en exil, un exil qui dura vingt deux ans On peut dire que sa carrière a été gâchée par la faiblesse de son caractère, et par sa vanité surtout. Napoléon lui reprocha souvent ce défaut, il disait ironiquement, en parlant de lui :  » Marmont 1 er « . Le général de Ségur le décrit :  » Un général habile, mais trop fier, et dont l’orgueil se ployait difficilement aux précautions de la défensive. Ses talents militaires n’étaient pas à l’échelle de sa vanité. Bon exécutant quand Napoléon était derrière, livré à lui même, il accumulait les fautes « . Le général Thiebault le juge sévèrement :  » Il n’était pas un homme dangereux, encore moins un homme de bataille « . Si Marmont n’était pas un grand capitaine, il fut, par contre, un excellent administrateur. Son gouvernement en Dalmatie, comme dans les provinces illyriennes, témoignent de ses capacités. La trahison d’Essonne, marquera le duc de Raguse pour le restant de ses jours. Méprisé par l’Empereur, par les maréchaux, par les soldats, par Charles X, par Louis Philippe, il devra fuir sa patrie, pour mourir, en exil, dans la solitude et dans l’indifférence.

 

Napoléon qui avait été son ami, son protecteur, pendant leur jeunesse, parlera de lui avec amertume à Saint Hélène :  » J’ai été trahi par Marmont, que je pouvais dire mon fils, mon enfant, mon ouvrage ; lui auquel je confiais mes destinées, en l’envoyant à Paris au moment même où il consommait sa trahison et ma perte « . L’Empereur reviendra encore sur cette affaire dans son testament, à l’article un du 6 -ème paragraphe : « Les deux issues si malheureuse des invasions de la France, lorsqu’elle avait encore tant de ressources, sont dues aux trahisons de Marmont, Augereau et Talleyrand et de La Fayette. Je leur pardonne, puisse la prospérité française leur pardonner comme moi. « .

Chronologie

NÉ : le 20 juillet 1774 à Châtillon sur Seine (Côte d’Or)

 

MORT :le 3 mars 1852, à neuf heures du matin, au palais Loredan à Venise (Italie), à 78 ans. CAUSE DU DÉCES : Attaque d’apoplexie

SÉPULTURE : Vieux cimetière de Châtillon sur Seine.

 

ORIGINE DE LA FAMILLE : les Viesse sont originaires des Pays Bas, mais on les trouve en Bourgogne depuis trois siècles.

 

PARENTS : Nicolas Edme Viesse de Marmont, seigneur de Sainte Colombe et du Moulin Rouge ; écuyer, ancien capitaine (1729 – 1806). Marié, en 1769, à Clotilde Hélène Victoire Chappron ; née à Paris, le 30 janvier 1740, décédée le 25 février 1815. Fille de jean Baptiste, écuyer et auditeur à la cour des Aides.

 

SOEUR : Alexandrine Charlotte Marguerite, née le 30 juillet 1771, décédée à l’âge de huit ans.

 

EPOUSE : Aime Marie Hortense Perregaux, née à Paris le 18 octobre 1779. Morte à Paris le 25 août 1855 à 76 ans. Fille de Jean Frédéric Perregaux, régent de la banque de France, sénateur ; marié à Adélaïde du Prael de Sun-Me.

 

MARIAGE : Célébré à Paris, le 12 avril 1798. ENFANTS : Sans postérité DESCENDANCE : Sans 

TITRES ET FONCTIONS HONORIFIQUES :

 

– Conseiller d’Etat (section de la guerre), le 25 décembre 1799 à 25 ans

 

-Gouverneur général de la Dalmatie, le 7 juillet 1806 à 32 ans

 

– Duc de Raguse, le 15 avril 1808 à 34 ans

 

-Maréchal d’Empire, vingt deuxième dans l’ordre de promotion, le 12 juillet 1809 à 35 ans 

 

– Gouverneur des provinces illyriennes, octobre 1809 à 35 ans. – Pair de France, le 4 juin 1814 à 40 ans – Ministre d’Etat, le 30 novembre 1817 à 43 ans – Ambassadeur extraordinaire au Sacre du Tsar de Russie, Nicolas 1 er, en avril 1826 à 52 ans.

ETATS DE SERVICE :

 

– Sous lieutenant, le 6 juillet 1790 à 16 ans

 

– Lieutenant, le 1 er septembre 1792 à 18 ans

 

– Capitaine, le 12 novembre 1793 à 19 ans

 

– Chef de bataillon, le 8 février 1796 à 22 ans

 

– Général de brigade, le 10 juin 1798 à 24 ans – Général de division, le 9 septembre 1800 à 26 ans

 

– Premier inspecteur général de l’artillerie, le 16 septembre 1802 à 28 ans

 

– Commandant en chef de l’artillerie des six camps de la grande Armée, le 14 juin 1803 à 29 ans

 

– Commandant en chef du camp de Zeist ou d’Utrecht, le 5 février 1804 à 30 ans

 

– Colonel général des hussards et chasseurs à cheval, le 1 er février 1805 à 31 ans – Général en chef de l’armée de Dalmatie, le 7 juillet 1806 à 32 ans

 

– Commandant en chef de l’armée de Portugal, le 7 mai 1811 à 37 ans

 

– Capitaine de la 6 éme compagnie des gardes du corps de Louis XVIII, le 4 juin 1814 à 40 ans

 

– Commandant de la Maison Militaire du Roi, le 20 mars 1815 à 41 ans.

 

– Nommé l’un des quatre majors généraux de la Garde Royale, le 3 août 1815 à 41 ans

 

– Membre du Conseil Supérieur de la Guerre, le 5 janvier 1828 à 54 ans

 

DÉCORATIONS :

 

– Grand Aigle de la Légion d’Honneur, le 2 février 1805

 

– Grand Croix de l’Ordre de Saint Louis en 1820

 

– Chevalier de l’Ordre du Saint Esprit en 1820

 

– Chevalier de l’Ordre de l’Aigle d’Or (Wurtemberg) en 1806

 

– Commandeurs de l’Ordre de la Couronne de Fer (Autriche) en 1817

 

BLESSURES :

– Blessé grièvement au bras droit, deux blessures, par un éclat d’obus, à la bataille des Arapiles (Espagne), le 21 juillet 1812

 

– Blessé à Leipzig, deux doigts coupés, le 16 octobre 1813

 

CAMPAGNES :

 

– Campagne d’Italie (1796 – 1797)

 

– Campagne d’Egypte (1798)

 

– 2 ème Campagne d’Italie (1800)

 

– Campagne d’Allemagne et d’Autriche (1805 – 1806 et 1809)

 

– Campagne d’Espagne et du Portugal (1811 – 1812)

 

– Campagne d’Allemagne (1813)

 

– Campagne de France (1814) Le nom du maréchal Marmont est inscrit au côté Sud de l’Arc de Triomphe de l’Etoile.

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