Aigle impérial

Napoléon monta immédiatèment alors dans la voiture qui devait le conduire à Fréjus. A Fréjus, où il avait touché terre au retour de l’Egypte, pour accomplir ses glorieuses destinées !C’était à Fréjus qu’il devait s’embarquer pour l’île d’Elbe.

« Monsieur le général Delesme,j’ai sacrifié mes droits aux intérêts de la patrie, et je me suis réservé la souveraineté et la propriété de l’île d’Elbe, ce qui a été consenti par toutes les puissances. Veuillez faire connaître le nouvel état des choses aux habitants, et le choix que j’ai fait de leur île pour mon séjour, en considération de la douceur de leurs moeurs et de leur climat. Dites-leur qu’ils seront l’objet constant de mes plus vifs intérêts.

Par ce courrier adressé au commandant français de la place,Napoléon prend possession de »l’ile du repos »qu’il ne tardera pas à trouver »bien petite ».

Napoléon débarque sur L’île d’Elbe

 Le 3 mai, à six heures du soir,l’empereur débarqua à Porto-Ferrajo.Toute la population de l’île était là ; on conçoit bien cet empressement. « C’était pour l’empereur et pour sa suite, dit un témoin oculaire, un spectacle curieux et touchant que les joies naïves des jeunes Elboises et l’enthousiasme de ces simples pêcheurs qui depuis longtemps se plaisaient à faire raconter à nos soldats tant d’exploits éclatants et de victoires mémorables où le nom de Napoléon était toujours associé ; sa renommée, ses revers imposaient également. Le calme, la gaîté même avec lesquels l’empereur questionnait les moindres citoyens contribuaient à accroître l’enthousiasme. »

 

L’île d’Elbe (12 000 habitants env.) est située à l’ouest de l’Italie, dans la mer Thyrrhénienne et à une quinzaine de kilomètres de la côte Toscane. D’une superficie de 223 km2, elle s’étend sur une longueur de 27 kms pour une largeur de 18 kms dans sa partie orientale,du cap Vita à la pointe Ripalti.

 

Parvenu dans ce »royaume de Sancho Pança donné à César Auguste »,selon le mot de l’historien Louis Madelin,il manifeste une activité impressionnante.Il équipe l’île d’un réseau routier,assainie les trois villes insalubres et aménage pas moins de cinq résidences pour y séjourner ou y loger ses proches.Il relance l’activité des mines et des carrières,développe la pêche,l’agriculture et le commerce.Son royaume,en trois cents jours,fait un bon d’un siècle.Malgré tout,la situation de Napoléon se révèle de jour en jour plus précaire.Le gouvernement de louis XVIII,qui s’était engagé à lui verser une rente,ne le paie pas.L’argent vient à manquer pour payer ses troupes et ses fidèles serviteurs,que la lassitude et l’ennui gagnent dans ce trop petit royaume d’opérette. »Napoléon était coincé entre la banqueroute,la déportation et l’assassinat.Mettez un tigre dans une cage mal fermée,menacez-le,harcelez-le,et,en même temps privé de nourriture,vous verrez bien ce qui arrivera. »

 

D’autre part, son favori Cipriani, envoyé en Autriche fin 1814, lui apprend la trahison et l’infidélité de son épouse Marie-Louise. Il comprend aussitôt qu’il ne reverra plus sa femme et surtout son fils, l’Aiglon, retenu à Vienne, qui bientôt deviendra Franz, prince autrichien. Pour Napoléon, le départ est inéluctable et il va tenter le tout pour le tout.

Le 26 février 1815, à une heure après midi, Napoléon assembla sa vieille garde et lui annonça le départ. » Nous allons revoir la France. Nous allons revoir Paris. « Et tous de crier avec un enthousiasme tel qu’on n’en avait pas vu sur un champ de bataille après la victoire. » Paris ou la mort!.. »A quatre heures du soir, les quatre cents hommes de la vieille garde étaient à bord du brick l’Inconstant. Cinq autres petits bâtiments reçurent deux cents fantassins, cent chevau-légers polonais et un bataillon de flanqueurs.A huit heures, Napoléon, accompagné des généraux Drouet et Bertrand , monta sur l’Inconstant. Un coup de canon donna aussitôt le signal du départ, et la flottille mit à la voile.Le vent, d’abord favorable, devint tout à coup contraire,et rejeta l’embarcation vers les croisières. On parla de rentrer à Porto-Ferrajo ; l’empereur s’y refusa.On aperçut plusieurs bâtiments qui passaient au loin ; un seul brick, le Zéphir, accosta l’Inconstant. Il demanda des nouvelles de l’empereur. «Il se porte très-bien, »répondit Napoléon lui-même.

Tandis qu’on luttait contre les vents, lui, l’empereur,écrivait ces fameuses proclamations, qui devaient ramener toute l’armée dans ses bras, toute la France à ses pieds..,.

 

Le 1er mars, le débarquement, prévu à Saint-Raphaël, se fera à Vallauris. Napoléon, qui a habité le Château Salé à Antibes en 1794, connaît très bien la région. C’est en plein jour, au vu et au su de tous, que l’opération se déroule, devant les douaniers surpris. Un premier bivouac est installé sur le rivage de ce qui est désormais Golfe-Juan. « L’invasion du pays par un seul homme » commence.

 

La magie de verbe opère par la proclamation suivante:

 

« SOLDATS ! Nous n’avons pas été vaincus : deux hommes sortis de nos rangs ont trahi nos lauriers, leur pays, leur prince, leur bienfaiteur ! Ceux que nous avons vus, pendant vingt-cinq ans, parcourir toute l’Europe pour nous susciter des ennemis, qui ont passé leur vie à combattre contre nous dans les rangs des armées étrangères, en maudissant notre belle France, prétendraient-ils commander et enchaîner nos aigles, eux qui n’ont jamais pu en soutenir les regards ! Souffrirons-nous qu’ils héritent du fruit de nos glorieux travaux, qu’ils s’emparent de nos honneurs, de nos biens, qu’ils calomnient notre gloire ? Si leur règne durait, tout serait perdu, même le souvenir de ces immortelles journées ! Avec quel acharnement ils les dénaturent ! Et s’il reste encore des défenseurs de notre gloire, c’est parmi ces mêmes ennemis que nous avons combattus sur le champ de bataille !

 

SOLDATS ! dans mon exil j’ai entendu votre voix ! je suis arrivé à travers tous les obstacles et tous les périls ! votre général appelé au trône par le choix du peuple, et élevé sur le pavois, vous est rendu, venez le rejoindre ! ARRACHEZ, ces couleurs que la nation a proscrites, et qui pendant vingt-cinq ans servirent de ralliement à tous les ennemis de la France ! Arborez cette cocarde tricolore ! vous la portiez dans nos grandes journées. NOUS devons oublier que nous avons été les maîtres des nations ! Mais nous ne devons point souffrir qu’aucune se mêle de nos affaires ! QUI prétendrait être le maître chez nous ? Qui en aurait le pouvoir ? Reprenez ces aigles que vous aviez à Ulm, à Austerlitz, à Iena, à Friedland, à Tuledan, à Eckmühl, à Essling, à Wagram, à Smolensk, à la Moskowa, à Lutzen, à Wurchen et à Montmirail. Pensez-vous que cette poignée de Français si arrogants puisse en soutenir la vue ?Ils retourneront d’où ils viennent, et là, s’ils le veulent, ils régneront comme ils prétendent avoir régné pendant dix-neuf ans.

 

VOS BIENS, vos rangs, votre gloire, les biens, les rangs et la gloire de vos enfants, n’ont pas de plus grands ennemis que ces princes que les étrangers nous ont imposés. Ils sont les ennemis de notre gloire, puisque le récit de tant d’actions héroïques qui ont illustré le peuple français, combattant contre eux pour se soustraire à leur joug, est leur condamnation. LES VÉTÉRANS de sambre-et-Meuse, du Rhin, d’Italie, d’Égypte, de l’Ouest, de la Grande Armée sont humiliés. Leurs honorables cicatrices sont flétries. Leurs succès seraient des crimes : ces braves seraient des rebelles si, comme le prétendent les ennemis du peuple, des souverains légitimes étaient au milieu des armées étrangères. LES HONNEURS, les récompenses, les affections sont pour ceux qui les ont servis contre la patrie et nous.

 

SOLDATS, venez vous ranger sous les drapeaux de votre chef ; son existence ne se compose que de la vôtre ; ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres ; son intérêt, son honneur, sa gloire, ne sont autres que votre intérêt, votre honneur et votre gloire. La victoire marchera aux pas de charge ; l’aigle avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame ; alors vous pourrez montrer avec honneur vos cicatrices ; alors vous pourrez vous vanter de ce que vous aurez fait : vous serez les libérateurs de la patrie. DANS votre vieillesse, entourés et considérés de vos concitoyens qui vous entendront avec le respect raconter vos hauts faits, vous pourrez dire avec orgueil : Et moi aussi je faisais partie de cette Grande Armée qui est entrée deux fois dans les murs de Vienne, dans ceux de Rome, de Berlin, de Madrid, de Moscou ; qui a délivré Paris de la souillure que la trahison et la présence de l’ennemi y ont empreints. HONNEUR à ces braves soldats, la gloire de la patrie ! Et honte éternelle aux Français criminels, dans quelque rang que la fortune les ait fait naître, qui combattirent vingt-cinq ans avec l’étranger pour déchirer le sein de la patrie. »

 

Le 4, on arriva à Digue ; le 5, à Gap.Partout une joie , mais une joie de le voir ou de le revoir.,.. Sa marche, c’était un triomphe.En approchant de Grenoble, tout n’alla pas si bien, non parmi le peuple, — le peuple était content partout,joyeux partout, enthousiaste partout, — mais le général
Marchand avait envoyé un bataillon pour barrer la route à Bonaparte. L’avant-garde rencontra ce détachement et essaya de l’entraîner dans ses rangs; mais un officier d’ordonnance était là qui contenait les soldats.Alors l’empereur arrive. Il met pied à terre et vient se placer en face de ce bataillon. La garde le suivait, l’arme baissée, pour indiquer qu’on ne voulait rien emporter par la force.
« Eh quoi! mes amis, s’écrie le grand homme, vous ne me reconnaissez pas? Je suis votre empereur.-.. S’il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son général, son empereur, il le peut : me voilà !. En prononçant ces mots, il découvrit sa poitrine.L’officier d’ordonnance voulut commander le feu ; mais sa voix fut aussitôt étouffée par les cris de a « Vive l’empereur »  mille fois répétés et par les soldats et par les
paysans qui garnissaient les- hauteurs et bordaient le chemin.Napoléon continua sa route vers Grenoble au milieu des flots toujours croissants d’une populace ivre de joie.En traversant une vallée, on vit sortir du milieu de cette foule immense un soldat de haute taille , portant dans ses bras un vieillard presque centenaire. C’était un grenadier de l’île  d’Elbe, dont la disparition soudaine avait fait suspecter la fidélité. Il ne s’était séparé un moment de ses frères d’armes que pour aller chercher son père, qu’il voulait présenter à l’empereur.

 

Avant d’arriver à Grenoble, tout un régiment, le 7e de ligne, son colonel en tête, accourut audevant de Bonaparte. Une affluence considérable d’individus de tout rang, de tout sexe, de tout âge, le suivaient aux cris de « Vive l’empereur! »


Ce brave colonel, le brillant Labédoyère, se jeta dans les bras de Napoléon. Napoléon le pressa avec effusion sur
son cœur, en s’écriant : « Colonel, vous me replacez sur le trône ! »


A la première nouvelle du retour de Bonaparte , Labédoyère était sorti de Grenoble avec son régiment. A quelques centaines de pas de la ville, il avait fait faire halte et crever une caisse d’où l’on avait sorti une aigle. « Voilà le signe glorieux qui nous guidait dans nos immortelles jour-
nées, s’était-il écrié en la montrant aux soldats. Celui qui nous conduisit si souvent à la victoire s’avance vers nous pour venger notre humiliation et nos revers ; il est temps de voler sous son drapeau, qui ne cessa jamais d’être le nôtre. Que ceux qui m’aiment, me suivent « Vive l’empereur! » Les soldats répondirent par ce cri : « Vive l’empereur! » et tous suivirent Labédoyère.


L’empereur arriva à la nuit sous les murs de Grenoble.Les portes en étaient fermées ; mais une foule de citoyens et de soldats descendirent par les remparts pour grossir le cortège du héros.


Soudain un bruit d’armes se fit entendre dans la place;on crut que les canonniers allaient faire feu, et la foule s’empressa de chercher un abri contre la mitraille derrière les maisons les plus prochaines. Napoléon, inaccessible à la peur, resta ferme sur le pont en face des batteries.
« L’empereur prodigue sa vie, et nous, nous chercherions à ménager la nôtre! » s’écria un ciloyen. La foule revint enthousiaste en criant :  » Vive l’empereur ! « Les portes restaient fermées.- Labédoyère parla. « Soldats , dit-il aux canonniers des remparts, nous vous ramenons le héros que vous avez suivi dans tant de batailles.

 

C’est à vous de le recevoir et de répéter avec nous l’ancien cri de ralliement des vainqueurs de l’Europe :  » Vivel’empereur! »Les canonniers,que la discipline seule avait retenus à leur poste, répondirent par le cri glorieux , et la porte de Bonne, brisée au même instant par les ouvriers de la
ville , tomba devant Napoléon.

Napoléon entra.

« Il n’est pas de bataille où l’empereur ait couru plus de dangers qu’en entrant à Grenoble, dit un témoin oculaire: les soldats se ruèrent sur lui avec tous les gestes de la fureur et de la rage ; on frémit un instant, on eût pu croire qu’il allait être mis en pièces. Ce n’était que le délire de
l’amour et de la joie. Il fut enlevé, lui et son cheval. »


A Lyon, même enthousiasme.


Dans toute la Bourgogne, même enthousiasme.A Auxerre, Napoléon retrouva le brave des braves, Ney,qui se jeta dans ses bras.

Enfin, Fontainebleau, qui avait vu Napoléon humilié,revit, le 20 mars, Napoléon triomphant.

 

Dans l’étonnante carrière de Napoléon, peut-être n’y a t-il rien de plus prodigieux que cette marche qui le mena en vingt jours de Golfe-Juan à Paris.

 

Dans la soirée du 20 mars,jour anniversaire de la naissance du Roi de Rome,Napoléon rentre aux Tuilerie,où flotte le drapeaux tricolore. Louis XVIII  fuyait, il se retira à Gand.Une foule en liesse l’accueille,les courtisants d’hier s’empressent autour de lui,qui connaît leur versatilité mais se montre bien décidé à tout pardonner.Un congrès s’assemblait. en même temps à Vienne.Toute l’Europe jurait vengeance à mort à Napoléon.Le lendemain, il passa toute l’armée en revue.

 

« Soldats ! nous dit le grand homme, je suis venu avec six cents hommes en France, parce que je comptais sur l’amour du peuple et sur le souvenir des vieux soldats. Je n’ai pas été trompé dans mon attente. Soldats! je vous en remercie. La gloire de ce que nous venons de faire est toute au peuple et à vous. La mienne se réduit à vous avoir connus et appréçiés. »

Le bataillon de l’île d’Elbe défila sous le commandement de Cambronne.

L’empereur s’écria, en montrant le bataillon sacré :
« Voilà ceux qui m’ont accompagné dans mon malheur.Ils sont tous mes amis ; ils étaient chers à mon cœur.Toutes les fois que je les voyais, ils me représentaient les différents régiments de l’armée. Dans mes six cents braves,il y a des hommes de tous les régiments ; tous me rappelaient ces grandes journées dont le souvenir m’est si cher ;car tous sont couverts d’honorables cicatrices reçues à ces batailles mémorables. En les aimant, c’est vous tous, soldats de l’armée française, que j’aimais. Ils vous rapportent ces aigles ; qu’elles vous servent de ralliement. En les donnant à la garde, je les donne à toute l’armée.« La trahison et des circonstances malheureuses les avaient couvertes d’un voile funèbre ; mais, grâce au peuple français et à vous, elles reparaissent resplendissantes de toute leur gloire. Jurez qu’elles se trouveront toujours et partout où l’intérêt de la patrie les appellera; que les traîtres et ceux qui voudraient envahir notre territoire n’en puissent jamais soutenir les regards. »

Cependant les alliés s’avançaient sur la France.

La guerre paraissait inévitable.Dés que la nouvelle du débarquement de l’Empereur était parvenue à Vienne dans un congrès divisé où s’opposaient France,Autriche et Angleterre d’un côté,Russie et Prusse de l’autre,la coalition se reforma contre Napoléon.Le 13 mars 1815,les Alliés,dans une déclaration solennelle,plaçaient Napoléon au ban de l’Europe;le 25,ils renouvelaient le pacte de Chaumont(Le pacte de Chaumont lie les coalisés entre eux jusqu’à la victoire finale).En vain,Napoléon tentait-il d’apaiser leur colère en affirmant qu’il reconnaissait le traité de Paris,et en envoyant des émissaires au tsar et a l’empereur d’Autriche;les puissances alliées étaient résolue à l’abattre définitivement.Sans illusion,Napoléon a,par un décret du 22 mars,commandé aux manufactures deux-cent cinquante mille armes;un autre décret,le 28,rappelle les sous-officiers qui ont quitter l’armée.Dès le 30 avril,quatre armées et trois corps d’observation sont formés.

Napoléon

La bataille de Waterloo s’est déroulée le 18 juin 1815. Elle s’est terminée par la victoire décisive de deux armées : celle des alliés composée principalement de Britanniques, d’Allemands (contingents du Hanovre, du Brunswick, du Nassau) et de Néerlandais (Belgo-hollandais), commandée par le duc de Wellington, et celle des Prussiens, commandée par le maréchal Blücher ; toutes deux opposées à l’armée française dite Armée du Nord emmenée par l’empereur Napoléon Ier.

Assaut des troupes Françaises.

La commune de Waterloo se situe à une vingtaine de kilomètres au sud de Bruxelles, en Belgique. Toutefois, les combats n’eurent pas lieu à Waterloo mais un peu plus au sud, sur le territoire des communes actuelles de Lasne et de Braine-l’Alleud. La bataille a souvent été appelée en France « bataille de Mont Saint-Jean », lieu plus précis de l’engagement effectif. En Allemagne, elle est appelée « bataille de la Belle-Alliance ». Cette bataille est la dernière à laquelle prit part directement Napoléon Bonaparte, qui avait repris le contrôle de la France. Malgré son désir de poursuivre la lutte avec de nouvelles forces qui se reconstituaient, il dut, par manque de soutien politique, abdiquer quatre jours après son retour à Paris.

 

Wellington est à Bruxelles avec quatre-vingt-dix mille Anglais,Hanovriens,Hollandais et Belges;Blücher est à Namur avec cent vingt mille Prussiens.D’importantes forces autrichiennes et russes sont en route vers la France.Le plan de Napoléon est de compenser son infériorité numérique en écrasant Wellington et Blücher avant l’arrivée des renforts alliés. Il entre en Belgique avec cent vingt-cinq mille hommes répartis entre la Garde,la cavalerie et les cinq corps d’armée de Drouet d’Erlon,Reille,Vandamme,Gérard et Lobau.Soult tient le rôle dévolu dans les campagnes précédentes à Berthier,tombé ou précipité d’une fenêtre du palais de Bamberg en Bavière,le 1er juin. Grouchy commande l’aile droite,Ney l’aile gauche,Napoléon,au centre,doit renforcer ses lieutenants pour frapper les coups décisifs.Les autres troupes ont dû être dispersées en Vendée(Lamarque),sur le Var(Brune),dans les alpes(Suchet)et le Jura(Lecourbe),à la frontière du Rhin enfin (Rapp).

 

La Sambre était franchie le 15 juin à Charleroi par Napoléon qui s’enfonçait en coin entre Wellington et Blücher.Aux Quatre-Bras,Ney avec l’aile gauche contraignit au prix de durs assauts les Anglais à battre en retraite;à Ligny,Napoléon avec Grouchy rejetait Blücher vers Liège,mais sans remporter une victoire décisive,faute de l’intervention au bon moment du corps de Drouet d’Erlon qui s’épuisa en marches et contre-marches entre les deux champs de bataille.

 

Napoléon se retourna alors contre Wellington.Cependant que Grouchy,avec les corps d’armée de Vandamme et de Gérard,recevait pour mission de poursuivre Blücher,l’Empereur rejoignait Ney et se portait,centre et gauche du dispositif français réunis,à la rencontre de l’armée anglaise.Il trouva Wellington,le 17 au soir,arrêté au sud du village de Waterloo, en avant de la forêt de Soignes,sur le plateau de Mont-Saint-Jean où les Anglais s’étaient formés en carrés et avaient occupé en contre-bas les fermes de Papelotte,Hougoumont et la Haie-Sainte.

 

Les Français s’établirent sur le plateau voisin,celui de la Belle-Alliance.Le front n’avait que quatre kilomètres d’étendue contre dix à Austerlitz.La fatigue des hommes,épuisés par le mauvais temps,la boue et le manque d’approvisionnement,interdisait à Napoléon toute manoeuvre et,ajoutée au sol boueux,elle lui imposa de remettre l’attaque à midi,le 18 juin.C’est ce retard qui perdit Napoléon en permettant aux Prussiens qui avaient échappé à Grouchy de surgir sur le champ de bataille et de provoquer la déroute Française.

 

Les premiers coups de canon éclatèrent vers onze heures trente.La tactique de Napoléon constituait à détruire la gauche anglaise pour empécher toute jonction avec les Prussiens.Mais les attaques de Drouet d’Erlon et de Reille furent durement repoussées.Napoléon se détermina alors a attaquer au centre.Plusieurs fois les charges de Milhaud et de Kellerman faillirent ébranler les carrés anglais,mais l’apparition de Bulow,vers deux heures,sur la droite,obligea Napoléon à porter de ce côté la plus grande partie de sa réserve sous le commandement de Lobau.

Charge de Cavalerie
Arthur Wellesley de Wellington
Arthur Wellesley, 1er duc de Wellington

Il fallait à tout prix enfoncer le centre du dispositif anglais.L’Empereur lança toute sa cavalerie, »une mer d’acier »,avec Ney à sa tête.Mais sérrés à étouffer,sur un front de quinze cents mètres,les cavaliers offraient aux tirs précis Anglais une cible comparable à celle du corps d’armée de Drouet d’Erlon précédemment. »Ils tourbillonnèrent sans succès décisifs au milieu des carrés de l’infanterie anglaise. »Les fantassins qui eussent été nécessaires pour parachever la victoire de la cavalerie firent défaut,ils étaient immobilisés près de Plancenoit,occupés à contenir les Prussiens.Vers dix-neuf heures,sur le même front où venait de charger la cavalerie,Napoléon tentait un ultime assaut avec cinq bataillons de grenadiers et de chasseurs de la Garde. « La Garde,espoir suprême et suprême pensée. »Elle fut à son tour fauchée par le tir des Anglais et contrainte de reculer.

 

Au même moment,surgissait,à l’extrème droite,vers Papelotte,un nouveau corps prussien,celui de Zielten. Le recul de la Garde,combiné à l’apparition soudaine d’un nouvel ennemi là où était attendu Grouchy,provoqua une panique générale dont profitèrent les Anglais pour lancer à leur tour une offensive.La retraite se transforma en une déroute qui ne s’arrêta qu’à la frontière.Seule la Vieille Garde demeura inébranlable,à l’heure de la défaite,Napoléon tenta de se jeter au milieu de ses braves pour mourir avec eux.Ils l’écartèrent sans ménagement,lui faisant un rempart de leurs corps sacrifiés pour que vive l’Empereur.Grouchy,qui avait laisser échapper Blücher,parvint toutefois à ramener ses troupes indemnes derrière la frontière.

 

Lors des journées des 17 et , l’Empereur souffrait d’hémorroïdes qui l’empêchaient de tenir longtemps en selle. Cela a inévitablement gêné ses reconnaissances et ses déplacements lors de la bataille. Certains scientifiques comme Phil Mason prétendent que la santé de Napoléon était si mauvaise (il souffrait d’hémorroïdes, de cystite et d’un ulcère à l’estomac) que ses médecins lui auraient administré le matin de la bataille, dans son quartier général de la ferme du Caillou, une trop forte dose de laudanum pour soulager ses douleurs, ce qui aurait émoussé ses capacités mentales au point d’hésiter à lancer l’attaque, mais aucune source fiable ne confirme ce fait.

 

Les conditions météorologiques défavorables sont celles de l’année sans été, induites par l’éruption du Tambora. L’injection massive de cendres dans l’ionosphère aurait perturbé celle-ci, déclenchant une vague de formations nuageuses et des précipitations sur toute l’Europe.

 

Au matin du 18 juin, il a plu toute la nuit, le terrain est détrempé. Napoléon, pourtant encore en supériorité numérique, a prévu d’attaquer à 9 h du matin, mais il tergiverse. Le début de l’attaque est retardé.

Il est historiquement attesté que Napoléon a attendu pour attaquer que le soleil ait fait sécher la boue provoquée par la pluie tombée abondamment durant la nuit, car cette boue limite la mobilité de sa cavalerie et la capacité des chevaux à tracter les canons . La mise en place de l’artillerie, dans la boue, est difficile. Par la suite, l’efficacité des tirs est réduite (les boulets s’enfoncent dans la terre au lieu de rebondir par ricochets). La progression de l’infanterie et de la cavalerie n’est guère aisée.

 

Selon le récit du sergent britannique Cotton (Voice from Waterloo), un capitaine des carabiniers français (parfois identifié comme Charles du Barail) aurait déserté juste avant l’attaque de la Garde impériale et aurait révélé l’imminence de cette attaque et l’endroit où elle aurait lieu. À la suite de cette information, des partisans de l’Empereur ont prétendu après la bataille que cette trahison aurait permis à Wellington d’adapter ses plans pour empêcher la percée de la Garde. En fait, la préparation de cette attaque était bien visible et depuis la chute de la Haye-Sainte, il était clair que Napoléon devait frapper au centre. L’arrivée du 1er corps prussien sur le flanc gauche de Wellington lui permettait en outre de renforcer son centre.

 

Le 22 juin 1815 à quatre heures de l’après-midi,à l’Èlysés,Napoléon dicte à son frère Lucien son second acte d’abdication:

« En commençant la guerre pour soutenir l’indépendance nationale,je comptais sur la réunion de tous les efforts,de toutes les volontés,et sur le concours de toutes les autorités nationale.J’étais fondé à en espérer le succès.Les circonstances me paraissent changées.Je m’offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France.Puissent-ils être sincères dans leurs déclarations et n’en avoir voulu réellement qu’à ma personne.Unissez-vous tous pour le salut public,et pour rester une nation indépendante. Je proclame mon fils,sous le nom de Napoléon II,Empereur des Français. »

 

 

Blessés Français de Waterloo

Voici, au sujet des blessés français, ce qu’un des chirurgiens les plus distingués d’Angleterre (Charles Bell) écrivait à son ami Walter Scott.

« Je reviens d’assister,à l’installation des blessés  français; ah ! si vous les aviez vus couchés tous nus ou presque nus,—et quoiqu’ils fussent blessses, épuisés et battus, vous diriez encore avec moi que ces hommes étaient bien capables de marcher sans obstacle de l’ouest de l’Europe à l’est de l’Asie. Si vous aviez vu ces yeux sombres et ces teints bronzés, ils auraient excité votre admiration. Ces hommes n’ont été transportés ici qu’après être restés plusieurs jours étendus sur la terré du champ de bataille ; les uns mourant, les autres subissant d’horribles tortures ; plusieurs ne pouvant retenir le cri de leur angoisse, et déjà leur gaieté caractéristique reprend le dessus Je ne puis m’empêcher de vous dire l’impression que produisaient sur mon esprit ces formidables types de la race française. C’est un éloge qu’ils m’arrachent malgré moi ! »

 

 

Dernier acte qui va fixer le destin du sauveur:Sainte-Hélène.Si la restauration avait cru pouvoir placer entre parenthèses les années 1789-1815,Napoléon allait se charger,du haut de son rocher,non seulement de les remettre en mémoire mais de les confisquer à son profit.Sauveur des nantis de la révolution,il se transforme,chez Balzac et bien d’autres,en »Napoléon du peuple ».

Napoléon