Emblème Impériale

“ Il avait vécu comme Bayart, il mourut comme Turenne ”
Napoléon à Sainte-Hélène

Jean Baptiste Bessières, duc d’Istrie 1768-1813

“ Sa figure était agréable, son sourire avait de la finesse, mais surtout une extrème douceur… de belles dents, des yeux qui louchaient un peu, sans que cela fut désagréable.. sa taille était haute, élancée, élégante… ses manières étaient distinguées ”. C’est ainsi que la duchesse d’Abrantès décrit Bessières. Nous compléterons ce portrait flatteur en ajoutant qu’il portait les cheveux soigneusement poudrés, coupés en oreille de chien, avec la queue à la brigadière. Il avait réellement belle allure avec son large front, sa haute taille (1m80), sa prestance, bien que légèrement vouté. Aimable, poli, mais quelque peu compassé. Comme Lannes et Murat, il conserva toujours son accent gascon.

Origine

Issu d’une famille de moyenne bourgeoisie, Bessières naquit à Prayssac (lot), le 06/08/1768. Son grand-père, Jean, était maître-chirurgien. Son père, Mathurin, qui exerçait la même profession, fut élu conseiller général du lot en 1800. Mort en 1816, il put suivre avec une légitime fierté la glorieuse carrière de son fils, il eut le chagrin de le voir mourir au champ d’honneur puisqu’il y survécut trois ans. Sa femme, Antoinette Lemozy, fille d’un notaire, mit au monde neuf enfants : trois garçons et six filles, le futur maréchal étant l’aîné. Entré en 1783 au collége royal Saint-Michel à Cahors, le jeune Jean-Baptiste y fit de solides études qui, plus tard, le classeront parmi les plus instruits des maréchaux. Une autre future gloire de l’Empire étudiait dans ce même collège : Joachim Murat. Les deux jeunes gens y nouèrent des relations d’amitié qui ne cesseront qu’avec la mort de Bessières. A sa sortie du collège, à 19 ans, Jean-Baptiste commença ses études de médecine. Son père désirait l’envoyer apprendre cette discipline à l’université de Montpellier, mais de gros déboires financiers, dus à une suite de catastrophes agricoles, ne lui permirent pas de donner suite à ce projet. Bessières apprendra donc la médecine auprès de son père et d’un oncle médecin. Les événements vont changer le cours de sa vie.

La Révolution

Nous sommes en 1789, c’est le début de la révolution, le jeune Bessières s’inscrit à la garde nationale de Prayssac et ne tarde pas à être élu capitaine des grenadiers. Le 07/04/1792, remarqué par le Directoire du lot, il est désigné pour servir, comme cavalier, dans la Garde Constitutionnelle du Roi : le voici donc à Paris où les événements se précipitent. Le 10/08, les Tuileries sont envahies par les émeutiers. Bessières intervient, au risque de sa vie, pour protéger Louis XVI ; il parvient à sauver de la populace les dames d’honneur de Marie-Antoinette. Après ces actes de courage, se sentant menacé, il ira se cacher chez le duc de la Rochefoucauld. Ne pouvant rester plus longtemps dans cette position incertaine, il décide de gagner la province. On le retrouve à Auch où il s’engage dans l’armée ; c’est ainsi que s’est décidée sa carrière militaire. Le 01/11/1792, Bessières est versé dans les chasseurs à cheval de la légion des Pyrénées, puis dans l’armée des Pyrénées. Le 10/05/1793, il est nommé lieutenant adjoint à l’adjudant général.

 

L’armée d’Italie

Servant sous Augereau qui est déjà général de division, celui-ci le prend avec lui pour aller rejoindre l’armée d’Italie commandée par Bonaparte. Là, Bessières se fait aussitôt remarquer par son intrépidité et son ardeur au combat. Bonaparte apprécie ce magnifique cavalier et lui témoigne sa confiance et sa satisfaction en le nommant commandant de la compagnie des Guides qu’il vient de créer, et dont la mission est d’assurer la protection du général en chef. le 04/09/1796, à la bataille de Roverode, Bessières accompagnée de six chasseurs enlève quatre canons aux autrichiens. Cet exploit lui vaut d’être nommé, par Bonaparte, chef d’escadron, sur le champ de bataille même. Il se distingue encore à Rivoli et à la Favorite. Après quoi, il est désigné pour porter à Paris, après le traité de Talentino, les nombreux drapeaux pris à l’armée autrichienne. Nommé chef de brigade, tout en continuant à exercer le commandement des Guides, il part pour la campagne d’Egypte où il se couvre de gloire à Saint-Jean d’Acre et charge héroïquement à Aboukir. A son retour en France, Bonaparte l’emmène avec lui. Contribuant efficacement aux journées du 18 et 19 brumaire, où il commande en chef la garde du Corps Législatif, il sera remercié de ses services par une épée d’honneur et une lettre élogieuse du ministre de la guerre. Le 02/12/1799, Bessières prend le commandement des grenadiers à cheval de la garde Consulaire. Ensuite, il part pour la deuxième campagne d’Italie. Il se signale à Marengo par des charges impétueuses dont la dernière oblige l’ennemi à battre en retraite dans le plus grand désordre. Nommé général de brigade quelques semaines plus tard, il reçoit, le 20/11/1801, le commandement en chef de la cavalerie de la Garde des Consuls, l’année suivante, il est promu général de division. Parmi les autres généraux, Bessières est l’un de ceux qui approchent le plus le premier Consul, qui vit le plus dans son intimité. Bonaparte le choisira pour l’accompagner lors des négociations entreprises avec le délégué du Pape pour le rétablissement de la religion en France, et pour la préparation du Concordat. Bessières était tout désigné pour participer à ces tractations car il était profondément pieux, ce qui était exceptionnel chez les généraux de la république presque tous plus ou moins anticléricaux. Il n’admettait pas, chez ses subordonnés, les propos contre la religion, et surtout les plaisanteries de mauvais aloi sur ce sujet. Plus tard, pendant la guerre d’Espagne, il protégera les prêtres et interdira avec une sévère autorité le pillage des églises.

 

L’Empire

Le 19/05/1804, Bessières est élevé à la dignité de maréchal d’Empire dans la première promotion ; le dernier de la liste avant les quatre maréchaux honoraires. Cette nomination à été considérée comme un témoignage d’estime de Napoléon, car Bessières n’a jamais commandé en chef devant l’ennemi. L’Empereur a voulu le remercier par là de son dévouement à sa personne. A trente-six ans, il est l’un des plus jeunes maréchaux. Peu après, Napoléon le nomme l’un des quatre Colonels-généraux de la Garde Impériale dont il lui confie la cavalerie (grenadiers à cheval, dragons, chevau-légers, éclaireurs, gendarmerie d’élite, d’ordonnance, etc…). Mais il assumera pratiquement le commandement de toute la garde, les autres Colonels-Généraux étant souvent appelés à d’autres commandements. Bessières consacrera toute sa vie à cette Garde, restant des journées entières sur son cheval au milieu de ses cavaliers qui l’adorent, partageant leurs peines, leur fatigue, leur nourriture ; sobre lui-même, il se contente souvent d’un morceau de pain frotté d’ail. Bien que d’apparence froide, voire fière, il n’en est pas moins aimé de tous ; et lui aussi les aime. Il les conseille, les encourage, écoute leurs doléances, les aide pécunièrement au besoin. La duchesse d’Abrantès écrit dans ses Mémoires : “ Il était comme le père adoptif de chaque soldat, jamais sa porte n’était fermée pour eux ”.

 

De son côté, Larrey cite ce trait de générosité : “ Pendant la campagne d’Egypte, Bessières se priva d’un petit baril d’eau-de-vie pour soulager les blessés ”. Bessières maréchal restera toujours le fougueux cavalier des guerres d’Italie. Pendant la première campagne d’Allemagne, il se distingue, en avant de Brünn, en mettant hors de combat les 6 000 russes de l’arrière-garde de Koutouzov. Il se couvre de gloire à Austerlitz en enlevant une partie de l’artillerie ennemie. Il charge impétueusement à Iéna. A Eylau, avec Murat, il sauve la bataille ; chargeant en tête, il a son cheval tué, il en enfourche un autre, enfonce la cavalerie russe, franchit l’infanterie, ravage l’artillerie. Il contribue à la victoire à la bataille de Friedland et reçoit, en récompense, le domaine de Kruszwika en Pologne avec une gratification de 600 000 francs d’époque. Avec Berthier, Duroc et Caulincourt, il accompagnera Napoléon à Tilsit pour son entrevue avec le Tsar Alexandre sur le Niemen. Nouvelle marque d’estime, Bessières est nommé, en 1807, ambassadeur extraordinaire en Wurtemberg et se voit confier l’honneur insigne d’épouser à Stuttgard, par procuration, au nom de Jérôme, la princesse Catherine de Wurtemberg, et de la conduire en France après la cérémonie. Déjà, en 1802, Bessières avait été choisi comme témoin d’Hortense à son mariage avec Louis ; ce même jour, il servait aussi de témoin à son ami Murat qui profita de cette occasion pour faire bénir, par le cardinal Caprara, son union avec Caroline qui n’avait été célébrée que civilement. Le cérémonieux Bessières était tout désigné pour accomplir ces tâches honorifiques car il était d’une extrème politesse, digne, réservé, distant même, et quelque peu compassé. Il était le seul, avec Berthier, à se plaire à la Cour, les autres maréchaux n’y venait que le moins possible et jamais avec plaisir. Pourtant, Bessières n’était pas courtisan, il avait avec l’Empereur son franc-parler et maintenait son point de vue, même s’il était contraire à celui de Napoléon, sa fonction de colonel-général de la Garde l’appelait fréquemment à accompagner l’Empereur, d’autant plus que les trois autres colonels-généraux, Davout, Soult et Mortier, exerçaient, la plupart du temps, un commandement aux armées où ils se sentaient mieux à l’aise qu’aux Tuileries. C’est pour cette raison que l’on voit si souvent figurer Bessières sur les tableaux représentant des cérémonies à la Cour impériale. On le remarque dans la suite immédiate de l’Empereur ou proche du trône, sa position de colonel-général de la Garde l’obligeant à se tenir constamment auprès de sa Majesté ; ceci aussi bien à la Cour qu’à l’armée où il est responsable de sa sécurité.

A la suite de sa brillante campagne d’Allemagne, Bessières est envoyé en Espagne, en mars 1808, pour seconder Joseph Bonaparte. Il s’y signale par la brillante victoire de Médina Del Rio Seco où il mit en déroute les espagnols, et qui se solda par un millier de morts, 6 000 prisonniers, la prise des fourgons et de l’artillerie de l’armée ennemie. Par cette victoire, Bessières ouvrit la route de Madrid à Joseph avec qui il rentra dans la capitale espagnole. Nommé commandant des provinces du Nord, il quitte ce poste en 1809 pour prendre le commandement de la réserve de cavalerie en Allemagne où il se couvrira de gloire à Essling. Le 28 mai, Napoléon le fait duc d’Istrie. nous retrouvons le nouveau duc à la bataille de Wagram où, s’apprêtant à charger, un boulet tue son cheval en passant entre la selle et le dos du cheval et vient frapper Bessières qui tombe évanoui. On doit l’emporter sur un brancard. Ses soldats pleurent en voyant passer, inanimé, leur chef qu’ils aiment tant. On le croit mort. Napoléon averti se rendra auprès de lui et prononcera ces paroles : “ Oh ! le beau boulet Bessières, il a fait pleurer ma garde ”. Heureusement, la blessure n’est pas grave. Soigné à Vienne, le maréchal rentre à Paris pour s’y reposer pendant quelques jours. Le 11/09/1809, Bessières va prendre le commandement de l’armée du Nord pour y remplacer Bernadotte disgracié. Il y marque son passage en reprenant Flessingue aux anglais. En mars 1810, Napoléon lui confie la mission honorifique d’aller accueillir à Strasbourg la nouvelle Impératrice. Il est nommé, à cet effet, commandant et gouverneur de la place. Ce témoignage d’estime pourrait étonner quand on sait que Bessières avait désaprouvé le divorce, car il était très attaché à Joséphine et à Eugène ; d’ailleurs, il se rendra plusieurs fois à Malmaison, avec la maréchale pour présenter ses devoirs à Joséphine. Le 15/01/1811, Bessières prend le commandement de l’armée du Nord de l’Espagne. La popularité qu’il a acquise pendant son précédant séjour dans la péninsule ibérique se renforcera encore par la sagesse de son administration, ses sentiments humains, sa justice par la protection qu’il apporte au clergé et sa répression sévère du pillage. Larrey, dans ses Mémoires, rend hommage au maréchal grâce à qui on put apporter de grandes améliorations dans les hôpitaux et aussi pour son aide matérielle aux blessés. Quand, en 1813, les espagnols apprendront sa mort, ils feront célébrer un service religieux pour le repos de son âme ; c’est dire à quel point cet homme était estimé et respecté en pays ennemi.

Le 20/09/1811, il est désigné pour commander la cavalerie de la Garde et part pour la campagne de Russie qu’il désaprouve, comme il a aussi désaprouvé celle d’Espagne. Ce grand cavalier se couvrira de gloire à Gorodonia, le 29 octobre, où 8 000 cosaques attaquent le quartier-général de l’Empereur et le cernent. Bessières averti lance sa cavalerie et, chargeant en tête, sabre au clair, au grand galop, met en déroute les cosaques désamparés par cette furieuse charge. Ils laissent mille morts sur le terrain et doivent abandonner les pièces qu’ils avaient enlevées : le quartier-général est dégagé. Ce jour là, le duc d’Istrie a peut-être sauvé la vie de Napoléon. Bessières continuera à se battre courageusement pendant cette terrible guerre de Russie. Il se dévouera sans compter, n’hésitant pas à payer de sa personne pour secourir et protéger ses soldats.

Décès

Rentré en France après la désastreuse retraite, il prend le commandement de la jeune garde qu’il va mener au combat en Saxe. Le 01/05/1813, la veille de la bataille de Lutzen, Bessières se trouve au défilé de Ripach, en avant du village de ce nom qu’occupe l’ennemi. Il va prendre ses dispositions pour l’en chasser, auparavant il déjeune en tête à tête avec Baudus, son aide de camp ; il était triste, ne voulait d’abord pas manger, puis cédant aux instances de Baudus, il voulut bien prendre quelque nourriture en disant : “ Au fait, si un boulet de canon doit m’enlever ce matin, je ne veux pas qu’il me prenne à jeun ”. En sortant de table, Bessières dit encore à Baudus de prendre dans portefeuille les lettres de sa femme qu’il conservait toujours, et les jeta au feu. A-t-il eu un pressentiment, comme Lannes à Essling ? Il monte ensuite à cheval, arrive sur une hauteur, il trouve en face de lui une batterie prussienne qui commence son tir. Un boulet vient décapité un sous-officier, ordonnance du maréchal, Bessières très affecté par cette mort, s’éloigna pour continuer ses observations, puis revenant au même endroit, il donne des ordres pour enterrer son ordonnance. A ce moment une salve de la batterie ennemie fut lâchée sur Bessières et son entourage. Le maréchal tombe à terre perdant son sang en abondance, le poignet gauche sectionné, la poitrine défoncée ; des lambeaux de chair sont projetés de tous côtés. Ney, présent, ordonne qu’on l’emporte. Le colonel de Saint-Charles le prit comme il put et le déposa dans un ravin. Bessières vivait encore, Ney remit une fiole au colonel pour qu’il lui fasse avaler un peu d’eau-de-vie, Bessières ne put avaler et expira. On le transporta dans une maison proche où on l’étendit sur un lit. Sa montre, intacte, s’était arrêtée à 12 heures 55. On la remettra à la maréchale. Ney donna des ordres pour cacher sa mort à ses soldats, mais il fit avertir l’Empereur qui se montra profondément affecté, il resta un moment sans parler, la tête baissée, les yeux fixés au sol puis, se redressant, il dit : “ Il est mort de la mort de Turenne ; son sort est digne d’envie ”. Quelques jours plus tard, il écrivit à la maréchale : “ … le duc d’Istrie est mort de la plus belle des morts, sans souffrir. Il laisse une réputation sans tache… ”. Le corps du maréchal fut embaumé et transporté à Paris pour être inhumé dans la crypte des Invalides. Les circonstances ne permirent pas de célébrer les obséques grandioses qui avaient été prévues. Le roi de Saxe, allié de Napoléon, fit ériger un monument commémoraif sur le lieu même de sa mort. Plus tard, le captif de Sainte-Hélène voulut remercier Bessières en inscrivant son fils dans son testament. Dans le premier codicile, à la vingt-quatrième page, il est mentionné : “ 13° Au duc d’Istrie, fils de Bessières, 50 000. cinquante mille francs ”. Dans le troisième codicile, à la vingt-neuvième page : “ 3° Je lègue au duc d’Istrie trois cent mille francs dont seulement cent mille reverssibles à la veuve si le duc était mort lors de l’exécution du legs, je désire, si cela n’a aucun inconvénient, que le duc épouse la fille de Duroc ”. Ces deux legs représentent en tout 350 000 francs.

Marie-Jeanne Lapeyrière

Bessières avait épousé, le 27/10/1801, Marie-Jeanne Lapeyrière, une petite cousine qui était aussi une amie d’enfance. C’est en retournant dans sa famille, après la campagne d’Egypte, qu’il retrouva Marie-Jeanne. Ce n’était plus une fillette, compagne de ses jeux. mais une jolie jeune fille dans tout l’éclat et la fraîcheur de ses vingt ans. Car elle était jolie Marie-Jeanne, très jolie, écoutons la duchesse d’Abrantès : “ Cette charmante et douce femme qui, avec sa figure de vierge de Raphaël, toute belle et modeste, n’osait lever les yeux qu’en rougissant… Elle était un ange possédant toutes les vertus… Elle était si belle, si purement belle, et puis on la sait si bonne… ” Quelle belle et touchante description ; on est rempli d’admiration et de sympathie, on ressent un sentiment d’amour devant ce portrait. Le père de mademoiselle Lapeyrière était avocat au parlement, conseiller au présidial de Cahors, ancien receveur du clergé et, présentement, receveur général des finances de la Seine. Le mariage, béni par un prêtre insermenté, fut célébré dans la chapelle du château de Canussel, à Ferussac, propriété des Lapeyrière. Le contrat de mariage, établi à Paris, porte les prestigieuses signatures de Bonaparte, Joséphine, Eugène, Hortense et Dure. Quand madame Bessières quitta son Quercy natal pour suivre son mari à la Cour consulaire, elle se sentit dépaysée dans ce milieu frivole, parmi toutes ces femmes coquettes, souvent légères. Ces parisiennes impénitentes moqueuses raillèrent la jeune provinciale si timide, sans assurance, rougissant pour un oui ou pour un non. Mais, comme elle était intelligente, ferme malgré sa timidité, et puis si bonne, si aimable, si belle, elle s’imposa rapidement et se fit aimer et respecter de tous et de toutes. Elle s’attira en outre une grande considération par le ton franc et ferme qu’elle employait dans ses rapports avec Bonaparte. Celui-ci aimait les caractères indépendants mais droits, ce qui était le cas de Marie-Jeanne. Comme Bessières était semblable à sa femme sur ce point, le couple fut pris en sympathie par le ménage consulaire, il fit partie des familiers de Malmaison et, par la suite, fut reçu aux Tuileries. Madame Bessières qui était profondément pieuse et ne s’en cachait pas, mit à profit les rapports directs qu’elle avait avec le premier Consul pour le pousser au rétablissement du culte. Elle oeuvra considérablement dans ce sens et en fit de même pour la signature du Concordat, appuyée en cela par son mari. Bessières adorait sa femme qui le lui rendait bien. Quand ils en avaient la possibilité, ils se rendaient dans leur château de Grignon où ils aimaient se détendre dans les plaisirs de la vie champêtre. Quand Bessières guerroyait sur les champs de bataille européens, ils s’écrivaient de tendres lettres que tous deux conservèrent toujours. Ils eurent un seul enfant, Napoléon, né en 1807 ; il fut pair de France en 1815 et mourut, sans postérité en 1856. On comprend aisément que la maréchale fut écrasée par la douleur quand elle reçut la lettre de l’Empereur lui annonçant la mort de son mari. Une deuxième épreuve l’attendait. En mettant de l’ordre dans ses papiers, elle découvrit que Bessières avait une liaison avec une jeune danseuse de l’opéra, Virginie Oreille qui, sous la restauration, devint la maitresse du duc de Berry dont elle eut deux enfants. Madame Bessières fut attérée par la découverte de cet adultère. Comment son mari si bon, si aimant, avait-il pu commettre cette faute ? La chair est faible, le démon de midi probablement, Virginie était si jeune : dix-huit ans ! En bonne chrétienne qu’elle était, la maréchale pardonna. A sa douleur devaient s’ajouter de graves soucis financiers. Le maréchal, toujours généreux, donnait facilement à ceux qui avaient besoin d’aide, de grosses sommes avaient été dépensées pour l’embellissement du château de Grignon ; ses fonctions lui imposaient de gros frais de représentation à quoi s’ajoutait l’entretien de son hôtel de la rue de Lille à Paris. La maréchale se trouva dans une situation difficile. Tout rentra rapidement dans l’ordre car Napoléon paya les dettes et prit à son compte l’éducation de son fils. D’autre part, après l’Empire, l’Empereur d’Autriche eut un beau geste envers la maréchale, il lui fit une rente de 20000 francs en dédomagement de la perte de ses revenus sur le duché d’Istrie. Madame Bessières, bien qu’encore jeune, elle n’avait que trente-deux ans et était toujours jolie, ne se remaria pas, elle restera fidèle à son premier et unique amour. Jusqu’à la fin, elle conservera, comme une précieuse relique, la montre de son mari qui s’était arrêtée à l’heure de sa mort. La duchesse d’Istrie s’éteignit le 04/06/1840, elle n’avait que 59 ans. Quelle plus belle oraison funèbre peut-on lui faire que de citer à nouveau la duchesse d’Abrantès : “ Ce modèle parfait de toutes les vertus de la femme et de la mère, de la fille et de la sœur ”.

A l’image de sa femme, le maréchal Bessières fut un homme apprécié par sa bonté, sa droiture, sa franchise et sa générosité. Ses contemporains sont unanimes pour reconnaître sa noblesse d’âme. “ Bessières, qui était naturellement le plus aimable et le plus poli des hommes ”. Il fut un des rares maréchaux à être en bons termes avec tous ses collégues, sauf avec Lannes qui le détestait pour des raisons particulières, et qui pourtant lui rendit quelques fois service. La mésentente entre ces deux gascons remonte à la campagne d’Italie. Il existait une rivalité entre Lannes et Murat, Bessières prit le parti de Murat qui était un pays et un ami de jeunesse et, ce faisant, il ne manquait pas les occasions de dénigrer Lannes devant le général Bonaparte. Par la suite, Lannes et Murat prétendirent tous deux à la main de Caroline Bonaparte ; là, Bessières agit sournoisement en manoeuvrant auprès de Joséphine pour faire agréer Murat. Est-ce la grande amitié qui le liait à Murat qui fit commettre à Bessières ces actions indignes de lui ? Aussi, faut-il reconnaître que l’animosité de Lannes n’était pas sans raison. Chez Bessières, la valeur militaire était à l’image de la vertu. Il ne fut pas un grand capitaine comme Davout, ni un guerrier possédant le sens inné de la bataille comme Masséna ou Lannes. Mais, sans avoir le panache de Murat, c’était un intrépide et infatiguable cavalier, admirable de sang froid, impétueux dans ses charges et magnifique entraineur d’hommes. Avec cela, excellent administrateur. Il avait sa garde en main et savait en tirer le maximun. Ce grand soldat laissa une réputation de loyauté, de désintéressement et de probité.
“ En même temps qu’un homme de guerre, un gentilhomme et l’honneur en personne ”. Quel plus bel hommage à la mémoire de Jean-Baptiste Bessières que cet éloge de Napoléon.

Chronologie

TITRES et FONCTIONS HONORIFIQUES.

 

– Maréchal d’Empire, 14° dans l’ordre de promotion, le 19/05/1804, à 36 ans.
– Chef de la 3° cohorte de la Légion d’Honneur.
– Ambassadeur en Wurtemberg en 1808, à 40 ans.

– Duc d’Istrie, le 23/05/1809, à 41 ans.

ETATS DE SERVICE.


– Capitaine de grenadiers dans la garde nationale de Prayssac, en 1789. à 21 ans
– Lieutenant dans la Légion des Pyrénées, le 10/05/1793.
– Capitaine au 22° chasseur à cheval, le 08/05/1794.
– Chef d’escadrons, le 04/09/1796.
– Général de brigade, le 18/07/1800, à 32 ans.
– Commandant en chef la cavalerie de la garde des Consuls, le 20/11/1801.
– Général de division, le 13/09/1802.
– Colonel général de la cavalerie de la Garde Impériale, le 20/07/1804, à 36 ans.
– Commandant en chef de l’armée du Nord, le 11/09/1809, à 41 ans. Général en chef de l’armée du Nord de l’Espagne, le 15/01/1811, à 43 ans.

DECORATIONS.


– Grand Aigle de la Légion d’Honneur, le 02/02/1805.
– Commandeur de l’Ordre de la Courone de Fer.

– Grand Croix de Saint-Henry de Saxe.
– Grand Croix du Christ du Portugal.
– Chevalier de l’Aigle d’or de Wurtemberg.

BLESSURES.


– Blessé à Wagram par un boulet à la cuisse qui tua son cheval, le 06/07/1809. – Mortellement blessé à Rippach, le 01/05/1813.

CAMPAGNES.


– Campagne d’Italie (1796-1797).
– Campagne d’Egypte (1799).
– 2° campagne d’Italie (1800).
– Campagne d’Allemagne (1805-1806-1807).
– Campagne d’Espagne (1808).
– Campagne d’Allemagne et d’Autriche (1809).
– Campagne de Saxe (1813).
Le nom du maréchal Bessières est inscrit au côté Est de l’Arc de Triomphe de l’Etoile.

 

Sabre Briquet