Emblème Impériale

Brune fut à juste titre proclamé le sauveur de la République Batave. Les romains lui eussent décerné les honneurs du Triomphe ”.
Napoléon à Sainte-Hélène.

Guillaume Marie-Anne Brune, né le 13 mai 1763 à Brive-la-Gaillarde et mort le 2 août 1815 à Avignon.

 

Révolution

À Paris, Brune fait la connaissance de Marat, Fréron, Fabre d’Églantine et devint l’ami de Camille Desmoulins et de Danton. Avec eux et grâce à eux, il embrasse avec ardeur la cause de la Révolution, et s’inscrit en 1791 au club des Cordeliers. Pour défendre et populariser ses idées, en 1791, il achète une petite imprimerie et devient rédacteur en chef d’un périodique, Le Journal Général de la Cour et de la Ville concernant tout ce qui est décidé à l’Assemblée nationale, ce qui se passe à l’Hôtel de Ville de Paris, dans les districts, au Châtelet, ainsi que les nouvelles authentiques de la province, les anecdotes et tout ce qui est relatif au château des Tuileries, qui sera plus connu sous son pseudonyme Le Petit Gauthier. Prêt aussi à défendre ses idéaux par les armes, le futur maréchal entre dans la garde nationale de Paris puis au 2e bataillon de volontaires de Seine-et-Oise.

 

En octobre, il est élu adjudant-major. En décembre, après un séjour à l’état-major du général Dumouriez dans l’armée du Nord, il devient, l’année suivante, adjoint aux adjudants-généraux ; adjudant-général et colonel en 1793. Après avoir été nommé commissaire à l’Armée de Belgique, il devient chef d’état-major de Sepher, Brune est chargé de réprimer la révolte fédéraliste. Commandant l’avant-garde contre le général Wimpfen, il triomphe de lui à Pacy-sur-Eure qui lui permet de disperser les Fédéralistes de Normandie. De retour à l’armée du Nord, il fut nommé général de brigade, le 18 août 1793 et participa à la bataille d’Hondschoote. Mais en décembre 1793, dénoncé par Tallien et Ysabeau, il est proscrit par le Comité de Salut Public sous le prétexte d’avoir défendu le roi au cours des journées des 5 et 6 septembre et il ne dut son salut qu’au soutien indéfectible de Danton.

 

De retour en grâce, au cours de l’automne 1795, il est chargé de pacifier le Midi de la France en rétablissant l’ordre dans le Gard, la Drôme et le Vaucluse, troublé par les Compagnons de Jéhu. Sous les ordres du représentant Boursault, il impose au début octobre l’état de siège à Avignon. En 1795, après avoir commandé la place de Bordeaux, il participa à la répression de l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire, aux côtés de Barras et du général Bonaparte. Appelé par le Directoire à l’armée d’Italie, sa conduite à Arcole est héroïque. Puis Brune, à la tête de l’avant-garde de la division Masséna, se distingue lors de la bataille de Rivoli. Puis il s’illustre à Saint-Michel, à Feltre, à Bellune, etc., et fut nommé général de division sur le champ de bataille le 17 avril 1797. Un an plus tard, le nouveau promu se voit confier une intervention en Suisse pour soutenir les Vaudois révoltés contre le canton de Berne. Commandant l’armée d’Helvétie, il prend Fribourg et s’empare du « Trésor de Berne » qui allait financer l’expédition d’Égypte. Le 17 mars 1798, il adresse une lettre au Directoire l’informant de la soumission de la Suisse. Avec soulagement, face au pillage organisé qui l’éclaboussait, Brune reçoit le commandement en chef de l’armée d’Italie en remplacement de Berthier et de Masséna.

 

Au cours de l’été 1799, Brune est envoyé défendre les côtes de la République batave. Le 19 septembre 1799, à la tête des forces françaises en Batavie, Brune repousse une armée russo-britannique débarquée au Helder lors de la bataille de Bergen, puis à Castricum le 6 octobre 1799. Il force Frederick, duc d’York et Albany, général en chef de l’armée alliée, à la capitulation et lui fait signer la convention d’Alkmaar. Mais le 4 décembre 1799, le gouvernement batave, persuadé que le général Brune voulait le renverser, le prive de son commandement. Il est alors nommé commandant en chef de l’armée de l’Ouest avec mission de mettre un terme à l’insurrection vendéenne. Peu après, les chefs Chouans se soumettent. Après le 18 brumaire, le 25 décembre 1799, Guillaume Brune, qui était l’un des principaux collaborateurs du Premier Consul, entre au conseil d’État. À ce titre, il préside la section de la guerre entre 1801 et 1802. Un an après, à la suite de la victoire de Marengo, Napoléon Bonaparte le nomme commandant en chef de l’armée d’Italie, en remplacement de Masséna. En août 1800, il s’empare de Vérone, de Vicence et signe l’armistice de Trévise. Enfin en décembre, le général Brune remporte sur les Autrichiens la victoire de Monzambano.

 

Resté républicain

Mais ses faits d’armes n’enchantaient pas nécessairement Bonaparte qui venait d’être nommé consul à vie. Ce général, resté fervent républicain, le mettait mal à l’aise. En septembre 1802, il éloigna Brune en le nommant ambassadeur à Constantinople. Avant son départ, Brune accepte d’être le parrain du fils du général Dumas, l’écrivain Alexandre Dumas. Le 18 mai 1804, le Sénat de la République française juge utile et nécessaire de décerner la dignité impériale à Napoléon Bonaparte. Le lendemain, Napoléon Ier, empereur des Français, désigne ses premiers maréchaux. Brune est parmi eux. Le nouveau maréchal d’Empire est également fait grand-aigle de la Légion d’honneur. Il quitte Constantinople et rentre en France. Le 2 septembre 1805, l’empereur nomme Brune général en chef de l’armée du camp de Boulogne et de l’armée des côtes de l’Océan, puis, en 1806, gouverneur des villes hanséatiques.

 

Mais ce maréchal, parvenu au faîte de sa carrière militaire, continue à inquiéter Napoléon avec ses opinions politiques. Être républicain sous l’Empire n’était plus de mise. L’empereur prit le premier prétexte venu pour le faire tomber en disgrâce. Celle-ci allait durer de 1807 aux Cent-Jours. En 1807, Brune, commandant du corps d’observation de la Grande Armée opérant contre la Prusse, est chargé de conquérir la Poméranie. Le maréchal s’empare de Stralsund le 15 juillet puis de l’île de Rügen. Le 7 septembre, au cours d’une entrevue avec le roi de Suède, l’acte de capitulation rédigé par le maréchal ne cite pas « l’armée de Sa Majesté Impériale et Royale », mais « l’armée française. » Ce républicanisme déplaît tellement à Napoléon que Brune est mis en disponibilité jusqu’en 1814. Tout au long de cette disgrâce, son nom n’est plus prononcé à la Cour impériale. Contraint et forcé, le 1er avril 1814, le maréchal se rallie aux Bourbons, qui rechignèrent pourtant à accepter ses services en 1814 même si Louis XVIII lui donne la croix de Saint-Louis.

 

Le traquenard d’Avignon

Le maréchal Brune revient en grâce lors du retour de l’île d’Elbe. Le 16 avril 1815, le maréchal Davout, ministre de la Guerre, lui confie le commandement de la 8e division militaire sise à Marseille et un corps d’observation sur le Var, chargé de protéger la frontière avec le Piémont. Le maréchal a sous ses ordres la 17e division d’infanterie, commandé par Verdier, le 14e chasseurs à cheval, de l’artillerie et du génie, soit au total : 5544 hommes. Brune « accepta la tâche ingrate et difficile d’arrêter la guerre civile dans la Provence, dont les passions violentes avaient été déchaînées par les factions, et de défendre ce pays contre l’invasion des Anglais et des Autrichiens ». À Sainte-Hélène, dans le Mémorial, Napoléon dira de lui : « C’était un déprédateur intrépide et j’ai eu tort de ne pas me confier au maréchal Brune en 1815, il connaissait tous les vieux de la Révolution, il m’aurait organisé facilement 25 000 ou 30 000 fédérés qui eussent dominé la défection des Chambres. »

 

Le 2 juin, pour s’assurer la fidélité de celui qui a toujours été plus un général de la Révolution qu’un maréchal d’Empire, Napoléon le nomme pair de France, faisant de Brune, ipso facto un comte de l’Empire. Le maréchal Brune arrive à Marseille le 21 avril et y instaure l’état de siège. Brune reçoit la nouvelle de la défaite de Waterloo le 24 juin. Dans un communiqué en date du 4 juillet, il annonce à ses troupes l’abdication de Napoléon et conclut son ordre du jour en proclamant : « Vive l’Empereur Napoléon II, vive à jamais la liberté française ! ». Apprenant le retour de Louis XVIII à Paris le 14 juillet, Brune continue de faire flotter le drapeau tricolore sur Toulon jusqu’au 31 juillet 1815. Il fait allégeance à son concitoyen de Brive, le futur amiral Grivel, chargé de mission auprès du marquis de Rivière. Brune adresse alors son dernier message aux soldats de la 8e division :

 

« La patrie a droit à tous nos sacrifices, elle ordonne que nous renoncions à ces drapeaux qui nous rappellent tant de victoires, qu’ils reçoivent mes douloureux adieux. »Relevé de son commandement militaire de Toulon, il est appelé à Paris pour rendre compte au roi de la mission que lui avait confié l’empereur. Il était prévu que le maréchal Brune embarquât sur une goélette, préparée par Duperré et Grivel, pour regagner Paris par Le Havre. Mais Brune, jugeant cette idée peu digne d’un maréchal de France, choisit de partir par la route et décide de rejoindre la capitale par la vallée du Rhône. Il quitte son poste le 1er août, après avoir remis son commandement au général Partouneaux et à l’amiral Ganteaume. Le 31 juillet 1815, le drapeau tricolore qu’avait fait flotter Brune à Toulon est descendu et retiré sur ordre de Partouneaux et Ganteaume. À ce sujet, il y a dans les archives officielles un rapport anonyme de juillet 1815 : « Ordre de faire saisir le maréchal Brune qui persiste à faire maintenir la cocarde et le drapeau tricolore à Toulon ». Ce fut cet acte de bravoure qui lui valut d’être victime d’un dramatique épisode de la Terreur blanche.

 

Avant son départ de Toulon, vers deux heures du matin, Brune reçoit du marquis de Rivière un laissez-passer lui permettant de rejoindre Paris. Le maréchal part sous bonne escorte. La première étape prévue était Avignon. Mais lors de la traversée d’Aix-en-Provence, reconnu par un groupe royaliste, il est menacé et insulté. Faisant fi de cette première alerte, au relais de Saint-Andiol, Brune congédie son escorte du 14e chasseurs dont les chevaux étaient harassés. Arrivé à Cavaillon, il est informé que de toute façon ses soldats avaient reçu l’ordre de revenir vers Toulon.Il continue pourtant sa route avec ses trois aides de camp Alard, Bourgoin et Degand, son secrétaire Le Guen, ainsi que le général de Loverdo. Vaguement informés des troubles d’Avignon, ceux-ci l’engagent à éviter cette ville. On pouvait gagner Orange par la route de l’Isle-sur-la-Sorgue, mais le maître de poste s’y opposa déclarant qu’il lui fallait passer par Avignon pour relayer.

 

Simplement accompagné par Bourgoin et Degand, le convoi, réduit à deux voitures, une calèche et un cabriolet, arrive au pied des remparts d’Avignon le 2 août et pénètre dans la cité par la porte de l’Oulle à dix heures du matin. Il s’arrête sur la place de la Comédie où se trouvait le relais de poste. L’heure exacte est connue grâce au rapport du capitaine Casimir Verger. Celui-ci, pris d’un zèle intempestif, décide d’examiner à la loupe les papiers de route bloquant le maréchal et son équipage pendant assez longtemps pour que Brune soit reconnu par « une tourbe d’insensés qui se décoraient du nom de royalistes ». La nouvelle fait le tour de la ville. Pendant que l’on change les chevaux, un attroupement se forme autour de la voiture du maréchal. Ces excités – appelés verdets et trestaillons – étaient conduits par le négociant Soullier, un royaliste connu par sa violence et son irascibilité. Celui-ci accuse Brune d’avoir porté au bout d’une pique la tête de la princesse de Lamballe. Cette accusation était totalement mensongère. Dans le même temps, le major Lambot, chef d’escadron de gendarmerie, prévenu par le chef de poste Verger, se fait apporter les passeports du maréchal et de sa suite afin de les vérifier et de les viser. Le départ était ainsi suspendu le temps de procéder à ces longues formalités. Cela est suffisant pour que la voiture de Brune, bloquée devant l’hôtel du Palais Royal contigu au relais de poste, soit prise à partie par une foule qui augmentait de minute en minute.

 

Sans s’inquiéter outre mesure et afin de ne pas se retarder, le maréchal réclame juste quelques pêches à manger. La foule devenait de plus en plus nombreuse et vindicative. L’épouse de l’aubergiste du Palais-Royal, la dame Molin, craignant le pire, le fait immédiatement pénétrer à l’intérieur. Elle l’informe que le nouveau préfet, le baron de Saint-Chamans, arrivé le matin même à six heures se trouve chez elle et lui conseille de se réfugier dans son appartement. Ce que fait Brune. Saint-Chamans, descendu sur la place, tente vainement de calmer la foule. Il conseille alors au maréchal de quitter sans délai Avignon lui promettant de lui faire parvenir son passeport par un gendarme. En dépit de l’opposition de la foule, et grâce à une nouvelle intervention du préfet, Brune peut enfin se remettre en route. Le convoi partit poursuivi par une foule hurlante. Pour sortir d’Avignon, les voitures coupent par l’intérieur des remparts, permettant à Soullier et à ses émeutiers de les bloquer à nouveau. La calèche du maréchal est criblée de pierres.

 

Une quinzaine d’hommes armés se jettent à la tête des chevaux en criant : « À mort ! Au Rhône ! À mort l’assassin ! » Prévenu, le préfet arrive en compagnie de Boudard, son conseiller de préfecture, de Bressy-Poutinçon, le commissaire de police et du capitaine Verger qui rapportait enfin les passeports. Tous tentent de calmer la foule de portefaix, de mariniers et de manouvriers ou tout au moins de la retenir ou de lui faire entendre raison.

 

Peine perdue. Ce fut alors qu’un portefaix saisit le fusil d’un garde national en criant : « Donne, donne, que je le tue comme Calvet ! ». Gardant son calme et son sang-froid, le maréchal se laisse convaincre par le préfet de retourner place de la Comédie où, lui est-il expliqué, il serait plus en sécurité. Le postillon, blessé à la tête, est contraint de descendre et de tirer ses chevaux par la bride. Verger, épée à la main, a toutes les peines à frayer un passage au convoi. Arrivés devant l’hôtel, tous se précipitent à l’intérieur pendant que les portes sont promptement fermées. Brune se réfugie à nouveau chez le préfet. Mais la chambre de celui-ci donnant sur la cour, des hommes de Soullier aperçoivent le maréchal et le mettent aussitôt en joue. L’aubergiste Molin l’invite à s’installer au premier étage dans une chambre donnant sur l’intérieur. Degand et Bourgoin entrés dans l’hôtel par une autre porte sont installés dans une salle basse sous la garde d’hommes armés. Dehors, verdets et trestaillons, au nombre de 3000, tentent d’enfoncer les portes et des fagots s’accumulent pour mettre le feu à l’hôtel.

 

Le maire d’Avignon tente de sauver le maréchal

Prévenu tardivement, Guillaume Puy, le maire d’Avignon, arrive ceint de son écharpe. Il se met en travers de la porte d’entrée et crie : « Braves Avignonnais, venez à mon secours ! Empêchez que la ville d’Avignon ne soit souillée de nouveaux crimes. » Non seulement, il n’est pas écouté mais menacé. Le maire, fort pâle, rejoint alors le préfet qu’il rencontrait pour la première fois. Saint-Chamans l’avertit qu’il venait de donner ordre au major Lambot de rassembler tout ce qu’il y avait de forces armées en ville. Surpris, Guillaume Puy l’informe qu’il ne pouvait ignorer que les gardes nationaux, les chasseurs d’Angoulême, les fantassins du Royal-Louis étaient plus disposés à seconder l’émeute qu’à la réprimer.

 

La gendarmerie, seul corps sur lequel on pouvait compter, se range dans un coin de la place de la Comédie et est accueillie par des huées. Cette diversion permet toutefois au maire de se rendre auprès du maréchal. Mais Lambot fait reculer ses gendarmes sous prétexte d’éviter toute provocation. Des gardes nationaux les remplacent. Face à l’hôtel du Palais-Royal, ils font mine de charger la foule qui, reculant à peine, regagne aussitôt le terrain perdu. Le préfet Saint-Chamans et le maire d’Avignon décident alors de placer devant l’hôtel une trentaine de personnes disposées à défendre le maréchal. Guillaume Puy, courageusement, demande à sortir pour essayer à nouveau de calmer les émeutiers. Mal protégé, il est bousculé, renversé, foulé aux pieds.

 

Le conseiller Montagnat tente sa chance mais bat en retraite sous les menaces. À son tour, le major Lambot harangue la foule qui braille : « L’an dernier si on nous avait laissé nous aurions tué Bonaparte ».

 

À ce moment-là, sur la place et aux abords s’agglutinaient près de quatre mille personnes. Brune, de sa chambre, entendait les vociférations. Quant aux chasseurs d’Angoulême chargés de sa surveillance, la plupart tenaient des propos menaçants à son égard. La gorge sèche, le maréchal demande alors à la dame Molin du vin de Bordeaux et une carafe d’eau. Il la prie aussi de lui apporter ses pistolets qui étaient restés dans sa voiture, affirmant qu’il se refusait à ce que « la plus vile canaille porta la main sur un maréchal de France et préférant mourir de sa main que de celle de ces furieux ». La tenancière n’ose pas aller chercher ces armes. Au préfet qui vient le voir puis au commandant de la garde nationale Hugues, il réclame à nouveau mais vainement ses pistolets. Furieux, Brune s’adresse alors à un sous-lieutenant de la milice, nommé Boudon : « Donne-moi ton sabre, tu verras comment sait mourir un brave ! »

 

Les autorités, tout en sachant que l’attaque était imminente, le rassurent en lui certifiant qu’elles tenaient la situation bien en main et que toutes les mesures nécessaires à sa sécurité avaient été prises. Le maréchal demande alors du papier pour écrire. Pendant ce temps, des échelles avaient été dressées permettant à plusieurs émeutiers de monter sur les toits. Sous la conduite de Soullier, ils réussissent à s’introduire dans les combles de l’hôtel et à descendre au premier étage. La porte de Brune étant restée entrouverte, une quinzaine de personnes s’introduit de sa chambre. Le négociant royaliste l’interpelle en l’accusant à nouveau d’avoir assassiné la princesse de Lamballe. Il conclut en lançant : « Le moment approche où tu vas recevoir la peine due à tes crimes ». Le maréchal ignore le provocateur et continue à écrire une ultime lettre à son épouse Angélique.

 

Ce fut alors qu’un portefaix, Guindon, dit Roquefort, un taffetassier, Louis Fargue, suivis de trois ou quatre individus arrivent à leur tour sur le palier. Sur un signe de Guindon, ils entrent en proférant des menaces. Brune fait face en découvrant sa poitrine. Fargue le vise de son pistolet. D’un geste de la main, le maréchal détourne l’arme. La balle lui érafle le front, emportant une touffe de cheveux, et se loge dans une poutre du plafond. Fargue appuie son second pistolet sur la poitrine du maréchal et pressa la gâchette, mais l’arme de l’ouvrier en soie s’enraie. Roquefort, furieux, passe dans le dos du maréchal, cale sa carabine sur l’épaule d’un de ses complices et tire. La balle pénètre par la nuque, brise la colonne vertébrale et tranche la carotide. Brune tombe foudroyé, face contre terre, dans une mare de sang. Il était environ trois heures de l’après-midi. Après cet exploit, Guindon apparaît triomphant au balcon et clame : « Acò es fa ! ».( La chose est faite.)

 

La foule s’arrête de hurler à la mort pour hurler sa joie. L’hôtel du Palais Royal, où venait d’être assassiné le maréchal, se trouve au 21 de l’actuelle place Crillon, (ex place de la Comédie), près de la porte de l’Oulle. Une plaque commémore cet évènement. Le cadavre est examiné par l’officier de santé Dominique Martin assisté du conseiller Beauregard. Ils dénombrent deux blessures, l’une située à la partie antérieure droite du larynx, l’autre entre les deux épaules à la hauteur de la quatrième vertèbre cervicale. Leur place ne laissait aucun doute sur l’assassinat. Pourtant le juge d’instruction Piot et le capitaine Verger rédigent aussitôt un procès-verbal concluant au suicide. Celui-ci est alors contresigné par le préfet, le procureur du roi, le commissaire de police et plusieurs officiers, tous conscients de ratifier un faux document. Seuls le maire Guillaume Puy, son adjoint Beulac et Alard, le chirurgien du maréchal, refusent d’apposer leurs noms sur cet acte mensonger. Indigné, le premier magistrat d’Avignon déclare que ce faux était une tache éternelle pour sa ville. Soullier le repousse en le menaçant en ces termes : « Après avoir frappé sur les noirs, on pourrait bien frapper sur les gris ! ». Anéanti et écouré, Guillaume Puy se retire dans la maison commune, échappant au pillage qui suivit cet assassinat.

 

 

La dépouille du maréchal

Saluée par des huées, la dépouille du maréchal Brune est jetée hors du brancard, traînée par les pieds et rouée de coups. Au milieu des éclats de rire, le corps du maréchal est percé de cent coups de poignard. Arrivé au pont de bois, on le précipite dans le Rhône et quand il refait surface, pastichant les honneurs militaires, des excités le fusillent pendant plus d’une heure. Incapables d’assouvir totalement leur haine, des irréductibles allèrent jusqu’à suivre le corps emporté par les flots, ne permettant à quiconque de le retirer des eaux.Durant plusieurs jours la dépouille de Brune flotta dans le Rhône.

 

Un matin, le jardinier Amédée Pichot retrouve un corps méconnaissable et l’enterre sur les terres du baron de Chartrouse, près de Tarascon. Durant deux ans, la maréchale Brune multiplia les enquêtes pour localiser ce lieu d’inhumation. Le 5 décembre 1817, Chartrouse retrouve ses restes et les fait parvenir à la maréchale dans son château de Saint-Just-Sauvage. Le cercueil reste plusieurs années au milieu d’un salon, car sa veuve avait juré de le conserver là tant qu’elle n’aurait pas obtenu justice.

 

Enfin en 1821, l’année même de la mort de Napoléon, et après de multiples démarches, la cour de Riom déclare Fargue et Guindon coupables de l’assassinat. Le taffetassier était mort. Le portefaix, en fuite, fut condamné à mort par contumace. Le maréchal fut inhumé le 13 janvier 1829, sous une tombe pyramidale dans le cimetière de Saint-Just-Sauvage (Marne). Sa veuve Angélique Nicole Pierre repose à ses côtés.

Chronologie

NE : le 13/05/1763 à Brive-La-Gaillarde (Corrèze).

MORT : le 02/08/1815 en Avignon, à 52 ans. Tué d’un coup de fusil et percé de cent coups de poignard par une populace de royalistes. Sa tombe se trouve au cimetière de Saint-Just (Mame).

FAMILLE. Originaire du Limousin.

PARENTS : Etienne Brune, avocat du Roi au Présidial de Brive. Marié, le 03/06/1755, à Jeanne de Vielbans, fille d’un mousquetaire noir de la garde du Roi.

FRERES et SOEURS : une soeur.

EPOUSE. Angélique Pierre (1765-1829).

MARIAGE. Célébré à Paris en 1794.

ENFANTS. Sans postérité.

DESCENDANCE. Néant.

TITRES et FONCTIONS HONORIFIQUES.
– Conseiller d’état, le 25/12/1799 (président de la section de la guerre), à 36 ans.
– Ambassadeur en Turquie (du 11/09/1802 au 17/12/1804), à 39 ans.
– Maréchal d’empire, 9° dans l’ordre de promotion, le 19/05/1804, à 41 ans. – Gouverneur général des villes hanséatiques, le 15/12/1806, à 43 ans.
– Gouverneur de la Provence, 8° division militaire, le 16/04/1815, à 52 ans.
– Comte de l’Empire et pair de France, le 02/06/1815.

 

ETATS DE SERVICE.
– Capitaine dans la garde nationale de Paris, en 1789, à 26 ans.
– Adjudant-major aux volontaires de Seine et Oise, le 18/10/1791, à 28 ans.
– Adjudant-général, chef de brigade, le 12/10/1792.
– Général de brigade, le 18/08/1793, à 30 ans.
– Général de division, le 07/11/1797.
– Général en chef de l’armée d’Italie, le 08/03/1798, à 35 ans.
– Général en chef des troupes d’occupation dans la république Batave, le 13/10/1798. à 35 ans.
– Général en chef de l’armée de l’Ouest, le 14/01/1800, à 37 ans.
– Général en chef de l’armée de réserve, le 17/05/1800.
– Général en chef de l’armée d’Italie, le 13/08/1800.
– Général en chef de l’armée réunie au camp de Boulogne, le 02/09/1805. à 42 ans.
– Commandant le corps d’observation de la Grande-Armée, le 29/04/1807, à 44 ans.

DECORATIONS.
– Grand Aigle de la Légion d’Honneur, le 02/02/1805.
– Chevalier de l’Ordre de Saint-Louis, le 01/06/18] 4

BLESSURES.
Aucune blessure importante n’est à signalée dans sa carrière. Cependant, le 14/01/1797, devant Vérone, il reçut sept balles dans son uniforme sans être blessé.

CAMPAGNES.
– Campagne du Nord (1793).
– Campagne d’Italie (1796-1798).
– Campagne de Hollande (1798-1799). Armée de l’Ouest, Vendée (1800).
– 2° campagne d’Italie (1800-1801).
– Campagne d’Allemagne (1807).
Le nom du maréchal Brune est inscrit au côté Sud de l’Arc de Triomphe de l’Etoile.

Sabre Briquet