Aigle impérial

Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont, duc de Raguse, né le 20 juillet 1774 à Châtillon-sur-Seine et mort le 22 mars 1852 à Venise, fut maréchal d’Empire (1809).

 

Fils d’un officier membre de la petite noblesse, il adopte les principes de la Révolution française. Il apprend les mathématiques à Dijon avant d’entrer à l’école d’artillerie où il rencontre Napoléon Bonaparte.

 

La Révolution et l’Empire

Sous-lieutenant d’infanterie à 15 ans, sous-lieutenant d’artillerie en 1792, capitaine à l’armée de Mayence, commandant l’artillerie de l’avant-garde de Desaix. Il participe au siège de Toulon avec Bonaparte et devient son aide-de-camp, l’accompagnant en Italie et en Égypte. Il lui fut remis un sabre d’honneur pour son rôle à la bataille du pont de Lodi. Il est fait chef de brigade en l’an V, commandant de la 4e demi-brigade en Égypte et retourne en Europe avec le général Bonaparte en 1799. Il est nommé conseiller d’État après le 18 brumaire auquel il participe et, quelques mois plus tard, il est promu au commandement en chef de l’artillerie de l’armée de réserve. Il déploie les ressources les plus ingénieuses pour transporter le matériel au-delà du col du Grand-Saint-Bernard. Il organise l’artillerie pour l’expédition en Italie, qu’il commande avec efficacité à la bataille de Marengo. Pour cela il est fait général de division.

 

En 1804, il devient grand-officier de la Légion d’honneur mais est très désappointé de ne pas figurer sur la liste des nouveaux maréchaux.

Commandant en chef des troupes françaises et bataves en République batave, il dirige un camp à Zeist, près d’Utrecht. À proximité de ce camp, il fait construire par ses soldats une pyramide commémorative, le « Marmontberg ». La ville d’Austerlitz sera fondée à l’emplacement du camp. En 1805, les trois divisions du camp forment le 2e corps d’armée (36 000 hommes environ) avec lequel il participe à la bataille d’Ulm. En 1806, il est nommé général en chef en Dalmatie, pour débloquer les Français assiégés dans Raguse (Dubrovnik) par les Russes. Pendant les cinq années suivantes, il est gouverneur civil et militaire de la Dalmatie, et les traces de son régime bienfaisant survivent à la fois dans de grands travaux publics et dans la mémoire de la population. En 1808, il est fait duc de Raguse et, en 1809, étant requis par Napoléon pour prendre part à la campagne d’Autriche, il marche sur Vienne et participe aux dernières opérations de la campagne. Napoléon le fait alors maréchal sur le champ de bataille de Znaïm, et gouverneur général de toutes les Provinces illyriennes.

 

En juillet 1810, Marmont succède en hâte à Masséna dans le commandement de l’armée française dans le nord de l’Espagne. L’habileté avec laquelle il fait manouvrer son armée pendant cette année là est reconnue. Son secours à Ciudad Rodrigo à l’automne de 1811, malgré la présence de l’armée britannique, est un exploit. Le positionnement avant la bataille de Salamanque est le meilleur possible. Mais Wellington, conquiert sa position pendant la bataille et inflige une sévère défaite aux Français, le 22 juillet 1812, à la bataille des Arapiles, Marmont lui-même étant gravement blessé au bras et au côté droit, cède le commandement à Clauzel, qui sauve l’armée. Il rentre en France pour récupérer.

 

En avril 1813, il est à peine remis quand Napoléon, oubliant son ressentiment pour la défaite, lui donne un nouveau commandement. Il sert dans les batailles de Lützen, Bautzen et Dresde en Allemagne, et pendant la campagne de 1814. Marmont joue là un rôle politique qui est stigmatisé comme celui d’un ingrat et d’un traître. Le 30 mars, alors que les troupes alliées encerclent Paris, que Joseph, le frère de Napoléon, et le gouvernement quittent la capitale, défendue par Mortier et Marmont avec 20 000 soldats et 30 000 gardes nationaux commandés par Moncey, Talleyrand convainc Marmont de rompre le combat. Le maréchal entre alors en négociations avec les alliés. La capitulation est signée le 31 mars à 2h du matin. Le 4 avril suivant, Marmont se retire avec ses troupes en Normandie, en totale contravention avec les ordres qu’il a reçus de l’Empereur et sans tenir compte des protestations de ses officiers et de ses soldats. Cette action ne fut jamais oubliée par ses concitoyens. De son titre de duc de Raguse, on forma d’ailleurs le mot « ragusade » pour signifier trahison.

 

La Restauration et l’exil

À la Restauration des Bourbons, le duc de Raguse est nommé capitaine des Gardes du corps, il se rend à Gand en 1814, comme chef de la maison militaire de Louis XVIII qui le crée Pair de France. Il passe les Cent-Jours aux eaux d’Aix-la-Chapelle. Napoléon revenu au pouvoir le raye de la liste des maréchaux. Après la seconde abdication, il rentre à Paris à la suite du roi qui en fait l’un des quatre majors généraux de sa garde le 3 août. Le duc de Raguse vote la mort lors du procès du maréchal Ney en décembre 1815. En 1817, il est envoyé en mission expéditionnaire à Lyon. Il est en 1820 chevalier de l’ordre du Saint-Esprit et grand officier de l’ordre de Saint-Louis. En 1825, en qualité d’ambassadeur extraordinaire, il assiste au couronnement du tsar Nicolas Ier. Il s’occupe quelque temps de la fabrication du sucre de betteraves et y compromet sa fortune.

 

Pendant la révolution de juillet 1830, il est nommé le 28 juillet, commandant de la division militaire de Paris et a ordre de réprimer toute opposition aux ordonnances de Saint-Cloud. Lui-même opposé à la politique de la cour, il essaye néanmoins de faire son devoir jusqu’à ce qu’il devienne évident que ses troupes ne suffisent pas à la tâche. Le dauphin ordonne alors son arrestation. Il accompagne le roi en exil et abandonne son maréchalat. Le duc de Raguse quitte la France et s’embarque à Cherbourg en même temps que Charles X. Son désir de retourner en France ne fut jamais réalisé et il erra en Europe centrale et de l’est, pour finalement s’installer à Vienne, où il est reçu par le gouvernement et étrangement fait tuteur du duc de Reichstadt, le jeune homme qui était Napoléon II. Il commença un long voyage en Hongrie, en Transylvanie, en Russie, à Constantinople, dans l’Asie mineure, la Syrie et l’Égypte; il visita ensuite Rome, Naples et la Sicile. À sa mort en 1852, il fut enterré dans sa ville natale à Châtillon-sur-Seine au cimetière Saint-Vorles. Son fidèle premier aide de camp (à deux reprises en Dalmatie, puis lors de la Restauration), le général baron Claude Testot-Ferry prononça son éloge funèbre.

 

Napoléon, quant à lui, juge que « la vanité avait perdu Marmont, la postérité flétrira justement sa vie ; pourtant son cœur vaudra mieux que sa mémoire ».

Marmont résume ainsi sa vie dans ses Mémoires du Maréchal Marmont, duc de Raguse: « J’ai été placé, en peu d’années, deux fois dans des circonstances qui ne se renouvellent ordinairement qu’après des siècles. J’ai été témoin actif de la chute de deux dynasties. La première fois le sentiment le plus patriotique, le plus désintéressé, m’a entraîné. J’ai sacrifié mes affections et mes intérêts à ce que j’ai cru, à ce qui pouvait et devait être le salut de mon pays. La seconde fois, je n’ai eu qu’une seule et unique chose en vue, l’intérêt de ma réputation militaire ; et je me suis précipité dans un gouffre ouvert dont je connaissais toute la profondeur.

Peu de gens ont apprécié le mérite de ma première action. Elle a été au contraire l’occasion de déchaînements, de blâmes et de calomnies qui ont fait le malheur de ma vie. Aujourd’hui, je suis l’objet de la haine populaire, et il est sage à moi de considérer ma carrière politique comme terminée. »

Sabre Briquet